Plantes et Santé Le magazine de la santé par les plantes

Rudolf Jakob Camerarius et le sexe vint aux plantes

Le ricin (Ricinus  communis)

L’existence d’une sexualité chez les plantes n’a pas toujours été une évidence. Au contraire, la croyance en leur virginité a longtemps été tenace. Mais la science a fini par dévoiler le pot aux roses...

Le jardinier semble avoir toujours soupçonné l’existence d’une sexualité chez les plantes. Les Assyriens du VIII siècle avant J.-C. pollinisaient déjà leurs palmiers dattiers en secouant des fleurs mâles au-dessus de fleurs femelles. Pourtant, la réalité du sexe chez les végétaux ne sera véritablement admise par les scientifiques que 2400 ans plus tard. Dès l’Antiquité, Aristote niait l’existence de sexes séparés chez les plantes. Cette idée venait de croyances très anciennes issues des philosophes grecs qui l’ont précédé. Selon leur conception du monde, les plantes étaient apparues à une époque où l’Amour et la Haine n’existaient pas encore. Ces deux principes auraient engendré la différenciation des sexes. Les plantes y auraient donc échappé. Aristote savait que la graine permettait aux plantes de procréer, mais niait la nécessité d’une fécondation pour la produire. Pour lui, les végétaux n’étaient pas des êtres totalement dépourvus de sexe, mais il considérait que les deux, mâle et femelle, étaient déjà unis à l’intérieur des plantes. Ainsi, nul besoin d’un ou d’une partenaire pour se reproduire. Aristote évoque ainsi cette idée : « Dans les plantes, ces deux puissances sont réunies, et la femelle n’est pas séparée du mâle. Aussi, les plantes se reproduisent-elles d’elles-mêmes ; elles n’émettent pas de liqueur génératrice.» De plus, le philosophe est à l’origine de l’idée de génération spontanée. Pour lui, certaines plantes étaient issues d’autres plantes et certaines naissaient spontanément de la terre. Cette théorie ne s’effondrera qu’au XIXe siècle.

Le travail d’un autre savant antique, élève d’Aristote, a fait foi durant deux millénaires dans le domaine de la botanique: celui de Théophraste. Bien qu’il ait eu connaissance de la technique de reproduction artificielle des dattiers, il resta campé sur la croyance que les plantes étaient des êtres dénués de toute activité sexuelle...

. L’idée que le végétal demeure pur et vierge est également présente dans les mythes grecs et romains. Plus tard, dans un Moyen âge pétri de croyances religieuses, la botanique s’endort. Les anciennes théories ne sont pas remises en question et aucune avancée scientifique n’a lieu dans ce domaine. On se contente de lire et de copier les textes anciens.

La preuve par l’expérience

Au tournant du XVIIe et du XVIIIe siècle, la botanique se réveille et la question du sexe des plantes revient sur le devant de la scène. Certains esprits aiguisés évoquent l’hypothèse que les étamines seraient les organes mâles de la plante. Mais la doctrine ancienne reste large- ment dominante. Le médecin et botaniste allemand Rudolf Jakob Camerarius (1665-1721) va pour la première fois prouver l’existence d’une sexualité végétale. Sa démarche est résolument moderne, car il s’arme d’une méthode véritablement scientifique : l’expérimentation. L’idée de soumettre les plantes à des expériences lui vient d’abord d’une observation sur le mûrier. Cette plante est dioïque, c’est-à-dire que certains individus sont mâles tandis que d’autres sont femelles. Le savant observe qu’en l’absence de mûriers mâles, les plants femelles produisent des fruits dont les graines restent infertiles. Il choisit alors une autre plante dioïque, la mercuriale annuelle, pour réaliser une expérience inédite. En séparant les plantes mâles et femelles dans l’espace, il constate que les graines produites par ces dernières demeurent stériles. Camerarius entreprend alors une série de nouvelles expériences pour approfondir ses découvertes. Il étudie une plante monoïque, dont le même individu porte des fleurs mâles et des fleurs femelles : le ricin. Le botaniste coupe les pièces mâles avant qu’elles ne soient tout à fait développées. Dans ce cas aussi, il constate l’infécondité des graines obtenues.

Il renouvelle ses expériences sur l’ortie, l’épinard et le chanvre, avec des résultats identiques puis poursuit ses investigations sur le maïs. Avec cette plante dioïque, son approche est différente. Cette fois, il s’attaque aux organes femelles et supprime les stigmates. Il observe alors l’absence totale de graine ou la formation de coques vides.

Grâce à cette approche éminemment innovante pour l’époque, Camerarius confirme les fonctions des organes sexuels des plantes: mâle pour les étamines et femelle pour le pistil. Il démontre ainsi que les graines fertiles ne peuvent être produites qu’après fécondation. Où il y a fécondation, il y a sexualité. Malgré l’éloquence de ses expériences, le savant se heurte pourtant aux tabous de son temps. Après lui, d’autres savants défendent cette théorie, comme Sébastien Vaillant, botaniste au Jardin du Roi, l’actuel Jardin des plantes de Paris. Puis le célèbre Linné invente son fameux système sexuel pour la classification des plantes. Malgré de nombreuses polémiques et l’indignation des ecclésiastiques, le sexe des plantes finira par être définitivement admis à la fin du XVIIIe siècle.

Pureté mariale

Au Moyen Âge, le lys  représentait la pureté et la  virginité de Marie. Dès la  fin du XIIe siècle, cette fleur  occupe une place de choix  dans de nombreux tableaux,  notamment ceux représentant  l’Annonciation. L’archange  Gabriel vient annoncer à la  Vierge qu’elle est enceinte en lui  tendant un lys coupé. La fleur  est parfois aussi dépeinte dans  un vase, ou figurant au bout  d’un sceptre. On retrouve ici  cette idée ancienne qui fait de  la fleur un symbole de fertilité  sans sexualité. Au vu de nos connaissances actuelles, il paraît  ironique d’avoir choisi le lys, aux  organes sexuels si proéminents,  pour évoquer la virginité.

Sexisme botanique

Bien qu’ils refusaient aux  plantes un sexe biologique,  les savants antiques tels que  Théophraste ou Pline l’Ancien  leur attribuaient toutefois un  genre. Ainsi, il qualifiait souvent  telle plante de mâle ou de  femelle. Par ce biais, ils leur  conféraient des caractéristiques  jugées masculines ou féminines.  L’olivier sauvage était considéré  comme un arbre mâle, car  son bois était dur, indocile.  Tandis que l’olivier domestique,  délicat, docile et nourrissant  les hommes de ses nombreux  fruits, était un arbre femelle. Le  sexisme des hommes de science  a longtemps affecté leur vision  du monde et empêché l’avancée  des connaissances en botanique.

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