Un air de science-fiction
© Barbara Henry
C’est une fougère d’une quinzaine de centimètres, endémique de Nouvelle-Calédonie et de certaines îles voisines. Désormais, Tmesipteris oblanceolata figure dans le livre Guinness des records : elle possède le plus grand génome de tous les organismes de la planète. Avec quelque 160 milliards de paires de base, ce génome gargantuesque – l’équivalent de plus de 100 m d’ADN déroulé – dépasse de plus de 50 fois celui de l’homme, ainsi que celui de Paris japonica, une espèce de plantes à fleurs japonaise qui détenait jusqu’à présent ce record. L’équipe à l’origine de cette découverte* – des chercheurs de l’Institut botanique de Barcelone et de l’IRD – ont été les premiers surpris. Ils ne pensaient pas que l’on pourrait ainsi repousser les limites biologiques. Mais paradoxalement, une telle découverte, fruit d’un « exploit d’exploration scientifique et d’un voyage de près de 14 ans dans la complexité et la diversité illimitées des génomes végétaux », comme l’exprime le Dr Pellicer, un des chercheurs, pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Un génome géant n’est pas forcément un avantage : la division cellulaire prend plus de temps, la photosynthèse est moins efficace, ces plantes ont besoin de plus de nutriments… Alors à quoi cela leur sert-il ? Comment font-elles pour gérer un matériel génétique aussi énorme ? Répondre à ces questions vertigineuses va sans doute nécessiter encore des années de recherches…
Dans le dossier de ce numéro, nous vous convions à une autre exploration. La parole est à ceux qui empruntent des chemins sensibles, subtils, intuitifs pour approfondir leur compréhension du monde végétal, si riche, si divers. Leur parti pris : il faut repenser notre relation aux plantes, nous mettre à leur écoute en faisant appel à l’ensemble de nos sens plutôt qu’à des solutions techniques. Les plantes et les arbres apparaissent ici comme de véritables amis, des soutiens, voire des guérisseurs… Face à ces démarches, d’aucuns se montrent sceptiques, voire critiques, considérant un peu facilement que l’on bascule dans l’ésotérisme. Cette part de subjectivité interpelle.
Je pense au contraire que nous devons développer cette dimension dans nos sociétés dominées par la technologie, où l’analyse cartésienne quadrille et limite notre perception des éléments naturels. Il ne s’agit pas d’inventer des mondes aux allures futuristes. Mais de décentrer notre regard, d’adopter d’autres perspectives, de revenir à la source… Le vivant ne peut que nourrir une relation vivante ! Alors profitons de cet été pour passer du temps en conscience avec les plantes, nos amies prodigieuses.
* Dans iScience, 31 mai 2024.