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La Théorie des signatures, ou l’éloquence des plantes

signatures

Popularisée par Paracelse au XVIe siècle, la doctrine des signatures a fortement influencé la médecine pendant deux siècles avant de tomber en désuétude. Méthode empirique d’observation des plantes médicinales, basée sur le principe de similitude et d’analogie, elle repose sur une lecture subtile et sémiologique de la nature.

Tout ce que la nature crée, elle le forme à l’image de la vertu qu’elle entend y attacher », affirmait Paracelse, médecin, alchimiste et astrologue suisse du XVIe siècle. C’est à cet esprit libre, fécond et précurseur de la Renaissance – il est aujourd’hui considéré comme le père de l’homéopathie, de la médecine du travail et de la toxicologie – que l’on doit d’avoir popularisé la Théorie des signatures des plantes. Ce principe, qui a exercé une influence majeure sur la médecine européenne pendant près de deux siècles avant de tomber progressivement en désuétude, paraît superstitieux, hasardeux, voire naïf, bien qu’il continue d’exercer une influence certaine à notre époque contemporaine. La Théorie des signatures repose sur la loi des ressemblances, illustrée par le précepte datant de l’Antiquité grecque similia similibus curantur (« les semblables soignent les semblables »). Ce principe analogique, également à la base de l’homéopathie théorisée par Samuel Hahnemann en 1796, s’appuie sur une observation minutieuse du végétal, à la fois de ses caractéristiques intrinsèques (forme, couleur, odeur…) mais aussi extrinsèques (écologie, terrain, lieu de vie…). Les signatures indiquent alors les maladies ou les organes à guérir. Ainsi, le Littré de 1878 définit la signature des plantes comme suit : « Certaines particularités de conformation ou de coloration d’après lesquelles on les juge convenables dans telle ou telle maladie ».

À la recherche des « signes divins »

Pour Paracelse, la Théorie des signatures est l’expression de l’intelligence spirituelle de la nature, laquelle contient à la fois les maux et les remèdes aux maux qu’elle a créés. Michel Foucault, dans le livre « Les mots et les choses », explicite la pensée de l’alchimiste : « Il faut que les similitudes enfouies soient signalées à la surface des choses, il est besoin d’une marque visible des analogies invisibles. » Dans cette vision mystique où tout est inter-relié, Dieu a laissé des signes. À l’homme de savoir déchiffrer ce langage subtil. La Théorie des signatures est ainsi indissociable d’une vision mystique et...

spirituelle du Moyen Âge et de la Renaissance, qui imprégnait profondément les esprits. Le macrocosme et le microcosme y sont intimement liés par le jeu d’une nature naturante (Natura naturans), créatrice, chargée de sens, à travers laquelle s’exprime la volonté divine.

À la recherche de ces « signes divins », on remarqua que la pulmonaire officinale (Pulmonaria Officinalis) présente de larges feuilles ovales, velues, maculées de taches blanches rappelant la coupe d’un poumon. Les voilà donc préconisées, en vertu de la Théorie des signatures, et toujours aujourd’hui, pour traiter les affections respiratoires, particulièrement la bronchite. Pour le saule blanc (Salix alba), les anciens avaient d’abord observé qu’une de ses branches plantées en terre reprenait vite racine, ce qui l’indiquait en cas de rhumatisme. Et le fait qu’il pousse souvent les pieds dans l’eau le recommandait pour les fièvres, supposées venir du froid et de l’humidité.

Vertus avérées et approximations

Ces indications empiriques ont été plus tard confirmées par la science, lorsque l’acide salicylique contenu dans l’écorce fut identifié, à partir duquel on fabriquera l’aspirine. Parmi les exemples confirmés figure la grande chélidoine (Chelidonium majus), ou grande éclaire, dont le suc jaune s’écoulant de sa tige cassée évoquait une ressemblance avec la bile : idéale pour les problèmes hépatiques. Son effet cholérétique fut avéré ; la plante permet en effet de stimuler la sécrétion de bile. Les tubercules en forme de petites figues de la ficaire (Ficaria ranunculoides) ont soufflé son utilisation contre les hémorroïdes. On sait désormais qu’elle renferme une saponine aux effets décongestionnants et analgésiques bien utiles dans ce type d’affection. Toutefois, la Théorie des signatures n’était pas exempte d’approximations, voire d’erreurs. Parfois, des propositions fantasques ont fleuri dans les nombreux ouvrages qui lui sont consacrés au XVI et XVIIe siècles. De tout ce corpus, on retiendra au XVIe siècle les travaux du professeur de médecine et alchimiste allemand Oswald Crollius, et surtout celui de l’Italien Giambattista della Porta.

Ayant connu un essor sans précédent à la Renaissance, il est toutefois difficile de dater l’apparition exacte de la Théorie des signatures. Elle remonte certainement aux origines mêmes de l’humanité. Au-delà de son aspect désuet, détrôné par l’approche moderne de la médecine et de la chimie, cette théorie nous interroge sur une question fondamentale : comment les hommes ont-ils pu connaître les applications thérapeutiques des plantes ? Le producteur de plantes médicinal Marc Lachèvre rappelle que trois théories peuvent être avancées : par empirisme, par observation du comportement des animaux ou grâce à une « révélation mystique ». Cette vision spirituelle, au coeur de l’approche de Paracelse, fait aussi écho à celle des sociétés primitives pour lesquelles l’âme du végétal souffle luimême son secret thérapeutique.

L’artiste théoricien

Les gravures de l’Italien Giambattista della Porta (1535-1615) parues dans son ouvrage « Phytognomonica » (1583) figurent aujourd’hui parmi les témoignages visuels les plus marquants de la Théorie des signatures. Celui qui fut physicien, philosophe, cryptologue et alchimiste mais aussi opticien – il aurait inspiré la fabrication de la première lunette en 1590 – y décrit ainsi longuement, sous forme de dessins détaillés, les analogies repérées entre le règne végétal et l’homme. Plus tard, il élargira son travail aux relations entre l’âme, le corps et la physionomie dans l’ouvrage « De humana physiognomonia libri IV ».

Désuète… mais toujours vivace !

« Ah, cette Théorie des signatures, on est censé n’en point parler à notre époque matérialiste, car, somme toute, elle est aussi absurde que l’homéopathie. Cependant, elle est bien la source de la découverte de maints remèdes courants ! », s’exclamait en plein XXe siècle l’influente homéopathe anglaise Margaret Tyler. Tombée en désuétude, mais pas dans l’oubli, la Théorie des signatures retrouve une nouvelle jeunesse avec une poignée de phytothérapeutes, herboristes et autres aromathérapeutes à la recherche des vertus énergétiques des plantes. Leur idée, qui n’aurait sans doute pas déplu à Paracelse : accorder à la plante une écoute subtile mobilisant tous ses sens, y compris le sixième, afin que le végétal puisse révéler certains de ses mystères thérapeutiques, en particulier sur la sphère psycho-émotionnelle 

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