Plantes et Santé Le magazine de la santé par les plantes

Béatrice Caseau :
« L’encens permettait d’établir un lien avec le divin »

encens

Professeur d’histoire byzantine à la Sorbonne, Béatrice Caseau est spécialiste de l’histoire des pratiques religieuses, et en particulier l’usage de l’encens. En cette période de Noël, elle nous rappelle que cette résine ou poudre de bois parfumée était déjà utilisée il y a plusieurs millénaires pour ses propriétés médicinales, mais aussi dans une perspective spirituelle.

Plantes & Santé L’encens est un produit beaucoup plus complexe qu’on ne pourrait le penser ?
Béatrice Caseau
On ne peut pas parler de « l’encens » au singulier, car il existe en réalité une multitude d’encens. Ce terme sert à désigner toutes les résines et tous les bois parfumés qui se transforment en fumée lorsqu’ils brûlent. Parmi eux, le fameux oliban, résine issue du Boswellia sacra en Somalie ou au Yémen, mais aussi le copal au Mexique ou à Madagascar. Il peut s’agir d’un mélange de différentes résines ou poudres de bois parfumés, ou bien de résines ou poudres seules. Autrefois, on faisait avec ce dont on disposait sur place et aussi selon ses moyens. Dès l’Antiquité romaine, l’encens, très utilisé dans les cultes et les funérailles, était le plus souvent un produit composite dont l’oliban et la myrrhe, les ingrédients les plus précieux et célèbres, pouvaient ne former qu’une petite partie. On pouvait aussi y ajouter des épices ou du bois parfumé. Au Moyen Âge, on utilisait de la résine que l’on pouvait trouver localement, comme celle de pin. Bien sûr, les plus riches achetaient aussi de la résine de boswellia importée. Mais la myrrhe et l’oliban, célèbres car ils font partie des présents des rois mages à l’Enfant Jésus, étaient pourtant loin d’être les seules gommes-résines à être utilisées.

P. & S. Comment les utilisait-on ?
B. C.
On trouve des traces d’utilisation de l’encens dès l’Antiquité aussi bien en tant que parfum que pour ses propriétés médicinales. Dans nombre de recettes de la médecine grecque antique, les encens et les épices sont présents. Dans le christianisme, il était surtout utilisé comme un moyen de créer une connexion avec le divin. C’est un héritage antique. L’expression « odeur de sainteté » reflète d’anciennes croyances selon lesquelles les divinités sentent bon et sont sensibles aux bonnes odeurs. Ainsi, faire brûler de l’encens et créer une ambiance olfactive agréable aidait les prières à atteindre le ciel. À l’inverse, les mauvaises odeurs étaient associées à l’univers démoniaque, et l’encens aidait à combattre les démons et leur cortège de maladie. Dans certains rites magiques, on associe aussi l’encens à la purification de lieux, d’objets ou de personnes.

P. & S. Quelle étaient leurs fonctions médicinales ?
B. C.
On sait que l’oliban, qui provenait en particulier d’Arabie du Sud, était utilisé dans la médecine grecque ancienne. Son pouvoir analgésique était connu, et on en donne aujourd’hui encore aux femmes à mâcher pendant le travail de l’accouchement pour atténuer la souffrance. On l’utilisait aussi en pastille ou en onguent pour calmer toutes sortes de douleurs. On sait aussi que, dans le monde islamique médiéval, l’encens, notamment le benjoin, était recommandé pour les vertus apaisantes de son parfum qui favorisait la détente mentale. Dans la médecine antique puis dès les débuts du christianisme, on utilisait l’encens comme barrière olfactive dans la chambre des malades, car on pensait que l’air transportait les maladies. Rendue « visible » grâce à la fumée, la bonne odeur de l’encens faisait office de protection contre la maladie. D’ailleurs, l’étymologie du mot « parfum » renvoie à l’expression latine per fumum, qui signifie « par la fumée ». Dès le début du christianisme, la maladie était considérée comme une conséquence directe du péché originel. Diffuser de l’encens était surtout une façon de lutter contre cela. La perte de connaissance des subtilités des usages médicaux des parfums de l’encens et des propriétés des différentes résines est l’une des marques de la rupture entre le monde antique et le monde médiéval.

P. & S. Pouvez-vous nous donner quelques exemples de recettes d’encens ?
B. C.
Il y en a des centaines ! Toutefois, il est difficile pour les historiens de prouver que les ingrédients des recettes pharmaceutiques recensées dans les sources médicales antiques, recopiées au Moyen Âge, étaient réellement utilisés. Par exemple, concernant le produit baptisé « encens à fumiger des Noirs », il est possible que la recette dont on trouve la trace dans le traité de médecine arabe Umdat al talib de Jamal al-Din Ahmad ibn Ali ait pu être inventée pour rapprocher cette confection dont on ne connaissait pas la formule d’une autre recette mieux documentée. On trouve aussi de nombreuses recettes d’encens dans des recueils de pratique magique, par exemple les papyrus magiques grecs. Et aussi dans l’Ancien Testament, au chapitre 30 de l’Exode : le Seigneur demande à Moïse de fabriquer un encens composé « de storax, ambre, galbanum aromatique et encens pur, en parties égales » avant de préciser que cette recette était « réservée au Seigneur ». Plutarque rapporte que, dans les temples d’Isis, on ne brûlait pas le même mélange tout le temps, mais qu’il y avait un encens spécifique aux vertus tonifiantes, diffusé le matin, et un autre apaisant, pour le soir. On retrouve aussi dans des écrits que certains gnostiques faisaient même tester différents mélanges à leurs adeptes pour tenter de trouver le meilleur.

P. & S. Que pensez-vous des encens que l’on trouve aujourd’hui dans le commerce ?
B. C.
La forme sous laquelle l’encens se présente souvent, le bâtonnet, est relativement récente. Il s’agit d’un mélange de poudres de bois et de fleurs (c’est le cas de l’encens japonais), ou de résines, auxquelles ont souvent été ajoutés du charbon pour la combustion et des arômes chimiques. Le problème, c’est l’adultération du produit. Galien se plaignait déjà de ce phénomène : on ajoutait toutes sortes de produits aux poudres d’encens pour en faire baisser le coût. Mais cela avait aussi un impact sur sa pureté. En 2015, une étude mettait en garde contre les possibles dangers (cancers) de certains encens auxquels des produits chimiques ont été ajoutés pour en accentuer la fragrance. Il faut donc privilégier l’utilisation de résine brute, que l’on peut trouver en magasin bio.

P. & S. Et aujourd’hui, l’utilisation de l’encens est-elle associée à un renouveau spirituel ?
B. C.
L’usage domestique de l’encens en Occident est redevenu à la mode au xxe siècle avec la vogue de l’orientalisme (bouddhisme, yoga, sagesses orientales, bien-être…). En effet, en Asie, le religieux est partout, y compris dans la sphère domestique. Ici, on utilise l’encens à la maison pour diffuser une bonne odeur, mais il reste encore l’idée de purification, de protection…

Parcours

1985 Agrégation d’histoire.
Depuis 1985 Enseigne régulièrement à l’université Princeton aux États-Unis.
1994 Thèse soutenue à Princeton sur la christianisation des parfums et de l’encens.
1994-2013 Chargée de cours à l’Institut catholique de Paris.
1998-2015 Maître de conférences à la Sorbonne en histoire byzantine.
2000-2017 Chargée de cours à l’École du Louvre.
2010-2011 Création d’un laboratoire d’excellence dédié aux « Religions et sociétés dans le monde méditerranéen » (LABEX RSMED) qu’elle dirige depuis 2015.
Depuis 2015 Professeur d’histoire byzantine à la Sorbonne.
Septembre 2017 Table ronde à Paris sur l’encens et les religions. Colloque international à Rome : « L’encens : le sens du rite ».

Choisir son encens

Aujourd’hui encore, on utilise les propriétés de l’encens. Claire Fillon étudie ses différentes variétés et leur impact sur notre psychisme depuis trente ans. Voici ses indications sur les propriétés des résines d’encens les plus connues. L’encens agit sur le plexus solaire, qui est le lieu de l’intelligence du coeur. Ses différentes variétés permettent d’illuminer l’intellect. Grâce à l’encens, on retrouve son potentiel, son individualité. Le benjoin nettoie la tête, il stoppe les pensées parasites et améliore le pouvoir de concentration. La myrrhe, elle, agit directement sur le plexus solaire : il est dit qu’elle rétablit l’harmonie dans le chaos. En respirant de la myrrhe, vous serez plus « solaire », plus rayonnant, et vos défauts auront moins d’emprise. Par exemple, si vous êtes jaloux, ou complexé, vous le serez moins. L’oliban, c’est la base, c’est la lymphe de la terre. Pour cela, il est utile pour le système lymphatique. Il est adaptogène, rétablit l’équilibre et l’harmonie. Toutefois, de façon plus globale, l’encens est surtout un moyen pour trouver le chemin vers soi-même. Il faut l’apprivoiser sans rien en attendre ! Pour en savoir plus www.innovation-olfactive.com 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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