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La force des rituels haïtiens au quotidien

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La « perle des Antilles » doit son surnom au café et à la canne à sucre, deux plantes dont la culture fit jadis la richesse de quelques colons grâce au labeur d'esclaves. Aujourd'hui, une démarche ethnobotanique met en valeur d'autres plantes de l'île. Suivons Rose, jeune Haïtienne bien décidée à préserver le savoir médical traditionnel.

Existe-t-il un pays plus évocateur de problèmes, de malchance et de pauvreté qu’Haïti ? Pourtant, en dépit de dictatures féroces, de tremblements de terre ou d’inondations dévastatrices et de cyclones récurrents, l’île se reconstruit avec énergie. Des indicateurs comme la malnutrition sont déjà en voie d’amélioration.

Les plantes, dont 5 000 espèces sont recensées dans le pays, accompagnent les Haïtiens dans leur vie de tous les jours. Ils consomment de nombreuses feuilles : épinards (Amaranthus spp.), lianes-panier (Chamissoa altissima) ou herbes aiguille (Bidens sp.) sont largement appréciés. La région de la ville de Gonaïves est célèbre pour sa spécialité à base de lalo (Corchorus olitorius), une plante mucilagineuse mangée avec du crabe, du riz et une sauce de haricots. Les connaissances empiriques sur les plantes médicinales, détenues par certaines personnes qui ne ménagent pas leur temps pour aider leur voisinage, sont fascinantes. Même si la médecine occidentale a tendance à s’imposer à travers les ONG, les traditions persistent.

La deuxième île des Antilles

Haïti occupe la partie occidentale de l’île d’Hispaniola, qui représente le vingtième du territoire français. Le pays compte à présent 11,4 millions d’habitants, dont 4 millions vivent à Port-au-Prince, la capitale. Depuis le terrible tremblement de terre de 2010 (250 000 morts), de nombreuses personnes sont encore sans abri. La végétation luxuriante d’Haïti fut en grande partie détruite au XVIIe siècle pour faire place aux plantations de café et de canne à sucre. La culture des terres vise aujourd’hui à nourrir une population qui ne cesse de croître.

Recettes de famille

Rose-Vandjie Nicolas fait partie de la jeune génération – elle a 25 ans – qui a pris conscience de la valeur de ce savoir populaire. Elle a grandi à Fort Liberté, au nord-est du pays, dans un milieu modeste. Durant son enfance, sa mère soignait ses problèmes de santé avec divers végétaux. Elle posait sur le...

front de sa fille des emplâtres de feuilles de pomme-cannelle (Annona squamosa) pour diminuer ses maux de tête. Ou lui faisait boire des décoctions de feuilles de cachiman (Annona reticulata), avec un peu de sel, pour ses problèmes de digestion. Ces remèdes paraissaient alors chose normale à Rose.

Plus tard, s’apercevant que ses ami(e)sont recours à des médicaments « chimiques » achetés très chers en pharmacie sans présenter nécessairement de meilleurs résultats, elle commence à voir les choses autrement. Il lui semble incongru de dépenser autant d’argent alors qu’existent à portée de main des remèdes gratuits et souvent efficaces. Rose s’étonne aussi que ses camarades trouvent valorisant de se soigner de façon moderne et ne montrent jamais le moindre intérêt pour les traitements d’antan. Ses réflexions l’amènent à entamer des études d’agriculture afin de contribuer à l’amélioration des conditions de vie locales.

Rose a eu la chance d’obtenir le soutien de professeurs de l’Université chrétienne du Nord-Haïti, sensibilisés à l’agriculture biologique. Après cinq années d’études, elle finalise à présent un mémoire consacré aux plantes médicinales de la région du Haut Limbé. Un mémoire sous forme d’enquête de terrain, comme on procède en ethnobotanique : à l’aide d’un questionnaire, Rose s’en est allée recueillir les usages dans tout le pays, qu’elle compte partager ensuite avec ses compatriotes. L’ayant accompagnée dans quelques-unes de ces rencontres, j’ai eu l’occasion de vivre un moment particulièrement marquant avec une guérisseuse.

Intrigantes préparations

Depuis une trentaine d’années, cette femme reçoit des personnes pour toutes sortes de raisons de santé. Certains de ses usages de plantes sont classiques, comme les feuilles de neem (Azadirachta indica) contre la fièvre, ou d’écorce de grenade (Punica granatum) très riche en tanins, et donc astringente, contre les angines et les problèmes d’amygdales. Quelques-uns m’étaient inconnus, telle la décoction de feuilles d’asosi (Momordica charantia) additionnée de jus d’orange amère (acide) pour donner de l’appétit. Ou l’application sur la poitrine, contre la bronchite, d’une feuille de ricin badigeonnée d’huile de ses graines et fixée avec une bande afin de la garder pendant la nuit.

D’autres remèdes mettent en jeu des plantes vraiment locales, par exemple le kenep mâle contre la malaria. Il s’agit d’un arbre (Melicoccus bijugatus) de la famille des érables, qui porte sur des pieds séparés les fleurs à étamines (mâles) et les fleurs à pistil (femelles). La préparation est intrigante : le premier jour, on prend une feuille en décoction ; le deuxième jour, on met de côté la première feuille et l’on prépare une décoction avec deux nouvelles feuilles ; le troisième jour, on procède de même et l’on continue ainsi jusqu’au septième jour ; le huitième jour, enfin, on met à bouillir toutes les feuilles conservées… et l’on est censé être guéri !

Lors de ces rencontres, il n’est pas toujours facile de savoir quelle est la part de rituel et de superstition dans cette médecine populaire. Souvent, on doit simplement accepter que les choses se passent ainsi, et que si elles marchent, c’est tant mieux : il serait dommage de se priver de ressources médicales utiles en les balayant trop vite pour cause de charlatanisme. Il importe, toutefois, de garder actif son esprit critique.

Sur sa lancée, Rose a recueilli des informations auprès de 70 personnes, qui lui ont fourni des données sur une centaine de plantes différentes. La jeune femme, qui possède elle-même une bonne connaissance empirique de la pharmacopée caraïbe, a évalué les résultats obtenus. Si beaucoup d’usages sont connus, certains sortent de l’ordinaire et mériteraient une étude plus approfondie. Qui sait, ce sera peut-être la prochaine étape des découvertes de Rose ?

Le réseau Tramil pour la pharmacopée des Caraïbes

Au début des années 1980, ayant constaté que les progrès de la médecine occidentale ne suffisent pas à faire face aux besoins de base de la population, plusieurs chercheurs et travailleurs de santé des Antilles ont uni leurs forces afin d’étudier et de diffuser les connaissances sur les plantes des Caraïbes. Car il existe dans la région des systèmes de soins à base de plantes, proches les uns des autres, qui méritent de retenir l’attention. Près de quarante ans plus tard, les enquêtes ethnobotaniques menées dans les îles, dont Haïti, et sur le continent avoisinant ont permis de répertorier les usages significatifs, dans lesquels interviennent 803 plantes différentes.

Pour en savoir davantage, allez sur www.tramil.net/fr

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