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Le kampo, la pratique made in Japan

Le kampo, la pratique made in Japan

Rêvons d’un pays où chaque citoyen aurait le droit d’être soigné par une médecine utilisant des préparations de plantes remboursées par la sécurité sociale et prescrites par des thérapeutes reconnus. Ce pays existe, c’est le Japon et cette médecine existe aussi, c’est le kampo.

Bien que le kampo soit à l’origine basé sur la médecine chinoise, il en diffère par de nombreux points. Pour commencer, l’accent est mis sur la pratique plus que sur la théorie. Il est donc assez facile d’y accéder: il n’est pas nécessaire de comprendre tout le système de conception du monde qui sous-tend la médecine chinoise. Le remède est déterminé de façon assez systématique sur la base d’une combinaison de symptômes, tandis que le médecin chinois examine séparément chaque symptôme qui indiquera son propre remède. Donc dans le kampo, la prescription concerne relativement peu de plantes, en nombre d’espèces et en quantité. Et pourtant, malgré cette relative simplicité, ça marche !

Le kampo, une médecine moderne

Selon cette approche, on reconnaît aux maladies deux sortes de causes complémentaires. La cause extérieure (gai jya) est liée au temps, au climat, à la saison, à la géographie, au stress, à un virus, etc. La cause intérieure (nai in) est due à la négligence de sa santé, à l’instabilité des sentiments, au déséquilibre du qi (l’énergie), à l’empêchement de l’écoulement normal du chi (le sang) ou aux problèmes dus aux blocages du sui (les fluides). Un problème de santé n’est pas perçu comme une agression contre laquelle il faut se battre, mais comme une rupture de l’harmonie fondamentale qu’il importe de rétablir.

Par ailleurs, en médecine occidentale, on considère et on traite les différents symptômes séparément: un antipyrétique pour faire tomber la fièvre, un astringent pour stopper les diarrhées, un anti-inflammatoire pour diminuer l’inflammation, etc. Dans le kampo, on considère tous les symptômes ensemble pour déterminer le remède: ainsi fièvre + diarrhée + inflammation (ainsi que la prise en compte de l’individualité du patient) détermine un shoh.Tout cela, considéré de façon globale, permet au médecin de prescrire un remède spécifique sans se soucier de connaître le nom de la maladie.

Pour déterminer un shoh le diagnostic s’effectue par quatre méthodes (shi shin). Il s’agit de l’examen du visage (boh shin), puis de l’interrogation (mon shin) sur les symptômes, les habitudes de la vie quotidienne, etc., avant de commencer l’examen. Finalement vient le toucher (sesshin) dont on pratique deux types: myaku shin, l’examen du pouls, et fuku shin, l’examen du ventre par la pression. Ce dernier n’existe pas en médecine chinoise.

Les traitements présentent de nombreux points communs avec la médecine traditionnelle chinoise, dont l’acupuncture et la moxibustion, mais ils reposent principalement sur l’usage des plantes. Les remèdes, kampo yaku, sont composés de divers shoh...

yaku, éléments de la nature possédant des effets médicinaux et transformés par chauffage ou séchage. Ce sont des racines, des feuilles, des écorces, des fleurs, des fruits ou des graines de plantes, voire des parties d’animaux comme la peau ou l’os, etc. Il peut aussi s’agir de minéraux.

Parmi les plantes les plus appréciées, citons le kanzo (racine de réglisse, Glycyrrhiza uralensis), l’élément le plus fréquemment utilisé dans les mélanges de kampo yaku, ainsi que le syohkyoh (gingembre, Zingiber officinalis), une plante réchauffante. Syakuyaku est la racine d’une pivoine (Paeonia lactiflora), tohki celle d’une angélique (Angelica acutiloba), kakkon le tubercule de kuzu (Puelaria lobata).

Chaque kampo yaku est une combinaison de plusieurs shoh yaku choisis en fonction de leur activité propre et de la synergie née de leur réunion, en vue de traiter un ensemble de symptômes particuliers. Par exemple, si le patient a attrapé froid (venant de l’extérieur) et que l’ensemble des symptômes a été caractérisé comme hyoh kan shoh, on utilisera le remède maohtoh, composé de maoh (éphédra – pour chauffer l’extérieur du corps et faire transpirer), de keishi (cannelle – pour aider la transpiration), de kyonin (noyau d’abricot – pour calmer la toux) et de kanzo (réglisse – pour équilibrer le tout). On identifie 200 sortes de kampo yaku, mais on considère qu’il y en a de 14 à 20 qui sont particulièrement importants. Le remède peut être proposé sous forme de décoction (toh eki), de poudre (san zai), de boulette (gan zai) ou d’un extrait (ekisu zai) dont on fait des granules ou des comprimés. Cette dernière forme, par son côté pratique, est le plus couramment utilisé. Normalement, on prend le remède de kampo deux heures avant chaque repas pour éviter que la nourriture ou la boisson diminue l’effet du remède.

Aujourd’hui au Japon, le kampo fait partie intégrante du système de santé japonais. En 1967, le ministère de la Santé, du Travail et du Bien- être autorisait 4 médicaments kampo, permettant ainsi leur remboursement par le système de sécurité sociale. Actuellement, 147 médicaments sont autorisés avec remboursement dès lors qu’ils ont été ordonnés par un médecin. En outre, chacun peut acheter 63 autres préparations en pharmacie, sans ordonnance. Les médicaments kampo sont produits dans des conditions très strictes par divers fabricants, mais chaque médicament est composé exactement des mêmes ingrédients en accord avec le ministère de Normalisation japonais.

Selon une étude réalisée en 2000, 72 % des médecins prescrivent des médicaments kampo. Il est également intéressant de savoir que les nouveaux médicaments sont évalués en utilisant des méthodes modernes pour vérifier et quantifier leur action. La réglementation et les consignes de sécurité sont bien plus fortes et restrictives pour les médicaments kampo que pour ceux issus de la médecine chinoise traditionnelle, à cause notamment d’un renforcement des lois de standardisation. À la fois les industries et le gouvernement conduisent d’importantes études sur les procédés d’élaboration de ces préparations et surveillent également avec attention les effets après la mise sur le marché afin de garantir des produits sans risque.

Le Kampo concilie le côté symbolique de la vie, cher à l’animisme japonais, avec l’aspect rationnel des choses, valorisé par l’Occident. Cet exemple d’ouverture et d’efficacité, dont on peut s’étonner qu’il reste aussi méconnu chez nous, peut-il inspirer d’autres systèmes de santé, en France par exemple ? Cela serait certainement souhaitable, mais peut-être cette fusion entre tradition et modernité gêne-t-elle son entrée dans nos pays qui pratiquent la contradiction plutôt que l’harmonisation et vénèrent l’ésotérisme ou l’ultramodernisme sans chercher à relier les extrêmes.

L’histoire du kampo

Le kampo, médecine traditionnelle japonaise, s’est créé sur la base de la médecine traditionnelle chinoise. Elle a commencé à se développer au IXe siècle (époque de Heian) pour s’adapter aux spécificités physiologiques des habitants et aux plantes qui poussent dans l’archipel nippon. À la fin du XIXe siècle, la médecine occidentale fut introduite par les Hollandais. Quelques années plus tard le gouvernement Meiji obligea tous les praticiens japonais à passer l’examen de médecine occidentale. De ce fait, les médecins kampo traditionnels disparurent presque totalement. En 1910, un médecin, Keijuro Wada, poussa un cri d’alarme en dénonçant cette approche partiale en faveur de la médecine occidentale. À sa suite, certains praticiens se remirent à pratiquer le kampo. Après la deuxième guerre mondiale, en 1950, un groupe de médecins créa l’association japonaise de médecine asiatique, Nihon Toyo Igakukai, qui posa les bases d’un kampo moderne. Ce dernier prit alors son essor et aujourd’hui, tous les médecins japonais, obligatoirement munis d’un diplôme de médecine occidentale, ont le droit de pratiquer les traitements de kampo.

Fondamentaux

Même si le kampo s’avère une médecine très pragmatique, elle est sous-tendue par une théorie élaborée. Beaucoup d’éléments de la médecine chinoise s’y retrouvent, à commencer par la notion de yin et de yang (en japonais, in et yoh). Tout ce qui existe en ce monde incarné va par paires symétriques. Rien ne peut y exister sans son contraire. L’homme, qui fait partie de la nature, n’échappe pas à cette règle. Il doit lui-même être équilibré entre yin et yang. S’il part dans un extrême, il risque de tomber malade. Par ailleurs, on peut classer toutes les choses existantes selon 5 éléments, les 5 gyo, qui sont le bois, le feu, la terre, le métal et l’eau. On les relie à diverses catégories, comme les directions, les saisons, les conditions atmosphériques, les goûts et les couleurs. Tous les gyo s’influencent mutuellement, à la fois en se produisant l’un l’autre et en se contrôlant. Par exemple, le feu brûle le bois, qui devient de la cendre, et donc de la terre, etc. Tout est donc lié par des relations dynamiques. 

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