La belle histoire du nom des plantes Une fleur digne d'une reine
© STAROWICZ ANETTA
Les magnifiques fleurs des strelitzias, évoquant des oiseaux rares, règnent dans les jardins et les bouquets. Mais sait-on qu'elles furent nommées ainsi en l'honneur d'une reine d'Angleterre passionnée de botanique ?
Les strelitzias sont bien connues sous leur nom vernaculaire d'« oiseaux de paradis », qui s'explique par la forme spectaculaire de leurs inflorescences, évoquant la tête et le plumage coloré d'un oiseau exotique. Toutes les espèces sont originaires d'Afrique du Sud. Des recherches ont été entreprises sur leurs propriétés antioxydantes et anticancéreuses, mais c'est essentiellement à titre ornemental qu'elles sont cultivées dans les jardins et les parcs, ou en vue de la réalisation de bouquets. L'espèce Strelitzia reginae est même devenue l'un des emblèmes officiels de la ville de Los Angeles, bien loin de son Afrique natale !
Ces plantes furent découvertes en 1772 par le botaniste écossais Francis Masson, qui avait travaillé sous la direction de Joseph Banks. Ce dernier était alors célèbre pour avoir participé au premier voyage de Cook autour du monde, en 1768-1771. Mais quand le navigateur lui...
proposa de repartir vers les mers du Sud, Banks préféra cette fois envoyer Masson à sa place. Celui-ci embarqua donc, mais n'alla pas plus loin que Le Cap, où il resta trente mois à étudier très activement la flore. Lorsqu'il rentra en Angleterre en 1775, il rapporta une grande quantité de végétaux et de graines. Mais ayant pris goût aux voyages d'exploration, il ne prit guère le temps d'exploiter ses trouvailles, repartant rapidement pour de nouvelles expéditions lointaines. Ce sont donc d'autres botanistes qui se chargèrent d'étudier ces plantes et de tenter de les cultiver. Banks s'était entre-temps imposé comme le chef de file de l'histoire naturelle en Grande-Bretagne. Dès 1773, il dirigea de facto les jardins royaux de Kew. En 1778, il fut élu président de la Royal Society et le resta jusqu'à sa mort, jouant un rôle capital dans le développement des sciences naturelles dans son pays et à l'échelle mondiale.
Il était proche de la cour et entretenait des liens étroits avec le roi George III. Aussi, lorsqu'il parvint à faire pousser et fleurir la superbe plante rapportée par Masson, il décida, en 1788, de lui donner le nom de naissance de l'épouse du souverain, la reine Charlotte (1744-1818), née princesse de Mecklembourg-Strelitz. Et au cas où le nom de genre, Strelitzia, n'aurait pas été suffisamment parlant, il choisit le nom d'espèce reginae (« de la reine »). Ce choix n'était pas un simple acte de courtisan : il avait de solides raisons d'honorer la reine. Charlotte était en effet une grande amatrice d'arts et de sciences. Elle protégea peintres et musiciens et fit promouvoir l'éducation des filles. Surtout, elle contribua à enrichir les jardins royaux de Kew, autour du petit palais où elle résidait souvent avec le roi, et s'intéressa de près aux nouvelles espèces qui y étaient cultivées. Banks eut très souvent l'occasion de la rencontrer et de lui présenter les nouvelles acquisitions du jardin : c'était donc la moindre des choses qu'il lui dédiât l'une des plus remarquables d'entre elles.