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Balade safranée dans le Quercy

Culture du safran
Culture du safran

Entre la vallée du Lot et une partie de celle de la Dordogne, le Quercy offre de magnifiques paysages, modelés en partie par plusieurs cultures de produits du terroir. Aux côtés de la vigne et de la truffe, le safran a, ces dernières années, repris sa place pour colorer l'automne d'un violet invitant à la découverte savante de cette épice rare…

La commune de Saint-Cirq-Lapopie est un village médiéval qui, sur son rocher en forme de mamelle, surplombe le Lot. C’est sur la commune que Valérie Conquet et Michel Bach cultivent leur safran en bio. Nous sommes dans le parc naturel régional des Causses du Quercy, où les vallées vertes côtoient les roches claires, où le safran pose ici et là une empreinte discrète. Il n’est pas si évident de repérer ces parcelles qui, pour la plupart, sont de petites dimensions – de 1 000 à 1 500 mètres carrés, rarement 2 000 mètres carrés – et dont la période de floraison est courte (entre fin octobre et début novembre). Cela donne à la vision du mauve ardent sous les rayons du soleil, le plaisir d’un privilège.

Pourtant cette culture est ­l’héritière d’une histoire ancienne et chahutée. Ce sont les colons romains qui auraient importé la fleur dans le sud de la Gaule avant la fin de l’Empire romain. À partir du XIIe siècle, avec les croisades et le ­commerce des épices, le safran s’implante plus précisément dans le Quercy. L’épice est alors sur les tables des paysans comme des grands bourgeois, au même titre que le sel. Mais pendant la Renaissance, les mœurs gastronomiques de l’époque imposent que l’on apprécie le vrai goût des aliments. Exit le safran. Toutefois, quelques dizaines d’années avant la Révolution française, Louis XIV relance son commerce en autorisant sa récolte et en nommant des inspecteurs dans 15 villes françaises, inscrivant Albi et Cahors sur la liste. Le pays va alors en produire jusqu’à 30 tonnes ! Avec la ­Première Guerre mondiale, l’arrivée des colorants chimiques et l’exode rural vont pourtant le faire disparaître des ­activités locales. ­Heureusement, la plante a survécu dans les jardins, car elle est présente dans les traditions locales, comme celle voulant que les bulbes fassent partie de la dot !

Le village de Saint-Cirq-Lapopie

Et depuis une vingtaine d’années, à l’instar de Valérie Conquet et Michel Bach, des cultivateurs safraniculteurs reviennent convaincus de ses affinités avec la région : « C’est grâce à l’action conjointe de la Nature, qui nous offre un climat semi-océanique, semi-méditerranéen et des sols drainants – argilocalcaires ou sablonneux –, ainsi que de notre savoir-faire manuel et ancestral que la préservation du safran a pu se faire dans le Quercy », explique Valérie Conquet.

Des bulbes dans un conservatoire

Non loin de Saint-Cirq-Lapopie, un autre ­paysage accueille le safran, en bouriane, une terre plus argileuse, d’un sable ocre, bordé de robustes châtaigniers et de chênes. Vincent Taris, safraniculteur installé à ­Frayssinet‑le‑Gélat, a de la chance que son terrain soit un peu en pente, car cela permet à l’eau de pluie de ne pas stagner là où le sol est argileux, et à ses bulbes de safran de ne pas pourrir. Il sait que ces derniers s’adapteront. Ce biologiste passionné par les espèces anciennes, aime, lui aussi, partager sa passion au cours de visites de sa safraneraie : « Nos bulbes du Quercy ont montré leurs capacités de résistance. Je compte prendre le temps de multiplier mes bulbes mères sans en racheter ni utiliser de produits chimiques – je désherbe et je bine à main – de manière à obtenir une espèce biologique fiable, fidèle au safran du Quercy. »

Une biodiversité préservée

Dans le département du Lot, à Gréalou, la ferme familiale du safraniculteur Christian Agrech a une allure tout à fait quercynoise. C’est dans son jardin que Christian a retrouvé des bulbes de safran et dans sa maison des bocaux de pistils, conservés par sa grand-mère. En 1997, après avoir lancé un inventaire participatif dans la région du Quercy, ce professeur de cuisine passionné recense quelques milliers de bulbes, datant d’avant la Révolution, répartis aux alentours de Cajarc, avant de créer en 2001, le Conservatoire botanique du safran du Quercy. Depuis plus de vingt ans maintenant, en octobre, les producteurs professionnels et amateurs membres ou non du conservatoire participent à la grande fête du safran, à Cajarc. Visites matinales des champs, émondage en public, marché gourmand y sont proposés. Si l’édition 2020 n’aura sûrement pas lieu, la pleine floraison, vous offrira, elle, son spectacle magistral : en vous levant avec les premiers rayons du soleil et en vous promenant le long des champs de safran, vous pourrez admirer les petites fleurs. À les regarder de près, leurs six pétales sont plutôt d’un rose pourpre veiné de violet. Ils ne s’ouvriront complètement que dans les bacs, découvrant un pistil composé de trois stigmates rouges qui sera rapidement retiré, puis coupé. D’ailleurs, pourquoi ne pas en profiter pour assister à un atelier d’émondage ou de dégustation… Là aussi la richesse du safran est pleine de promesses. « Car nous n’en sommes qu’à la préhistoire de la reconquête du safran », conclut Christian Agrech !

Safraneraie du domaine de Miroulet.

Pause gourmande au musée

Apprécier le goût d’un safran est difficile. Valérie Conquet, qui propose avec son mari des dégustations de mets safranés au musée du Safran de Saint‑Cirq‑Lapopie, s’en excuse presque : « Les mots nous manquent souvent pour décrire le safran, parfois comme pour un bon vin. Les analyses ont montré que l’épice comptait une centaine d’arômes ! Sa couleur rouge brun, qui lui vaut le nom d’or rouge, varie dans une même région selon le terroir et le temps, tout comme ses arômes qui ont toutefois la réputation d’être puissants dans le Quercy. » Une dizaine de coupes de pistils existe pour formuler l’épice. En Iran, il est coupé au plus long. Certains lui trouvent un goût légèrement fumé. En France, seul le bout rouge vif des stigmates, que certains palais apprécient pour son amertume, est commercialisé. Quant à la partie blanche et jaune qui se trouve à la base du pistil, formant le safran doré, elle est rarement conservée : pourtant, quelques amateurs l’utilisent en pâtisserie, conquis par ses notes fleuries.

Infos pratiques

Comment y aller Les trois exploitations proposées se trouvent dans un rayon de 60 km autour de Saint-Cirq-Lapopie. Le plus simple est de s’y rendre en voiture. En train, la gare de Cahors se situe à 25 km de Saint-Cirq-Lapopie et à 48 km de Cajarc. Le bus 889 les relie.

Horaires Les visites des safraneraies sont possibles uniquement sur rendez-vous. Se référer au carnet d’adresses en p. 72.

À découvrir aussi L’écomusée de Cuzals, à 16 km de Saint‑Cirq‑Lapopie propose des milliers d’objets illustrant l’évolution de la vie dans la campagne quercynoise sur 20 hectares. Une exposition temporaire des plantes met en scène le safran (jusqu’en 2021).

Se loger Le gîte la Buissière, situé sur le domaine de Miroulet, maison quercynoise et jardin indépendant, pour 5 voyageurs, à partir de 55 euros par nuit. Tél.  : 06 76 75 83 86. www.safranquercychristianagrech.fr

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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