Plantes et Santé Le magazine de la santé par les plantes

Le conservatoire de Brest au chevet des espèces en danger

Comptage du Eryngium viviparum

Le panicaut vivipare, plante rare et vivant uniquement en Bretagne, fait l'objet d'une mobilisation collective en faveur de sa réintroduction dans son milieu naturel. C'est l'une des missions du Conservatoire botanique national de Brest (CBNB) qui se consacre à la protection et à la préservation de la flore dans le monde entier.

Pour comprendre l'origine de cette histoire, il convient de revenir quelques décennies en arrière. Dans les années 1970, le botaniste Jean-Yves Lesouëf observe, au cours de ses voyages, des plantes en voie de disparition et décide d'en récolter des graines. Visionnaire, il crée en 1975 le premier jardin botanique ­entièrement consacré à la conservation des espèces menacées. Un demi-siècle plus tard, avec, entre autres, une banque de graines de 2 000 espèces, le conservatoire abrite l'une des trois collections les plus importantes au monde de plantes en danger. « Aujourd'hui 20 % des espèces de la flore sauvage sont en voie ­d'extinction, explique Stéphane Buord, directeur scientifique des actions ­internationales au CBNB. C'est à la fois une perte au point de vue génétique, mais c'est surtout une perte de notre patrimoine naturel. Les plantes qui disparaissent sont comme les briques d'une maison qui s'écroulent petit à petit. C'est pourquoi il est urgent d'agir. » Une des missions du conservatoire de Brest en collaboration avec différents gestionnaires d'espaces publics ou privés consiste à mettre en place des projets de sauvegarde en France et à l'étranger. Ainsi en Bretagne, les moyens mis en œuvre pour sauvegarder le panicaut vivipare (Eryngium viviparum) montrent qu'il est encore possible de renverser la vapeur.

À Maurice, une première mondiale pour le retour du Dombeya mauritiana

Les espèces endémiques des îles sont extrêmement fragiles. C'est le cas du Dombeya mauritiana, classé « en danger critique d'extinction » par l'UICN. Cet arbre a la particularité d'être soit mâle, soit femelle. En 1993, il ne subsistait qu'un seul pied mâle dans la nature. Pour éviter son extinction, les chercheurs du conservatoire botanique ont pu, grâce à un apport hormonal, féminiser des fleurs mâles et obtenir des graines. Une première ! Depuis, le Dombeya mauritiana a fait l'objet d'un programme de réintroduction et a désormais regagné son habitat d'origine. Durant les dix dernières années, une trentaine d'autres espèces menacées de Maurice, présentes dans les collections de Brest, ont aussi regagné les réserves naturelles de leur île natale, et bénéficient désormais de toute l'attention des autorités des parcs nationaux mauriciens

Une plante datant du néolithique

Cette espèce est l'une des plus rares de France et des plus menacées d'Europe. Elle est inscrite sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui dresse...

l'inventaire mondial le plus complet de la biodiversité. Le panicaut vivipare subsiste dans une seule localité de la commune de Belz, dans le Morbihan, dans quelques stations du nord-ouest de l'Espagne et au Portugal. Cette petite plante est inféodée à un écosystème particulier, celui des mares temporaires et des pelouses rases inondables. En Bretagne, comme dans la péninsule Ibérique, le panicaut vivipare se plaît à passer l'hiver sous l'eau et l'été au sec. « Le problème de cette espèce probablement ­présente depuis le Néolithique, c'est la disparition de son habitat naturel, explique Stéphane Buord. Avant la Seconde Guerre mondiale, il existait encore 50 stations. Dans les années 1970, on en recensait une quinzaine et dans les années 1980 une seule, située dans la commune de Belz, dans le Morbihan. » Les raisons de sa ­raréfaction en ­Bretagne sont multiples : l'urbanisation croissante, le creusement de plans d'eau et surtout les mutations du secteur agricole. La plupart des petites fermes qui pratiquaient la ­polyculture et l'élevage traditionnel ont disparu.

En Sicile, le Zelkova sicula prospère à nouveau

En Sicile, en 1991, on découvre une espèce rarissime le Zelkova sicula que l'on croyait avoir définitivement disparu. Ce petit orme, qui ne dépasse pas deux mètres de haut, est une espèce relique de l'époque tertiaire qui fait, depuis 2011, l'objet d'un programme européen de préservation. Le Conservatoire botanique national de Brest est intervenu pour mettre au point un protocole de multiplication original. Sur le terrain, ses partenaires italiens ont étudié la nature du sol et établi la cartographie. Des carrés ont été délimités pour suivre à la fois l'évolution des 200wplants réintroduits, mais aussi celle des autres plantes qui s'installent avec elles. Il a aussi fallu adapter, en raison du réchauffement climatique, le retour de l'espèce dans un milieu forestier composé de hêtres et d'ifs. « Aujourd'hui, dans le parc naturel régional des Madonie, on ne constate aucune mortalité et le Zelkova sicula se développe comme jamais, se réjouit Stéphane Buord. Cette colonisation assistée donne de l'espoir pour la réintroduction d'espèces menacées par le changement climatique ! » Le Zelkova figure toutefois toujours parmi les espèces de la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

D'ailleurs, si le site de Belz a pu se maintenir jusque dans les années 1980, c'est grâce à un éleveur qui a continué à y faire paître son troupeau. Les vaches en broutant les joncs et les saules empêchent le milieu de se refermer et le piétinement favorise la dispersion des graines. L'association Bretagne Vivante a ensuite pris le relais, en créant la réserve des Quatre Chemins qu'elle gère sur trois hectares. En 2012, le site a eu la chance qu'un agriculteur sensibilisé et soutenu par le Syndicat mixte de la Ria d'Etel, y fasse paître à nouveau deux vaches bretonnes. Néanmoins, malgré les différentes actions de protection menées pendant trente ans par le conservatoire botanique, Bretagne Vivante, le Département, la Région, la situation restait encore fragile pour l' Eryngium viviparum.

Une petite plante singulière

Malgré son apparence, le panicaut vivipare (ci-dessus à gauche) n'est pas un chardon, mais une apiacée (ombellifère) qui dépasse rarement 5 centimètres de haut. Son feuillage vert bleu fait ressortir en été ses petites fleurs bleu clair. Il porte le nom de vivipare, car il développe sur le pied mère des petites rosettes des propagules qui se fixent ensuite dans le sol où elles s'enracineront pour donner naissance à un nouveau pied. Le panicaut vit dans des pelouses rases inondables et la présence de vaches lui est bénéfique. C'est pourquoi, les actions de réintroduction de l'espèce menées par le conservatoire botanique de Brest (ci-contre) se déroulent sur des sites similaires, ici sur la commune de Belz, en Bretagne.

Un plan de sauvegarde national

C'est pourquoi, en 2013, pour prolonger et renforcer ces mesures, un plan national d'action (PNA) en faveur du panicaut vivipare, validé par le ministère en charge de l'Environnement et le Conseil national de la protection de la nature et coordonné par le conservatoire a été mis en place. L'objectif est non seulement la conservation de l'espèce dans son milieu de vie et le renforcement de sa population sur le site, mais aussi la création d'autres ­stations refuges et l'amélioration des connaissances génétiques. « La première ­difficulté, c'est de trouver des mares temporaires susceptibles d'accueillir l'espèce, précise Stéphane Buord. Nous avons sélectionné trois sites où le panicaut existait autrefois pour tenter une réintroduction expérimentale. Les stations choisies se situent à Carnac avec deux petites mares, à Locmariaquer sur deux hectares et à Plouharnel, sur moins d'un hectare. »

Après le choix des sites, la première phase a consisté à restaurer le milieu avec des opérations de broyage des saules, et d'étrépage (décapage superficiel du sol) pour favoriser le retour des végétaux pionniers. Ensuite, la phase de réintroduction a pu commencer par la plantation de spécimens issus de culture au conservatoire. Des tests génétiques sont également menés en aval. En France et en Espagne, des universitaires travaillent en collaboration étroite pour déterminer la variabilité génétique de l'espèce et permettre son suivi dans le temps. Ainsi, le plan national d'action, qui permet aussi de sensibiliser le grand public à l'importance de la biodiversité, a porté ses fruits. Avec aujourd'hui 10 000 pieds sur la seule station de Belz, on peut présager le maintien durable du panicaut vivipare dans le Morbihan. Mais il faut rester vigilant, des événements climatiques, par exemple, pourraient à nouveau le fragiliser.

Pour aller plus loin

Monsieur Yvon Guillevic, le conservateur bénévole et passionné de l'association Bretagne Vivante organise sur demande, une visite guidée en petit groupe de la réserve des Quatre Chemins, à Belz, pour découvrir le panicaut vivipare. La visite est gratuite, mais un don à l'association est toujours bienvenu.

Tél. : 06 89 57 43 74.

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