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Sonnini de Manoncourt, un naturaliste aventurier

Sonnini de Manoncourt,  un naturaliste aventurier

Voyageur et naturaliste lorrain, Sonnini de Manoncourt (1751-1812) eut un riche parcours en marge de la science officielle. Il explora la Guyane, collabora avec Buffon, puis repartit pour l'Égypte et la Grèce. Mais il a surtout marqué son époque par ses tentatives de nouvelles cultures agricoles. Il fit ainsi la promotion du rutabaga, du fenugrec, et proposa même de remplacer le coton par l'asclépiade de Syrie.

La fin du XVIIIe siècle est une période foisonnante dans l’histoire des pratiques culturales. En effet, dans le sillage de la physiocratie, une école de pensée qui veut fonder toute l’économie sur une agriculture raisonnée et réformée, de nombreux savants ou amateurs se passionnent pour ce sujet. Et tentent d’acclimater des espèces ou des variétés venues d’autres pays. C’est dans ce mouvement général que s’inscrivent les travaux de Charles Nicolas Sigisbert Sonnini de Manoncourt (1751-1812), un personnage haut en couleur, voyageur, naturaliste, peut-êre un peu escroc sur les bords, qui a pourtant apporté sa pierre à la science de son temps.

Né à Lunéville, en Meurthe-et-Moselle, il est le fils d’un parfumeur d’origine italienne installé en Lorraine et anobli. Quoique destiné initialement à une carrière de juriste, il rêve d’autres cieux et s’engage dans la marine. Il s’embarque ainsi pour la Guyane en 1772. Il y mène plusieurs expéditions, effectue de nombreuses observations et collecte des animaux et des plantes qu’il offrira par la suite aux collections du Jardin du Roi (l’ancêtre du Muséum d’histoire naturelle de Paris). Mais il s’engage aussi dans des affaires un peu louches : il prétend ainsi avoir découvert une forêt de cacaoyers et obtient de l’argent d’investisseurs, mais la forêt s’avérera finalement introuvable…

De retour en France en 1776, il se rend à Montbard en Bourgogne, chez Buffon, le grand naturaliste, intendant du Jardin du Roi. Là, pendant plusieurs mois, il travaille avec le savant, l’informant sur les productions naturelles de la Guyane et contribuant même à la rédaction de certains chapitres de l’ouvrage auquel Buffon travaille alors, Histoire naturelle des oiseaux, sans que son nom soit toujours mentionné.

Sonnini de Manoncourt rapporta de nombreuses observations de son séjour en Égypte, qu’il consigna dans un ouvrage, Voyage dans la haute et basse Égypte, illustré par J. B. P. Tardieu.

La mode des fermes expérimentales

Mais Sonnini a du mal à tenir en place. Il repart dès le printemps 1777, cette fois pour l’Égypte où il passe un an et demi. Au cours de son séjour dans ce pays, il remonte le Nil jusqu’à Louxor, observe les monuments, la faune et la flore. Puis il se rend en Turquie et visite Chypre, Rhodes, les îles de la mer Égée et la Crète, et participe incidemment à une bataille contre les Anglais en mai 1780.

De retour en...

Lorraine, notre voyageur décide alors de se consacrer à l’agriculture et installe des fermes expérimentales dans ses propriétés de Lironcourt (Vosges), Marigny (près de Château-Thierry) et Manoncourt-en-Vermois (Meurthe-et-Moselle). Le sujet est à la mode. De nombreux savants de l’époque cherchent à promouvoir de nouvelles plantes ou de nouvelles variétés animales utiles, ou à leur trouver de nouveaux débouchés : le cas le plus célèbre est celui de la pomme de terre, dont Parmentier vante les mérites pour l’alimentation humaine.

Sonnini se passionne d’abord pour le « chou-navet de Laponie », c’est-à-dire le rutabaga, encore très peu présent en France. Il en vante la culture facile et les qualités, surtout, selon lui, pour l’alimentation du bétail. C’est d’ailleurs principalement à la nourriture des animaux qu’il s’intéresse, et c’est l’usage qu’il réserve, par exemple, à la « lentille du Canada » (une vesce), au tournesol et à l’arachide. Mettant à profit l’expérience acquise au cours de ses voyages, il prône aussi la culture du fenugrec, qu’il a observée en Égypte. Plus anecdotique, il propose de torréfier l’arachide pour remplacer le café. En revanche, il ne s’intéresse pas aux propriétés médicinales de toutes ces plantes. Sans doute son travail le plus original concerne-t-il l’asclépiade de Syrie, une plante à fibre qu’il tente de cultiver chez lui, à Manoncourt.

Les ressources de l’asclépiade de Syrie

L’asclépiade de Syrie, Asclepias syriaca, connue comme « arbre aux perruches » de nos jardins, provient en réalité d’Amérique du Nord. Ses fruits mûrs, évoquant vaguement des perruches, contiennent une bourre cotonneuse pouvant servir à confectionner des textiles. Plusieurs tentatives d’acclimatation ont eu lieu en Europe à la fin du XVIIIe siècle, mais celle de Sonnini est la plus ambitieuse. Il cultive cette espèce chez lui à Manoncourt dès 1790 et publie par la suite un Traité des asclépiades (1810). Selon lui, cette fibre d’excellente qualité pourrait avantageusement remplacer le coton, et même, dans certains usages, la soie et certaines fourrures. Il est convaincu que « la culture de l’asclépiade de Syrie peut devenir une branche importante de commerce et d’industrie ». Ses recommandations ne seront pas suivies, et l’asclépiade restera principalement une plante d’ornement. Cependant, depuis une dizaine d’années, des essais entrepris au Canada pourraient donner raison à Sonnini : les grandes qualités de la fibre d’asclépiade, particulièrement légère et isolante, pourraient en effet être employées pour fabriquer non seulement des vêtements chauds, mais aussi des matériaux composites pour l’industrie ou des absorbants de produits pétroliers, utiles en cas de pollution.

Une grande activité éditoriale

À la Révolution, dont il épouse les idées, Sonnini entre brièvement dans la vie publique. Il traverse tant bien que mal la période de la Terreur, mais est définitivement écarté du pouvoir après la chute de Robespierre. Il connaît alors de graves problèmes financiers et, mettant fin à sa vie de gentleman farmer, il s’établit à Paris, où il tente de vivre de ses cours d’histoire naturelle. Il déploie surtout une grande activité éditoriale, en publiant notamment une monumentale réédition de l’Histoire naturelle de Buffon en 127 volumes (1799-1808), enrichie de nombreux compléments.

Il se lie alors à d’éminents savants (comme Lamarck) et occupe une place centrale dans la science parisienne, en contribuant à perpétuer les idées de Buffon et de ses héritiers, qui connaissent alors une certaine éclipse. Toutefois, il ne parvient pas à obtenir de poste fixe. Il accepte donc avec enthousiasme l’offre qui lui est faite par un noble moldave de s’occuper de l’éducation de son fils. Hélas, à peine arrivé, il découvre que l’individu en question n’est qu’un escroc et a été emprisonné ! Il rentre alors en France, non sans avoir profité de l’occasion pour visiter l’Europe centrale. Ce sera son dernier voyage : peu après son retour à Paris, en décembre 1811, sa santé décline et il s’éteint le 9 mai 1812, laissant cette image de naturaliste un peu aventurier.

Le fenugrec vu d’égypte

Le fenugrec (littéralement « foin grec »), Trigonella foenum graecum, originaire d’Afrique, est connu et cultivé en Europe depuis l’Antiquité, essentiellement pour ses vertus médicinales. Il est indiqué par exemple en 1756, dans l’Encyclopédie, que « cette semence est recommandée pour amollir les tumeurs, les faire mûrir, les résoudre, et apaiser les douleurs. On la réduit en farine, que l’on emploie dans les cataplasmes émollients et résolutifs ». Sonnini a vu les Égyptiens consommer la plante entière « avec une avidité incroyable, sans aucun assaisonnement ». Il décrit la manière dont les habitants font germer les graines pour les manger, ou les font griller pour en tirer une boisson, ou en préparer un ragoût. Sonnini n’est pas très convaincu par ces usages alimentaires, mais après quelques essais en Lorraine, il recommande chaudement la culture du fenugrec en France, pour la médecine et pour le bétail.

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