Remplacer son café du matin
Par curiosité ou contraints, les amateurs d’expresso qui veulent changer de boisson peuvent se tourner vers des substituts exempts de caféine. Céréales, racines et végétaux insolites, tout aussi riches en composés bénéfiques que les graines de caféier, sont autant d’ingrédients qui, une fois torréfiés, peuvent avantageusement les remplacer.
Avant tout, le café est un stimulant. Il aide à se réveiller, à se concentrer. De nombreuses études ont également mis en évidence l’intérêt d’une consommation régulière, mais modérée, pour contrecarrer ou retarder l’apparition d’un diabète de type 2, de différents cancers, de maladies hépatiques, de Parkinson ou d’Alzheimer. Le petit noir peut aussi améliorer la dépression, l’asthme et l’obésité, car ses composés diminuent le stress oxydant et modulent les enzymes détoxifiantes. Enfin, et surtout, ce breuvage est réconfortant !
Pour autant, tout n’est pas rose dans le café. En boire comporte quelques risques, principalement dus à la présence d’un composé, la caféine. Absorbée à l’excès, celle-ci entraînera anxiété, tremblements, palpitations, insomnie et hypertension artérielle. De fortes consommations augmentent parfois le taux de cholestérol dans le sang, car cette boisson contient des molécules de cafestol et de kahweol potentialisant le risque de maladies coronariennes (infarctus du myocarde ou AVC) et de complications cardiovasculaires.
De leur côté, les femmes enceintes, celles utilisant un contraceptif oral et celles souffrant de troubles liés à la ménopause devraient également éviter de trop en prendre, car le café interfère avec les hormones. Pour autant, un arrêt brutal n’est jamais recommandé : la caféine affectant les récepteurs d’adénosine, son absence soudaine provoque fatigue musculaire et effets de manque – chute du moral et de la concentration, symptômes grippaux, insomnie, anxiété, nausées, etc.
Les succédanés, l’avenir écologique du café ?
Celles et ceux qui souhaitent – ou doivent – diminuer les doses, ne tolèrent plus le café ou se sont totalement interrompus pour une raison de santé apprécieront des boissons chaudes aux saveurs et aux vertus proches. Les ingrédients qui les composent ont en effet en commun avec le café d’être riches en polyphénols, ce qui permet des breuvages concentrés en antioxydants. En outre, préparés à partir de plantes cultivées en Europe, ils représentent des alternatives écologiques au café, dont les graines torréfiées viennent de pays plus lointains.
Enfin ces succédanés, obtenus en général à partir d’un mélange équilibré de plantes, sont tout à fait adaptés aux enfants et aux femmes enceintes et allaitantes. Pour ces dernières, en bonus, certaines préparations à base de chicorée et d’orge maltée stimulent la lactation ! Elles font aussi merveille en remplacement du café dans les pâtisseries telles éclairs, religieuses, bûches ou tiramisus.
Si nos ancêtres consommaient des ersatz de café, le faire aujourd’hui n’est pas un pas en arrière, au contraire. Créées à partir céréales, de racines ou de végétaux – parfois aussi originaux que le gland de houx, la...
châtaigne, la betterave, la carotte, le fruit de buis, la racine d’astragale ou de fougère ou même la semence du glaïeul jaune des marais ! –, ces boissons sont une ode à la créativité.
Des céréales à infuser
Opter pour des céréales est encore une autre façon de remplacer le café. Depuis plusieurs siècles, les Japonais font ainsi infuser des graines de sarrasin grillées pour obtenir un « thé de sarrasin » (sobacha). Riche en antioxydants, il est très peu calorique et contient de grandes quantités de fibres solubles, bénéfiques à la digestion. Plus courant chez nous, le malt d’orge (c’est-à-dire de l’orge germé), une fois finement moulu et très infusé, donne naissance à un café d’orge, ou orgé, riche en vitamines et en fibres solubles. Le café d’épeautre torréfié est, quant à lui, riche en glucides, protéines, acides aminés essentiels, magnésium, phosphore et calcium. Enfin, le seigle et le froment torréfiés peuvent aussi donner un similicafé une fois infusés.
Recette maison : le sobacha japonais
Ingrédients : 200 g de graines de sarrasin décortiquées
Préparation :
- Dans une grande poêle, à feu moyen, faire griller à sec des grains de sarrasin pendant 5 min en mélangeant régulièrement avec une spatule en bois. Ils doivent prendre une belle couleur brune et dégager une bonne odeur grillée, sans toutefois brûler.
- Les laisser refroidir et les conserver dans un bocal en verre.
- Pour une tasse d’infusion, déposer 1 c à café de grains de sarrasin dans une tasse et ajouter 200 à 250 ml d’eau frémissante, laisser infuser 5 bonnes minutes et déguster.
Recette tirée de Boissons saines et gourmandes, de Marie Laforêt, éd. Alternatives.
Les vertus des racines
Certaines racines de la famille des astéracées sont d’incontournables succédanés de café, la chicorée en chef de file. Ses racines épaisses en forme de navets sont séchées, grillées puis broyées avant d’être mélangées à de l’eau ou du lait pour être consommées. Son amertume et son agréable touche de caramel en font une alternative très appréciée dans le nord de la France. Riche en fructo-oligosaccharides, qui agissent comme des prébiotiques (nourriture bénéfique pour la flore intestinale), la chicorée protège le foie et l’estomac. Elle est aussi anti-inflammatoire et diurétique, et son activité anti-tumorale a été démontrée. Autre possibilité : le « café de pissenlits ». Ramassez-en des brassées en pleine nature, en automne et en hiver – elles seront bien dodues et pleines d’énergie. La racine de pissenlit, très bénéfique pour le foie, aide aussi à diminuer les lipides sanguins et les douleurs rhumatismales.
Recette maison : café de pissenlits
Ingrédients : 10 ou 20 racines de 20 cm
Préparation :
- Déterrer les racines lorsque le sol est humide.
- Les laver soigneusement puis les laisser pendant 2 jours dans un endroit chaud et sec.
- Couper des tranches de 2 cm puis les hacher grossièrement au mixeur.
- Les étaler sur une plaque et faire torréfier au four chauffé à 200 °C pendant 2 h. Retourner régulièrement les racines.
- Les moudre dans un mortier ou un moulin à café.
- Mélanger une cuillère à soupe bombée de la poudre obtenue dans une tasse d’eau chaude.
Café de fruits et de légumineuses
Si réaliser un « café de céréales » est aujourd’hui assez courant, utiliser des végétaux – betterave à sucre, légumineuses, fruits secs comme les amandes… – reste plus anecdotique, mais tout aussi intéressant nutritionnellement. De même pour les associations : de la farine de pois chiche était ainsi autrefois ajoutée au café soluble, et les figues séchées sont toujours un bon adoucissant au breuvage auquel elles apportent, au passage, vitamines et minéraux. Tous ces végétaux nécessitent une torréfaction avant d’être moulus et infusés.
Recette maison : café de plantes
En pratique, préchauffez votre four à 200 °C. Sur une plaque recouverte de papier sulfurisé, éparpillez vos ingrédients un à un : céréales, racines tranchées et grossièrement broyées, légumineuses, figues séchées coupées en dés… Enfournez en retournant régulièrement afin d’éviter que cela ne brûle, et en laissant la porte du four entrouverte pour que l’humidité s’échappe. Sortez du four une fois bien bruni, mais non brûlé. Réduisez en poudre fine avec un moulin à café électrique de qualité. Préparez votre boisson comme un café avec une cafetière à piston ou à filtre.
Expresso sauvage
Dans la nature aussi, on peut trouver des ingrédients qui serviront à concocter un « café sauvage ». François Couplan recommande de faire griller à sec, dans une gamelle, des graines de gaillet gratteron, des faines de hêtre et des glands mûrs et pelés, au choix, jusqu’à ce qu’ils soient complètement bruns, mais pas carbonisés. Ensuite, il faut les broyer entre deux pierres, ajouter de l’eau à la poudre grossière ainsi obtenue et faire bouillir. La torréfaction des glands, riches en tannins, adoucit leur saveur amère.
Utilisés seuls, comme le firent nos grands-parents sous l’Occupation, ils donnent une boisson dont le goût n’est pas fameux… Mais les glands de ballote, issus d’une variété particulière de chêne vert à glands doux (Quercus ilex subsp. ballota) originaire d’Afrique du Nord, méritent notre attention. Importés en France par Napoléon III dans la seconde moitié du XIXe siècle et transformés en « café », ils donnent une boisson tout à fait appréciable, qui fut jadis appréciée des classes populaires et aujourd’hui des baroudeurs.