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Le triple mystère de la rhubarbe

rhubarbe

Aliment familier de nos potagers, la rhubarbe a des siècles durant fasciné la médecine européenne et mobilisé aussi bien explorateurs que botanistes, marchands que scientifiques. Longtemps, elle est restée entourée de mystères.

Rheum, c’est le nom botanique de cette famille de végétaux dont les tiges ont très tôt trouvé une place de  choix  dans  la  pharmacopée, aussi  bien  chinoise  qu’européenne,  pour répondre  à  un  problème  de  santé  récurrent : le  transit  paresseux. Très  tôt  aussi,  on  s’est interrogé, remarquant des différences notables d’efficacité entre les espèces de rhubarbe.

Le mystère de ses origines

Si  le  médecin  grec  Dioscoride  (Ier siècle) recommande l’usage de Rheum ribes,  originaire de  l’actuelle  Syrie,  les  débats  sur  ce  qui constitue l’espèce de rhubarbe  médicinale de meilleure  qualité  et  sur  sa  provenance  vont durer près de dix-neuf siècles. On dit qu’elle vient  «  d’ailleurs »,  quelque  part  à  l’est  de  la Méditerranée...  Peut-être  d’Inde,  ou  d’Asie du  Sud-Est,  probablement  via  la  Route  de la  soie.  À la  fin  du  XIII esiècle,  Marco  Polo rapporte qu’il l’a vu pousser du côté de l’actuel Bangladesh. C’est le début de grandes  épopées pour les  marchands et naturalistes européens... Certains,  comme  le  botaniste  allemand  Peter Simon  Pallas,  commandent  des  expéditions et  ramènent  de  Sibérie  la Rheum  undulatum, de l’Himalaya  l’atypique Rheum  nobile, le Rheum caspium, le Rheum ribes... Déception, aucune  de  ces  variétés  ne  semble  arriver  à  la cheville de la « vraie rhubarbe », dont l’origine demeure inconnue.

Une des candidates les plus prometteuses à ce titre est alors une variété très grande, Rheum palmatum, arrivée dans les jardins botaniques de Saint-Pétersbourg au milieu du XVIII esiècle via des marchands mongols et des bureaucrates sibériens. Alors  qu’au  XIX esiècle,  la  Chine s’ouvre aux commerçants, aux prêtres et aux naturalistes  européens,  le  botaniste  français Henri Baillon reçoit en 1867 des échantillons provenant des régions chinoises du Sichuan et du Shaanxi. Il les identifie alors comme étant la « vraie rhubarbe ». Après  quelques   controverses, il finira par l’emporter : Rheum officinale était « née ».

Le mystère de sa culture

Il est difficile de s’imaginer à quel point toute l’Europe  est,  au  XIX esiècle,  traversée  par une  frénésie  pour  ce  remède  qui  résout  les problèmes de transit. Certains pays cherchent à  sécuriser  son  approvisionnement. Ainsi la Russie...

instaure-t-elle un monopole d’État sur toute  la  rhubarbe  orientale  passant  sur  son territoire  pour  contrôler  la  distribution  en Europe de l’Ouest et fixer des prix  prohibitifs. Les compagnies des  Indes  anglaises,  elles, s’approvisionnent en rhubarbe  de  moindre qualité dans les ports chinois, puis les vendent aux enchères à des intermédiaires à Londres.

Pour éviter d’avoir à importer cette denrée précieuse, on essaie à tous crins d’adapter les différentes  rhubarbes  aux  sols  européens. On se demande si le nord de la France ou la région  d’Oxford peuvent se  substituer aux  vallées  étroites  de  l’ouest  de  la Chine culminant à quelque 3 000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Quel est le  climat,  la  composition  des  sols  ou les techniques de reproduction idéales pour  la  culture ?  Les  débats  horticoles font rage. On constate qu’après plusieurs croissances consécutives, la plante a tendance à  s’hybrider  spontanément,  en  particulier à  proximité  d’autres  espèces  de  rhubarbe dont  elle  emprunte  les caractéristiques.  Pas étonnant, donc, que le travail de taxinomie ait été rendu si compliqué !

Il  faut  attendre  le  XIX esiècle,  lorsque les  techniques  de  sélection  et  d’hybridation horticoles  s’affinent,  pour  qu’on  comprenne que  le  seul  moyen  de  conserver  la  spécificité des  espèces  de  rhubarbe  consiste  non  pas  à utiliser les graines mais à procéder par  division de la souche. Cette découverte tombe à pic car, vers 1830 et 1840, en Europe et aux  États-Unis, des dizaines d’espèces différentes sont cultivées, et la rhubarbe acquiert une réputation culinaire sur les plus grandes tables européennes.

Le mystère de ses principes actifs

Quels  composés  de  la  rhubarbe  officinale expliquent  sa  douce  activité  laxative  et astringente  sur  l’intestin ?  Les  scientifiques se  penchent  sur  la  question  dès  1770  et  les chimistes européens les plus réputés s’essayent à percer le mystère. S’ils parviennent à identifier un  ou  plusieurs  ingrédients  de  la  plante,  ils échouent à trouver des procédures pour différencier la vraie rhubarbe de ses cousines de moindre qualité. L’arrivée du microscope dans la seconde  partie du XIX esiècle ou celle de la lumière  ultraviolette par la suite n’y feront rien. Après  la  Seconde  Guerre mondiale,  le  laboratoire  de  l’école de  pharmacie  de  l’université  de Londres  relève  le  défi,  mais  doit finalement  reconnaître  que  son succès  n’est  que  partiel : « À la différence  d’autres  plantes laxatives,  comme  le  séné  standardisé,  chaque  personne  doit expérimenter la posologie qui lui convient. Si deux tablettes sont insuffisantes,  alors  peut-être trois ou quatre seront nécessaires », conclut  le  chercheur  en  charge  de  l’étude. Ainsi, jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle, la  succession  de  ces  recherches  ponctuées d’échecs et de demi-succès fait de la rhubarbe un contributeur involontaire mais important au développement de nombreuses disciplines.

Rhubarbes à planter, des variétés avec une histoire

Nous disposons aujourd’hui de nombreuses variétés de rhubarbe aux qualités gustatives différentes. Pour changer de la classique rhubarbe sauvage (Rheum rhaponticum), voici quelques variétés anciennes à replanter au jardin.

Ondulée d’Amérique 
Espèce peu acide, elle possède de nombreuses hampes florales et des tiges minces et lisses. Contrairement à ce que pourrait faire croire son nom, elle a été découverte à l’est de la Sibérie, au XVIII esiècle.

Rouge hâtive de Tobolsk 
Avec des feuilles petites, des pétioles courts et très rouges, elle pousse rapidement au printemps et fleurit abondamment.

Hybride florentin
Obtenue au jardin de la faculté de médecine de Paris par hybridation de la Rheum officinale avec la Rheum colinianum, cette nouvelle variété rustique à grandes feuilles se couvre en été d’innombrables fleurs rouge foncé. Ses tiges tachées de rouge vous régaleront.

Pour les espèces  médicinales, orientez-vous vers Rheum palmatum (en particulier la variété tanguticum) et vers Rheum officinale, tant recherchée.

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