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Les faux de Verzy : une forêt de légendes à protéger

La Forêt domaniale de Verzy
La Forêt domaniale de Verzy

Au sein du parc naturel régional de la Montagne de Reims, les faux de Verzy, des hêtres tortillards, contorsionnent leurs troncs de façon singulière. Aujourd'hui, afin de préserver ces arbres étonnants, dont le patrimoine génétique intrigue les scientifiques et captive un large public, on s'en approche par un sentier aménagé dans la forêt.

La forêt de Verzy s’étend sur 1032 hectares entre Reims et Épernay. Chaque année, 200 000 visiteurs viennent admirer ses 800 hêtres tortillards, appelés couramment faux, ­(Fagus ­sylvatica, groupe tortuosa) dont les plus anciens sont multicentenaires. Leur forme est spectaculaire : au lieu de filer droit comme des colonnes d’un temple antique, ces hêtres ont choisi de prendre le temps de cheminer vers la lumière. Leurs troncs balancent tantôt à droite, tantôt à gauche puis ­serpentent en volutes ­romantiques. Les branches sinueuses et les rameaux poussent à ­l’horizontale et se rejoignent en un bestiaire ­fantastique avant de retomber en coupole vers le sol. Au fil du chemin aménagé dans la forêt de Verzy, on va distinguer trois types de faux différents. Le plus petit, le fau rampant, s’étale sur le sol et ne dépasse pas un mètre. Le plus imposant, le fau en forme de dôme, dessinant un houppier qui retombe vers le sol en forme sphérique atteint rarement huit mètres de ­hauteur. Quant au fau chimère, il a la ­particularité d’avoir à la fois un tronc tortueux, mais avec des branches qui se dressent à la verticale. Un phénomène de réversion surprenant.

« Le système de reproduction de cette espèce est unique, explique Denis Rabate, garde de l’Office national des forêts (ONF). Il se fait par marcottage, via l’enracinement des branches sur le sol et par drageonnage des racines. Quant à la reproduction à partir des faines, elle reste assez rare. On pourrait dire que grâce à ce système de reproduction, les faux possèdent une certaine forme d’éternité. Autre spécificité si leur ­croissance est très lente, leur longévité est ­remarquable ­tandis qu’un hêtre dépasse rarement une centaine ­d’années, des faux atteignent deux cent cinquante ans. »

Une origine mystérieuse

De nombreuses légendes abondent sur les faux. Et au cours de la promenade, on s’imagine aisément être plongé dans quelques maléfices. Selon certains récits, ces arbres seraient nés de la main du Malin, pour d’autres de celle de saint Basle. Au Ve siècle, ce saint se serait retiré en ermite dans la forêt où il protégeait les animaux et les arbres. En 1644, les moines de l’abbaye Saint-Basle sont les premiers à ­donner une description des faux. Elle a été rasée ­pendant la Révolution, mais son emplacement sur le massif a été attesté par des photographies aériennes. « On suppose aujourd’hui que les faux faisaient partie du domaine monacal et les moines les entretenaient, relate Denis Rabate. Sans les ­activités humaines, les faux n’auraient pas ­survécu. Ces hêtres tortillards de petite taille ont besoin de lumière et se trouvent en ­concurrence avec d’autres espèces à la croissance plus rapide. Les hommes en coupant des arbres ont créé des milieux ouverts qui ont permis aux faux de se maintenir. »

Victimes de leur succès

Ces arbres survivent tant bien que mal après la Révolution. Et, en 1932, 14 hectares sont classés pour leurs aspects remarquables. Dans les années 1950, pour les faire connaître, une route est spécialement construite pour admirer les plus beaux spécimens sans descendre de voiture…

Le succès dépasse vite ce qu’avaient imaginé les aménageurs. Pour le bal du 1er mai, c’était devenu une tradition de venir pique-niquer à l’ombre des arbres, les mariés se faisaient prendre en photo, les enfants se pendaient aux branches… Pendant une vingtaine d’années, le piétinement autour et sous les faux a failli leur être fatal. Aussi en 1981, le parc naturel régional de la Montagne de Reims est créé, le site des faux est classé réserve biologique dirigée sur 29 hectares afin de conserver les faux les plus remarquables.

Sauvegarder à tout prix !

Une des premières missions de l’ONF pour protéger cette variété unique a été de fermer la route qui la traversait de part en part ainsi que les routes forestières annexes. Et depuis 2010, on ne peut y accéder que par un sentier aménagé de trois kilomètres qui permet de s’approcher à pied de ces arbres remarquables. Pour éviter l’asphyxie des racines et favoriser la production d’humus, les gestionnaires du site ont été obligés d’entourer les faux avec des barrières de bois. Tous les cinq ans, les agents de l’ONF veillent à assurer leur accès à la lumière. En 2005, la réserve biologique dirigée s’agrandit jusqu’à 57 hectares. En 2017, la forêt de Verzy reçoit le label de forêt d’exception qui distingue un patrimoine naturel et historique remarquable et permet à l’ONF de trouver des financements publics et privés, notamment auprès des maisons de champagne, pour financer des études scientifiques sur les faux (lire l’encadré). Pour autant, le réchauffement climatique semble à son tour les menacer. Une raison de plus pour aller à leur rencontrey compris en hiver où leur architecture singulière apparaît alors dans toute sa splendeur.

La Forêt domaniale de Verzy accueille 800 hêtres tortillards à la longévité remarquable grâce à leur système de reproduction.

Des arbres mutants qui passionnent les scientifiques

Pourquoi trouve-t-on cette espèce de hêtre uniquement à cet endroit ? On a longtemps cru qu’il s’agissait de la nature du sol ferrugineux, mais les faux transportés sur d’autres substrats s’adaptent parfaitement. Alors s’agit-il d’une sélection qui a fait disparaître ces hêtres au profit d’arbres au tronc rectiligne ? Est-ce dû à une dégénérescence d’un individu qui aurait ensuite colonisé toute la forêt ? Le mystère demeure, même si les scientifiques ont découvert une mutation génétique du hêtre commun. Le caractère tortillard des faux serait héréditaire et proviendrait de plusieurs gènes distincts, ce qui expliquerait l’abondance de formes intermédiaires. Depuis deux ans, ces questions font l’objet d’études. L’ONF prélève des bourgeons sur chaque fau qui sont ensuite confiés à l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), aux universités de Bordeaux et de Reims afin d’établir leur patrimoine génétique et de percer le mystère des faux.

Infos pratiques

Comment y aller : Prendre le TGV jusqu’à Reims, puis le TER jusqu’à Verzy, puis, dix minutes en taxi.

En voiture : La forêt de Verzy est à 160 km de Paris. On accède au domaine des faux, soit à partir de Verzy, soit à partir de Louvois. Il suffit de suivre les panneaux « Faux de Verzy ». Il y a trois parkings sur place, vous pouvez vous garer au premier parking des faux et suivre le sentier balisé.

Se guider : En téléchargeant sur votre portable l’application « En forêt de Verzy », vous découvrirez les différentes facettes de ces arbres.

Se loger : Le Trilogis, chambres d’hôtes, est à 7 km en voiture ; pour 2 personnes 70 € petit déjeuner compris. Tél. : 06 80 93 21 19, contact : letrilogisenchampagne@gmail.com

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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