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Vin et santé les liens se resserrent

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Cela fait longtemps que le torchon brûle entre les oenophiles et les associations de lutte contre l’alcoolisme, pour qui le danger commence dès le premier verre. Pourtant, sans nier les dangers de l’alcool, les bienfaits d’une consommation régulière et modérée de vin sont bien réels. Zoom sur une boisson millénaire en pleine transformation grâce à l’essor du bio et de la viticulture raisonnée.

Dans son dernier film intitulé Ce qui nous lie, Cédric Klapisch met en scène des enfants qui goûtent le vin dès leur plus jeune âge. Ils foulent le raisin et respirent leurs premiers effluves d’alcool. Ce réalisateur qui sublime le vin à l’écran ne fait visiblement pas partie de ses détracteurs ! Mais ces derniers n’ont pas disparu. En mai dernier, un collectif rassemblant 19 associations et acteurs de la santé publique s’est ému de la nomination d’une ancienne lobbyiste du vin comme « conseillère agriculture, pêche, forêt et développement rural » auprès du nouveau président de la République. « Le risque est que la politique agricole et viticole se fasse au détriment d’une politique efficace de lutte contre les consommations nocives d’alcool », ont dénoncé médecins et chercheurs. Ils se font la voix de l’INCA (Institut national du cancer), qui considère que l’alcool comporte des risques pour la santé « dès le premier verre ». Pour ce collectif, le vin ne doit pas jouir d’un statut particulier, et il reste la bête noire de la lutte contre l’alcoolisme. Même si sa consommation a énormément baissé, le vin reste la boisson alcoolisée la plus consommée en France.

Du côté de la recherche, le vin continue d’être épinglé : en mai dernier, une méta-analyse parue dans le Journal of Studies on Alcohol and Drugs va même jusqu’à remettre en question la consommation modérée et régulière de vin. Sa conclusion : ce n’est pas parce qu’on en boit qu’on est en meilleure santé ; au contraire, on ne peut se permettre de boire modérément de l’alcool qu’à condition de bien se porter. « Mais cette étude ne tient pas compte du type d’alcool, et met dans le même sac les alcools forts, comme la vodka, et le vin. Les chercheurs n’ont pas non plus tenu compte de la façon de boire », critique le médecin et chercheur en nutrition Michel de Lorgeril. Ce spécialiste de la diète méditerranéenne et du vin rappelle qu’une consommation régulière signifie « quotidienne » : « Boire quatorze verres le samedi soir n’équivaut pas à en boire deux par jour ! », précise-t-il. D’ailleurs, les recommandations de l’OMS en la matière sont assez précises : 2 à 3 verres de vin par jour pour les hommes,1 à 2 pour les femmes, 4 verres maximum en une seule occasion et 1 jour d’abstinence par semaine.

Le plein d’antioxydants

Ces préconisations ont pu voir le jour après la publication d’une étude dans la prestigieuse revue The Lancet en 1992 : le professeur Serge Renaud et le Dr Michel de Lorgeril y établissaient un lien entre la consommation régulière et modérée de vin et une plus faible mortalité cardiovasculaire. Ainsi est né le french paradox, soit la démonstration scientifique que boire 1 à 3 verres de vin par jour en suivant un régime alimentaire riche en graisses permettait de diviser le risque d’accident cardiovasculaire par 3,5. Le Dr Jean-Michel Lecerf, chef de nutrition à l’Institut Pasteur de Lille, commente : « Je ne suis pas un défenseur du vin, mais il faut reconnaître que sa consommation modérée fait partie de notre culture et de nos habitudes de convivialité. » On connaît aujourd’hui en partie la raison du paradoxe français : la forte teneur en antioxydants du vin, notamment le rouge. « Au cours de la fermentation, de très nombreux polyphénols sont libérés », explique Norbert Latruffe, professeur à l’université de Bourgogne et reconnu internationalement pour ses travaux sur le vin. « La grande vertu de ces antioxydants est de lutter contre le vieillissement cellulaire et de ralentir l’apparition des maladies », ajoute le biochimiste, qui liste les bienfaits du vin : « Il est bon pour le coeur, peut...

protéger de certains cancers, des infections et des inflammations légères. » Norbert Latruffe estime même qu’il est préférable de consommer du vin plutôt que de prendre des antioxydants sous forme de compléments alimentaires : « Dans le vin, les polyphénols se trouvent dans un milieu qui va favoriser leur absorption, et c’est encore mieux lorsque l’on boit au cours du repas, car les graisses du bol alimentaire vont aussi aider à leur bonne assimilation. » C’est pourquoi cette boisson alcoolisée se distingue des autres (bière et autres spiritueux), mais aussi des jus de fruits (raisin, grenade, etc.) aussi connus pour apporter des polyphénols.

Un vin sans poison

Ces bienfaits que quelques chercheurs s’efforcent de faire connaître se heurtent aussi à la problématique des pesticides. En effet, quand on sait les quantités de ces intrants déversées sur les vignobles, on peut légitimement s’interroger sur les propriétés d’une boisson éventuellement porteuse de substances chimiques toxiques. Et ce, même si les études sur les résidus de pesticides dans le vin montrent qu’il n’est pas possible de généraliser.

« Quoi qu’il en soit, notre génération a pris conscience de cet enjeu », témoigne Adrien Tréchot. Ce fils de viticulteur a repris le flambeau du guide Vins et santé, dont la création fut impulsée en 1996 par le célèbre cardiologue Christian Cabrol, auteur de la première transplantation cardiaque en Europe, mort en juin dernier. Si le guide distingue depuis vingt ans des vins riches en polyphénols, il ajoute cette année un nouveau critère de sélection : la faible teneur en pesticides et en sulfites. « Un vin bon pour la santé, c’est un vin sans poison », estime Adrien Tréchot.

« Il faut préférer le bio, car même si les résidus de pesticides ne dépassent pas les limites maximales autorisées, ces produits toxiques s’accumulent dans nos graisses, d’où un effet cocktail dangereux pour l’organisme », estime pour sa part l’oenologue Franck Dubourdieu, qui s’intéresse d’autant plus à cette question qu’il est médecin de formation. Un changement de mentalité que la profession accompagne. En effet, plus de 9 % des surfaces de vigne sont désormais cultivées en agriculture biologique. La biodynamie se développe également avec 10 à 15 % de croissance par an depuis dix ans : « Nous progressons même dans le Bordelais grâce à des domaines réputés, les châteaux Pontet-Canet et Palmer, qui sont désormais labellisés », commente Aurélie Truffat, responsable de la communication chez Demeter, marque internationale de certification de l’agriculture biodynamique. 

Petit à petit, la viticulture en France évolue donc vers des pratiques plus écologiques, avec des démarches qui ne se voient pas forcément sur l’étiquette : certains vignobles se soumettent à des certifications comme l’ISO14001, qui suppose une gestion environnementale de l’exploitation. Et de nouveaux labels ont vu le jour, comme « Bee friendly », qui promeut un meilleur respect de la faune et de la flore. Les Vignobles de Buzet, une cave coopérative qui regroupe pas moins de 180 viticulteurs du Sud-Ouest s’inscrit depuis 2005 dans le développement de ces indicateurs de qualité écologiques : ainsi, l’une des bouteilles du Domaine de Michelet sera bientôt labellisée AB, « sans sulfite », « Bee friendly » et même « vegan » !

Ainsi, le vin et la vigne semblent en train de s’engager dans une révolution vertueuse… « Des progrès qui ne doivent pas nous inciter à boire plus », rappelle l’oenologue Franck Dubourdieu. Comme toujours en matière d’alimentation, n’est-ce pas la modération qui est la meilleure règle de santé ?

Le french paradox, une histoire internationale

Dans les années 1980, on ne voyait dans l’alcool qu’un produit toxique et addictif. Mais il a fallu que des journalistes nord-américains interviewent en 1991 le Dr Serge Renaud pour que cela change. Surpris de voir que l’alimentation riche en graisses des Français ne les empêchait pas d’être en bonne santé, les reporters voulurent en savoir plus sur ce qu’ils nommèrent le french paradox. Le Dr Serge Renaud, s’associant au Dr Michel de Lorgeril, entama alors des recherches et établit que la plus faible mortalité cardiovasculaire en France par rapport à la plupart des pays de même niveau de développement s’expliquait par la consommation régulière et modérée de vin. De nombreuses études ont ensuite confirmé ce résultat, et des scientifiques du monde entier se réunissent régulièrement (cette année en Espagne, lors du congrès « Wine and Health ») pour échanger sur le vin et la santé.

Pesticides : pas de salut en dehors du bio ?

La vigne est très sensible aux maladies. Conséquence : près de 20 % des pesticides destinés à l’agriculture en France sont utilisés en viticulture, alors que celle-ci ne représente que 3 % de la surface agricole utile. Ces produits chimiques peuvent se retrouver sous forme de résidus dans le vin. En 2008, l’ONG PAN-Europe a ainsi retrouvé en moyenne plus de quatre résidus de pesticides différents dans des vins rouges de France et d’ailleurs. Il arrive toutefois que certains vins soient exempts de pesticides, alors que les vignes ont été traitées : Bernard Hudelot, viticulteur en Bourgogne, en a établi la preuve, en soumettant ses bouteilles à des analyses. En agriculture dite « raisonnée », ce vigneron n’utilise que des produits « de contact », c’est-à-dire qui ne pénètrent pas dans la vigne, contrairement aux produits « systémiques ». En outre, il fait vieillir ses vins, d’où un piégeage des pesticides dans la lie du vin. En dehors du bio, il est donc possible de trouver des vins « propres » si le vigneron a traité avec parcimonie. C’est souvent le cas en Provence, où la pression des maladies fongiques est moins forte qu’ailleurs. 

3 questions à Nicolas Roux, viticulteur dans le Bordelais en conversion vers le bio depuis 2015

Plantes & Santé Pourquoi avezvous converti vos vignes au bio ?
Nicolas Roux
Le véritable déclencheur a été la naissance de mes enfants il y a une dizaine d’années. Nous habitons au milieu des vignes, et je ne voulais plus utiliser de désherbant ou de produit chimique de synthèse. J’étais en train de me dégoûter de mon métier, mais je suivais alors la tradition familiale, mes quatre grands-parents étant déjà vignerons ! J’ai dû apprendre à désapprendre.

P. & S. Vous êtes actuellement en conversion et ne pouvez pas encore valoriser vos bouteilles en bio. Comment vivez-vous cette transition ?
N. R.
Avec philosophie, car cette conversion de trois ans correspond au temps dont la terre a besoin pour digérer le mal qu’on lui a fait. Il ne faut pas se convertir au bio pour devenir riche ! J’ai dû embaucher une personne qui s’occupe des tâches administratives et me permet d’être plus à la vigne. Mais j’ai cette satisfaction d’avoir créé un emploi et d’avoir ainsi privilégié le côté humain sur le côté financier.

P. & S. Le climat humide du Bordelais constitue-t-il une forte contrainte pour la viticulture bio ?
N. R.
Effectivement, il est plus facile de se convertir dans les régions du sud de la France, plus ensoleillées. Pour lutter contre le mildiou, je travaille la vitalité de la plante avec du purin d’ortie. Le climat est certes humide, mais aussi iodé et aéré : je m’appuie sur cela pour bichonner mes vignes. Ayant suivi une formation en biodynamie avant ma conversion, je me règle sur le calendrier lunaire pour travailler les sols. Je retrouve un certain instinct dans mon activité et me sens plus libre. Le but, en bio, est de redonner de la vie. J’ai redécouvert plein de plantes dans les vignes : les narcisses et les bleuets sont revenus. Aujourd’hui, des viticulteurs autour de moi se posent plus de questions et se disent : « Pourquoi pas ? » 

Le resvératrol, bon pour la vigne, bon pour l’humain

C’est dans la pellicule des grains de raisin qu’on trouve le resvératrol, l’un des polyphénols les plus intéressants du vin. Il s’agit d’une molécule de défense produite par la vigne lors d’un stress qui peut être naturel, comme le rayonnement, l’ozone ou une infection, ou résulter de traitements phytosanitaires, notamment la bouillie bordelaise. Chez l’homme, il agit comme antioxydant à plusieurs niveaux : il piège les molécules d’oxygène toxiques (les radicaux libres) et les empêche d’altérer les composants de la cellule. Il diminue le risque vasculaire et la formation de plaques d’athérome. Le resvératrol agit aussi comme antivieillissement cérébral et anticancéreux. On a aussi montré son action anti-inflammatoire en rapport avec les maladies oculaires. 

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