Plantes et Santé Le magazine de la santé par les plantes

Les carottes en symbiose avec le machaon

Machaon

Quoi de plus banal qu'un plant de carotte ? Ce légume inconditionnel du potager, avant tout cultivé pour sa racine charnue, constitue dans la nature une véritable épicerie, appréciée par l'un de nos plus remarquables papillons de jour !

Depuis la création de cette rubrique consacrée aux relations entre plantes et insectes, vous appréciez de plus en plus la profondeur et l'importance du lien qui les unit. Peut-être même observez-vous désormais les nouveaux venus qui commencent à essaimer sous l'effet de la chaleur ? Mouches, bourdons, coccinelles et papillons sont de sortie et vous plongent dans un microcosme haut en couleur et fascinant ! Tout à coup surgit sous vos yeux, un merveilleux papillon aux larges ailes couleur crème quadrillées de noir. Après un ballet élégant, il se pose et vous distinguez deux petites « queues », ainsi qu'une tache circulaire rouge liserée de bleu à l'extrémité des ailes postérieures. Voici le machaon (Papilio machaon), l'un des rares représentants en métropole de la famille des Papilionidés. Contre toute attente, ce ne sont pas vos charmants rosiers, ni les ­buddleias, ni les bleuets ou autres fleurs pimpantes qui l'ont attiré dans votre jardin, mais plutôt vos appétissants pieds de carottes !

Un garde-manger convoité

Fréquente dans les prairies et les jardins, ou en bordure de chemins, la carotte sauvage (Daucus carota) est des plus communes dans nos régions. Il s'agit d'une plante « bisannuelle », dont le cycle s'étale sur deux ans. La première année, elle apparaît sous la forme d'une rosette de feuilles finement ciselées, difficilement identifiables pour le néophyte, si ce n'est l'odeur caractéristique de carotte qui s'en dégage au froissement. Au cours de la ­deuxième année se développe la hampe florale qui achèvera le cycle par la...

reproduction. Ainsi nos paysages sont agrémentés de délicates ombelles blanches qui profitent à toute une cohorte de visiteurs, dès le mois de mai jusqu'en ­septembre ! Syrphes, coléoptères et papillons s'empressent de venir y puiser leur réserve de pollen ou de nectar. Mais il est plus rare d'y rencontrer des insectes qui se nourrissent directement des feuilles, des graines ou autres organes végétaux, hormis le pentatome rayé (Graphosoma italicum), friand de ses fruits. La raison en est simple : la carotte, comme la plupart de ses cousines de la famille des Apiacées, renferme de puissants actifs, toxiques pour de nombreux insectes.

La chenille contre-attaque !

Essayez un peu de titiller une chenille de machaon paisiblement installée sur sa tige. La demoiselle, agacée par le dérangement, ne manquera pas de vous le faire savoir en brandissant son osmeterium. Cet étrange organe orange bifide, situé à l'arrière de sa tête, est utile pour décourager les prédateurs, notamment à cause de l'odeur nauséabonde qu'il sécrète (peut-être en raison des acerbes substances végétales ingérées !).

Audacieuse, la jolie chenille zébrée !

Il s'agit en particulier des furanocoumarines, connues pour leur caractère photosensibilisant. Ce sont ces substances qui sont responsables des brûlures occasionnées par la berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum). Fort heureusement pour nous, la carotte en contient une faible concentration, généralement suffisante pour éloigner les mangeurs de feuilles intempestifs, hormis une certaine petite gloutonne… Comme vous l'avez deviné, il s'agit de la progéniture de notre machaon, dont les femelles pondent essentiellement sur la carotte sauvage ou cultivée. À défaut, bien d'autres Apiacées font l'affaire, notamment le fenouil, l'aneth, l'angélique, la berce, etc. N'ayez aucune crainte pour vos chères plantes, car les œufs sont pondus isolément et les jeunes larves sont la proie de nombreux prédateurs, ce qui ne leur laisse pas le temps de causer des dégâts. Tout au plus aurez-vous le plaisir d'admirer une jolie chenille zébrée, occupée à déambuler le long de la tige et parfois, bien entendu, à grignoter quelques feuilles au passage…

Notez que les virulentes furanocoumarines n'ont pas l'air de la perturber. C'est qu'elle détient le secret qui lui permet de se soustraire à leurs effets ! Les redoutables toxines que renferment ces plantes sont élaborées à partir d'une grande famille de gènes (P450), commune à (presque) tous les êtres vivants. Ces gènes sont réputés à la fois pour la synthèse de nombreuses substances endogènes, comme pour la détoxification de substances exogènes (par exemple, les médicaments). Ainsi, notre petite chenille réplique en inhibant les effets indésirables des furanocoumarines, grâce à une substance produite exactement par la même famille de gènes !

Par ailleurs, le machaon n'est probablement pas le seul représentant de sa famille à avoir recours à ce processus, sachant que la diversité des Papilionidés (notamment en milieu tropical) serait corrélée à celle des furanocoumarines présentes dans les plantes. Voilà un beau retournement de situation, témoin de l'évolution réciproque entre plantes et insectes

Le mois prochain : le trolle d'Europe et les mouches chiastocuètes.

Cet article est reservé aux abonnés.
Pour lire les 78% restants de cet article,
En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
Vous appréciez nos articles, allez plus loin en vous abonnant au magazine en cliquant ici
Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter Plantes & Santé
Recevez chaque semaine nos conseils de bien-être par les plantes, astuces et recettes à faire vous même pour retrouver Equilibre et Santé
Votre inscription a bien été prise en compte 
Politique de confidentialité