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Une très longue postérité Anniversaire de la naissance de Pline l'Ancien 3/3

Une très longue postérité  Anniversaire de la naissance de Pline l'Ancien 3/3
Éditions de l’Histoire naturelle à travers les siècles, manuscrit, incipit du livre 36, 1278, Biblioteca Palatina, Parme.

Contrairement à d'autres textes anciens, l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien n'a jamais cessé d'être lue et exploitée en Europe. Jusqu'au XVIIIe siècle, cette œuvre majeure a servi de source privilégiée, en particulier sur les animaux, les minéraux et les plantes, ainsi que sur leurs usages médicinaux.

Deux ans avant de mourir lors de l'éruption du Vésuve qui ensevelit Pompéi en l'an 79 de notre ère, l'écrivain romain Pline l'Ancien avait dédié à son ami, le futur empereur Titus, son œuvre magistrale, l'Histoire naturelle. Cet ouvrage, qui traite de la nature et de toutes ses utilisations par l'homme, de l'agriculture aux beaux-arts en passant par les usages médicinaux, apparaissait comme une encyclopédie des connaissances scientifiques et techniques du monde antique.

On ignore comment Titus réagit à cette dédicace, mais il est hautement probable qu'il en fut plus que satisfait : en effet, non seulement Pline l'honorait en lui offrant cet ouvrage, mais en outre il glorifiait indirectement l'Empire romain et ses dirigeants, qui avaient fait de Rome le centre du monde où affluaient tous les produits de la terre et où se concentraient tous les savoirs. L'ouvrage connut très vite, semble-t-il, un succès considérable qui allait se perpétuer au cours des siècles. De fait, il existe peu d'œuvres, particulièrement scientifiques, qui aient connu une postérité aussi continue et aussi riche. Pendant plus d'un millénaire et demi, l'Histoire naturelle fut l'un des textes les plus répandus en Europe et l'un des plus exploités.

Dès les décennies qui suivent sa publication, on la trouve largement citée dans un autre ouvrage d'érudition, les Nuits attiques d'Aulu-Gelle, puis, au début du IIIe siècle, dans les écrits de l'auteur grec Claude Élien. Plus généralement, Pline sert de source, voire de modèle, à un grand nombre d'ouvrages à caractère encyclopédique de la fin de l'Antiquité et du Moyen Âge, comme ceux d'Isidore de Séville (vers 560-636) ou d'Albert le Grand (vers 1200-1280).

Si toutes les parties de l'Histoire naturelle sont utilisées, deux d'entre elles constituent une source privilégiée, voire quasi unique : la zoologie et la pharmacologie. En effet, dans ces domaines, Pline représente le principal ouvrage issu de l'Antiquité qui soit connu des écrivains médiévaux, car les...

textes grecs d'Aristote sur les animaux sont mal connus en Occident avant le milieu du Moyen Âge, et les traités de botanique de Théophraste y sont totalement oubliés jusqu'à leur redécouverte à la Renaissance. En pharmacologie, seule la Matière médicale de Dioscoride, ouvrage moins ambitieux, lui fait quelque concurrence.

Extraits, résumés et compilations

Ainsi, la longue partie consacrée à la description des plantes et des remèdes, ainsi qu'aux médicaments issus des animaux et des minéraux, forme la base de la connaissance pharmacologique jusqu'au XVIe siècle au moins : les médecins et apothicaires s'appuient sur elle pour identifier les espèces de végétaux et composer les recettes destinées à soigner telle ou telle maladie. Pour faciliter leur travail, on réalise des extraits ou des résumés de l'Histoire naturelle en retenant seulement sa partie médicale, comme la Medicina Plinii, compilée vers le IVe siècle, qui sera répandue pendant plus d'un millénaire.

Outre le fait que Pline offre une formidable « base de données » aux érudits du Moyen Âge, il présente de leur point de vue un avantage supplémentaire par rapport aux autres auteurs antiques païens. Ainsi, lorsqu'on redécouvre Aristote, vers le XIIIe siècle, son œuvre scientifique fait l'objet de vifs débats en Occident, car elle repose sur des fondements philosophiques que certains jugent incompatibles avec le christianisme. Pline, au contraire, en bon Romain attaché aux choses pratiques, ne s'intéresse guère à la métaphysique, et peut donc être exploité sans crainte par les auteurs chrétiens.

Toutefois, la perception de l'Histoire naturelle commence à changer significativement à la Renaissance. Avec l'intérêt grandissant pour les auteurs grecs (Aristote et Théophraste) que Pline avait copiés et que l'on redécouvre alors, se développe une certaine critique à son égard. On se rend compte que Pline a souvent résumé ses sources à l'excès, voire qu'il a parfois commis des erreurs de traduction. Son succès ne se dément pas pour autant, et l'invention de l'imprimerie lui donne un nouveau moyen de diffusion très efficace. Une première édition paraît à Venise dès 1469, quatorze autres suivront jusqu'en 1499, et plusieurs dizaines au cours du XVIe siècle, sans compter les traductions complètes ou partielles dans la plupart des langues vernaculaires d'Europe occidentale, notamment la première traduction française par Antoine du Pinet de Noroy en 1562. Les naturalistes continuent donc de considérer Pline comme une source d'information majeure : par exemple, le botaniste français Jacques Daléchamps publie presque en même temps (1587-1588) un grand traité sur les plantes (où il cite Pline) et une nouvelle édition de l'Histoire naturelle enrichie de notes et commentaires.

Buffon, le « Pline français »

Un déclin s'amorce tout de même à partir de la première moitié du XVIIe siècle, en lien avec la « révolution scientifique » qui se produit à cette époque. Le type de savoirs incarné par Pline apparaît incompatible avec les exigences de la science moderne. On voit alors diminuer sensiblement son influence. Mais étonnamment, la tendance s'inverse au cours du siècle suivant. De nouvelles éditions sont entreprises, souvent réalisées par des naturalistes professionnels ou amateurs. Ainsi, Louis Poinsinet de Sivry publie entre 1771 et 1782 une très belle édition en douze volumes, en français et en latin, avec de nombreuses notes montrant qu'il prend tout à fait au sérieux les informations données par Pline. Par ailleurs, plusieurs grands auteurs des Lumières, comme Diderot, font l'éloge de Pline, voire se placent sous son patronage : le grand naturaliste Georges-Louis Leclerc de Buffon est même surnommé le « Pline français », et le zoologiste et botaniste prussien Jacob Theodor Klein le « Pline de Dantzig ».

Toutefois, dès le début XIXe siècle, Pline apparaît de plus en plus comme obsolète. Les savants vont l'abandonner, définitivement cette fois, aux érudits et aux historiens. Mais même si elle change de statut, l'Histoire naturelle reste un texte majeur, sans cesse relu et exploité par tous ceux qui s'intéressent à la culture antique ; même si on ne cherche plus à appliquer les prescriptions médicales qui y figurent…

À lire

Histoire naturelle, Pline, traduit par Stéphane Schmitt, éditions La Pléiade, 2013.

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