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Le laurier, un condiment survivant à cueillir

Le laurier,  un condiment survivant à cueillir

Les feuilles de cet arbuste très décoratif utilisé pour l'ornement sont appréciées depuis l'Antiquité. Mais le laurier est aussi une plante sauvage remarquable, revenue sous nos latitudes après que les grands froids de la fin de l'ère tertiaire ont chassé d'Europe la plupart des plantes qui y vivaient. Vous allez voir le laurier avec des yeux nouveaux ! 

Mes premiers rapports avec le laurier furent, comme pour tout un chacun, je pense, culinaires. Ma mère, cuisinière à plein temps pour sa famille, en avait toujours un bouquet de feuilles dans une corbeille d’osier, accompagné de quelques gousses d’ail et d’échalotes dodues. Ces feuilles parfumées, qui faisaient partie du « bouquet garni », se retrouvaient presque quotidiennement dans les plats savoureux que nous partagions avec gratitude. L’un de mes favoris était un ragoût de mouton – qui d’ailleurs me laissait perplexe, car je pensais qu’il s’agissait d’un « rat au goût de mouton »… Je le savourais néanmoins, avec ses cornichons, ses oignons grelots, sa sauce brune et la saveur inimitable du laurier.

Cueillette : Feuilles, en toute saison

Par la suite, j’explorai de mon côté les possibilités culinaires des feuilles de l’arbuste, qui se cueillent en toute saison. Elles forment un condiment incontournable que j’apprécie beaucoup dans ses usages classiques, mais dont l’intérêt aromatique va bien au-delà. Côté salé, j’aime par exemple en parfumer la polenta : ce plat simple, si facile à préparer, prend une tout autre dimension grâce à ses feuilles odorantes. Le sucré est plus audacieux : j’en prépare parfois des crèmes brûlées et des sorbets, franchement intéressants, mais mon plus grand succès est sans doute la tarte tatin aux pommes et au laurier, où je pose les feuilles sur le caramel avant d’ajouter les pommes. Succès garanti, au moins pour son originalité !

Le laurier est un condiment puissant dont il ne faut pas abuser sous peine de rendre les plats trop aromatiques : quelques feuilles suffisent. Et il est plus efficace encore lorsqu’on en pulvérise les feuilles sèches au moulin à café : je mélange cette poudre avec d’autres épices pour relever immédiatement n’importe quelle préparation de céréales, de sauce ou de viande. Il m’arrive de conserver quelques semaines mes mixtures – où je le mêle aux racines de benoîte et aux fruits de berce séchés – qui, je le trouve du moins, valent le curry...

indien ou le ras el-hanout marocain.

Les fruits du laurier sont de petites drupes semblables à des avocats miniatures, d’ailleurs un cousin, avec une pulpe verte, grasse et très aromatique. L’huile que l’on en extrait sert traditionnellement à confectionner le savon d’Alep.

Herbier

Le laurier (Laurus nobilis) est un arbuste, voire un arbre de 2 à 10 mètres, glabre, vert, à rameaux nombreux et dressés. Il porte des feuilles alternes, coriaces, largement lancéolées, atténuées en un court pétiole, entières, à marge ondulée et à nervation pennée. Les fleurs, odorantes, ont des sépales blanchâtres ressemblant à des pétales. Elles sont dioïques – mâles ou femelles sont sur des pieds séparés. Les fleurs mâles possèdent 8 à 12 étamines à anthères ouvrant de la base au sommet par des valvules. Les femelles présentent 1 style court et épais, à stigmate arrondi, surmontant un ovaire libre, entouré de 2 à 4 staminodes. Les fleurs sont réunies en ombelles axillaires, pédonculées et involucrées, s’épanouissant de mars à mai. Les fruits sont des drupes allongées, noires, renfermant une seule graine, avec une pulpe verte et grasse. Le laurier pousse naturellement dans les bois et sur les rochers de la région méditerranéenne et il est subspontané sur le littoral du Sud-Ouest.

Les médecins grecs utilisaient beaucoup les feuilles et les fruits du laurier, vantés pour leurs effets tonifiants sur l’estomac et la vessie. À la Renaissance, cette plante était considérée comme une véritable panacée. De nos jours, on reconnaît principalement au laurier des vertus digestives. Il stimule les estomacs paresseux, réveille l’appétit et combat les fermentations. Son action antiseptique justifie son emploi dans les marinades. On le recommande également comme expectorant, précieux dans les rhumes et les bronchites.

Pour mes différentes recettes, j’aime utiliser les feuilles de laurier fraîches. Il m’est pourtant arrivé d’entendre dire – par des personnes qui le tenaient de source sûre, quoique obscure… – que le laurier doit impérativement s’utiliser séché, sans quoi il serait toxique. C’est tout simplement faux ! Je me demande si cette légende ne vient pas de la confusion entre laurier sauce, laurier noble ou laurier d’Apollon – celui dont je vous parle ici – et les faux lauriers : le laurier-rose ou oléandre (Nerium oleander) est mortel car il contient des substances semblables à celles de la digitale ; le laurier-cerise (Prunus laurocerasus) est un cerisier ornemental dont les feuilles sont riches en acide cyanhydrique, potentiellement très dangereux ; le laurier-tin ou viorne-tin (Viburnum tinus) est un cousin méridional du sureau aux fruits d’un curieux bleu métallique, pas bons… ; et le laurier de Saint Antoine n’est autre que l’épilobe en épi (Epilobium angustifolium), aux grands épis violets, quant à lui potentiellement comestible.

D’après la légende, Daphné, belle et farouche jeune fille, était aimée d’Apollon. Quand celui-ci se fit pressant, elle se réfugia auprès de sa mère, Gaïa, la Terre, qui la métamorphosa en laurier. Depuis, l’arbuste est symbole d’immortalité. Apollon, après avoir vaincu le serpent Python, entra dans Delphes la tête ceinte de feuilles de laurier. La Pythie, prêtresse du dieu solaire représentant le triomphe de la lumière sur l’obscurité, mâchait ses feuilles pour entrer en transes. Dans l’Antiquité, le laurier couronnait les généraux vainqueurs. À la Renaissance, les poètes, artistes et savants qui s’étaient distingués le portaient en diadème. Cette tradition nous a donné les mots « lauréat » et « baccalauréat », du latin laureatus, « couronné de laurier ».

Cet arbuste au feuillage toujours vert et odorant paraît extrêmement exotique. C’est exact, puisque le laurier est ce que l’on nomme une « relique tertiaire », c’est-à-dire qu’il existait déjà sur notre continent avant les glaciations qui commencèrent voici environ deux millions d’années et qu’il a réussi à échapper aux grands froids : il nous vient donc de loin !

Recette sauvage

Ingrédients 1 tasse de polenta • 4 tasses d’eau • 6 à 8 feuilles de laurier • ½ tasse de parmesan râpé • 2 cuillerées à soupe de beurre • Sel et poivre.

  1. Dans une casserole, porter l’eau à ébullition.
  2. Ajouter les feuilles de laurier, les laisser infuser 10 à 15 minutes.
  3. Retirer les feuilles de laurier de l’eau et ajouter la polenta en pluie tout en remuant constamment pour éviter les grumeaux.
  4. Réduire le feu à moyen-doux et continuer à remuer jusqu’à ce que la polenta épaississe.
  5. Ajouter le parmesan râpé et le beurre. Laisser fondre.
  6. Saler et poivrer selon votre goût.
  7. Retirer la casserole du feu et laisser la polenta reposer quelques minutes avant de la servir.

Note : Pour encore davantage de saveur, vous pouvez laisser les feuilles de laurier à cuire avec la polenta.

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