Le piment de la nostalgie
Le piment est arrivé en Occident dans les bagages de Christophe Colomb, au XVe siècle. Comme beaucoup d’aliments venus du Nouveau Monde (tomate, café, pomme de terre…), il prend rapidement une place importante dans nos assiettes et notre culture.
Du poivron doux au piment le plus brûlant, le genre Capsicum doit son nom à sa structure en forme de boîte cloisonnée, et son goût et ses propriétés à la capsicine présente à la fois dans sa chair et dans ses graines. Au XVIIIe siècle, le Dr Samuel Hahnemann est le premier à décrire la façon de préparer le médicament Capsicum annuum et les indications pour lesquelles l’utiliser – des aigreurs d’estomac aux épisodes bronchiques en passant par certaines dépressions. Voilà donc deux siècles que nous connaissons ses vertus thérapeutiques.
Les dépressions ont ceci de particulier qu’elles sont empreintes de nostalgie, refoulée le plus souvent, donc plus insidieuse et destructrice. Lorsqu’on est conscient de l’influence de notre passé sur nos choix présents, on en garde le contrôle, et on peut même en tirer des forces. Mais quand ce passé nous contrôle à notre insu, c’est l’avenir qui est oblitéré. Jusqu’au sursaut, souvent salvateur certes, mais au prix de lourdes pertes.
Les patients soignés en homéopathie par Capsicum annuum sont souvent la proie de souvenirs ou regrets qui les guident inconsciemment. Ces éléments du passé agissent comme des ancrages retenant l’individu de voguer vers son avenir. De la même façon, certains scientifiques s’accrochent aux paradigmes qui leur sont familiers par crainte d’aborder des rivages inconnus où ils perdraient leurs repères, si ce n’est leur prééminence. Pourtant, la société et son rapport à l’individu et à la notion de santé (publique ou individuelle) sont en profonde mutation. Une vague de fond la traverse et renverse les anciennes normes.
Des certitudes scientifiques, mais aussi des impératifs financiers et des luttes de pouvoir se travestissent sous les oripeaux du bien public quand ils n’ont d’autre motivation que d’empêcher des évolutions nécessaires. Mais peut-on arrêter les vagues ? L’avenir appartiendra à une société plus égalitaire et moins consommatrice, à une médecine individualisée et multiforme et à l’intégration harmonieuse du nouveau monde à l’ancien... À la douceur du piment, sans nostalgie du futur.