Dossier
L'héritage des sorcières (3/4)
Personnages redoutés ou thérapeutes de la dernière chance, les sorcières étaient incontestablement détentrices de secrets pour soulager mille maux. La traque organisée au fil des siècles contre ces rebelles savantes semble loin. Dotées de pouvoirs surnaturels ou expertes en vertus médicinales des plantes, que savent aujourd'hui ces femmes libres ?
Sorcières : des femmes guérisseuses
Au Moyen Âge, les guérisseuses font office de médecins des campagnes. Et les petites gens viennent autant les consulter pour se faire soigner que pour s’attirer bonne fortune et conjurer les mauvais sorts. « Elles représentaient le seul recours vers lequel le peuple pouvait se tourner, et avaient toujours été des membres respectés de la communauté, jusqu’à ce qu’on assimile leurs activités à des agissements diaboliques », avance l’auteure Mona Chollet dans son ouvrage Sorcières. Certes, toutes les sorcières n’étaient pas des guérisseuses, mais de nombreuses guérisseuses vont être pourchassées.
Historiquement, cette persécution arrive après une certaine structuration de la médecine. À partir de l’an 1200, se créent les premières universités de médecine. Des institutions qui non seulement vont bouleverser la pratique médicale mais en organiser l’accès : il est interdit de soigner si on ne sort pas de ces établissements, les femmes en étant exclues d’office. Un reniement officiel du rôle des guérisseuses qui va sceller leur sort pour plusieurs siècles. Pour autant, ces femmes d’origine modeste vont continuer à répondre aux demandes de soins de leurs concitoyens. Il faut dire qu’elles ont acquis une solide connaissance empirique des plantes locales qu’elles cultivent, sèchent et conservent. Leurs connaissances leur permettent de soigner, et de guérir le petit peuple. Parfois avec une efficacité plus remarquable que celle des médecins masculins qui conseillent alors les seigneurs régnant sur les duchés et les royaumes. Remarquable ou redoutable ? On ne leur pardonna sans doute pas d’être ainsi détentrice d’un savoir non encadré. À la même époque, d’autres guérisseurs ne sont pas inquiétés. Les moines, qui cultivent des jardins des simples, sont au contraire encouragés à utiliser ces herbes locales qui traitent de nombreux maux.
Les sorcières furent sans doute aussi poursuivies car les femmes faisaient appel à leur service en tant que sage-femme ou… faiseuse d’ange. Peut-être est-ce cet aspect que l’on retrouve dans les traités de démonologie les accusant de « manger des enfants ». Toujours est-il que leurs connaissances en phytothérapie leur permettaient d’avoir recours à des plantes abortives.
Comment les guérisseuses apportaient-elles un soulagement aux malades ? « La plupart des potions sont en fait des infusions d’une ou plusieurs plantes. Et les onguents sont des pommades obtenues avec un corps gras dans lequel les...
principes actifs des plantes ont été dissous », précise Lise-Marie Lecompte dans son ouvrage Encyclopédie des plantes et des pierres magiques et thérapeutiques.
Beaucoup de ces plantes sont encore utilisées aujourd’hui pour traiter des maux bénins. Parmi celles-ci, on trouve l’ail, l’armoise, l’aubépine, le bouleau, l’estragon, le framboisier, le frêne, le genévrier, le clou de girofle, le gui, le houx, le laurier, l’ortie, le pissenlit, le pommier (ou la pomme), la menthe, le romarin, la rose, la sauge, le sureau, le thym et la verveine appelée encore aujourd’hui « l’herbe des sorcières ». Verveine qui à l’instar de quasiment toutes les plantes utiles cumulait des qualités magiques et médicinales : ainsi on lui prêtait la propriété de purifier l’organisme et d’apporter santé et amour. Mêmes superpouvoirs pour le thym, la sauge, le romarin ou encore le safran.
Et aujourd’hui ? Nombreuses sont les thérapeutes qui peuvent revendiquer cet héritage des sorcières. Les herboristes tout d’abord de par leur connexion profonde avec le végétal et le soin. « Mais aussi des phytothérapeutes, des aromathérapeutes, des florithérapeutes, des naturopathes qui proposent un ensemble de soins naturels et bienveillants tout en prenant en considération le respect de l’environnement et la terre qui nous porte. », précise Odile Chabrillac qui se revendique elle-même sorcière.
Chacune élabore ses propres rituels de guérison, évoquant les forces bienfaitrices de différentes façons et utilisant ses propres outils. Pour certaines des pierres de massage, pour d’autres des élixirs de fleurs chargés de traiter nos émotions négatives ou des tisanes personnalisées.
Autant de pratiques qui prennent de l’ampleur tandis que le succès des écoles de naturopathie et d’herboristerie ne se dément pas. Un juste retour aux sources en quelque sorte.
La verveine, l’herbe envoûtante
Herbe sacrée pour les uns, panacée pour les autres, plante diabolique pour les derniers… Pourquoi la verveine officinale est-elle encore appelée « l’herbe des sorcières » ? Dès l’Antiquité, on lui attribue des pouvoirs magiques. Les Romains aspergeaient ainsi leur maison avec une infusion de verveine pour apporter gaieté et bonne humeur. Il suffisait à un homme de porter 3 graines de verveine à son cou pour retrouver sa virilité. Pas seulement… Car accrochée à une poutre, une branche de verveine assurait prospérité et santé à toute la maisonnée. Pour les purifier, ils balayaient aussi les autels honorant Jupiter. Et s’ils voulaient avoir une meilleure santé, ils portaient sa racine en amulette autour du cou. On lui reconnaissait des propriétés hépatiques, une action contre les ulcères, les morsures de serpent ou d’araignée et les blessures faites au combat. Enfin, on chassait les démons en se dressant face à un rameau de la plante. Au fil des siècles, la verveine devient une « guérit-tout », tout en étant vouée à des pratiques plus sulfureuses. On l’utilise alors davantage pour invoquer le diable ou jeter des sorts. Au Moyen Âge, une branche de verveine posée sous l’oreiller d’un séducteur durant sept jours lui enlève toutes ses capacités. Aujourd’hui, la plante a perdu sa vertu de panacée. Mais elle apaise tout de même les problèmes ORL, digestifs, cutanés, les contusions, les foulures et la migraine nerveuse. Pas si mal !
Les plantes mortelles, une tuerie !
Les recherches effectuées par l’USDA (département de l’Agriculture des États-Unis) montrent que les sorcières utilisaient un large éventail de plantes toxiques. Ainsi, la mandragore (Mandragora officinarum) considérée comme aussi bénéfique que maléfique participait-elle à de nombreux rituels. Étant donné sa haute toxicité, il fallait toutefois prendre beaucoup de précautions pour la cueillir et la manipuler. Mandragore qui était aussi utilisée dans la fabrication de « l’onguent volant », une crème qui permettait d’entrer en transes et de s’imaginer en train de voler. D’autres plantes mortelles renfermant des alcaloïdes tropotides psychoactifs comme la jusquiame noire (Hyoscyamus niger), la pomme épineuse (Datura stramonium), la belladone (Atropa belladona) entraient dans ce baume. Les sorcières appliquaient habilement cet onguent sur leurs bras ou leurs muqueuses intimes. Sans courir de risque.
Recette d’infusion énergisante
L’herboriste Emmanuelle Guilbaudeau propose la recette de tisane suivante, pour redonner de la joie et de l’énergie au corps.
Cueillir fraîchement au jardin :
- 1 capitule d’achillée millefeuille, plante solaire qui protège
- 1 fleur de calendula pour activer la circulation lymphatique
- 4 feuilles de menthe verte pour un effet tonifiant et rafraîchissant
- 1 branche de basilic pour amener de la lumière.
Faire infuser le mélange dans 250 ml d’eau durant 10 à 15 min et boire au cours de la journée.