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Le cannabis, cultiver l'accès au sacré

Le cannabis, cultiver l'accès au sacré

Depuis l'aube des temps, le cannabis accompagne l'homme dans sa quête de spiritualité. Utilisé lors de nombreux rituels chamaniques ou religieux afin de délivrer des messages sacrés, il aurait le pouvoir, dans certaines cultures, de rapprocher l'homme des dieux.

Le chanvre, ou Cannabis sativa, est une plante sauvage dont l'origine se situe dans les régions tempérées d'Asie centrale. Il s'est ensuite remarquablement bien adapté à presque tous les climats, altitudes et sols. Dès les débuts de l'agriculture, il est cultivé en Chine, en Inde, dans toute l'Europe puis en Afrique, avant de traverser l'Atlantique avec les conquistadors. Depuis toujours, le chanvre accompagne l'homme comme plante à tout faire, pour se loger, se vêtir, se nourrir, se soigner… mais aussi dans sa quête de spiritualité.

Des transes qui font naître le sentiment du divin

Cette plante contient du THC, une molécule psychoactive dont l'expérience a pu être vécue comme transcendantale et mystique par nos ancêtres. L'ethnobotaniste Robert Gordon Wasson émet même la théorie suivante : l'utilisation de certaines plantes psychotropes et les transes qu'elles provoquent pourraient être à l'origine des religions. Elles auraient fait naître le sentiment sacré de pouvoir entrer en contact avec des êtres supérieurs, craints ou vénérés. Wasson a ainsi développé la notion de « plantes enthéogènes ». Contenant des substances hallucinogènes, celles-ci seraient capables d'induire un état modifié de conscience utilisé à des fins religieuses, spirituelles ou chamaniques. Le terme « enthéogène », dérivé du grec entheos, signifie « inspiré, possédé, rempli du divin, qui génère la foi ».

Parmi ces substances végétales, les plus connues sont la mescaline du cactus peyotl ou la psilocybine des champignons psilocybes. Bien qu'ayant des propriétés hallucinogènes plus faibles, le cannabis a lui aussi été utilisé dans le cadre de plusieurs religions. Ces plantes « enseignent » et font voyager dans l'au-delà pour y recueillir des informations, des visions, des prophéties… On les qualifie aussi de plantes « maîtresses ». Seule une personne initiée est habilitée à recevoir leurs enseignements et capable de les interpréter pour le bien de la communauté. Cette personne connaît les dosages et les formes d'utilisation et se prépare à travers des rituels de purification. Un tel usage sacré du cannabis comme plante maîtresse est avéré, notamment en Asie et Asie centrale. Il est documenté par des fouilles archéologiques, des...

écrits anciens, des œuvres d'art ou des rituels, dont certains ont traversé les siècles et perdurent aujourd'hui.

Présent dans l'Ancien Testament

L'anthropologue Sula Benet a émis l'hypothèse selon laquelle la plante mentionnée sous le terme hébreu de kaneh bosm dans l'Ancien Testament aurait dû être traduite par cannabis dans la version grecque, et non par calamus, une plante plutôt quelconque… Ce mystérieux kaneh bosm est mentionné à plusieurs reprises dans le texte sacré. Avec la myrrhe, la cannelle, le cassia, il est l'un des ingrédients de l'huile sacrée utilisée par le Christ pour guérir les malades.

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Connues par les chamanes

Un bâton pour extirper les démonsMagu, littéralement « la jeune femme du chanvre », est la déesse taoïste du chanvre.

En 2016 en Chine, des fouilles ont mis au jour la tombe d'un homme, probablement un chaman, datant de 2 700 ans avant J.-C., dans laquelle avaient été placées des fleurs et des graines de cannabis psychoactif. Il y a plus de 2 000 ans, les taoïstes se servaient du cannabis et du ginseng pour prédire l'avenir, transporter les consciences dans le temps et l'espace. Qualifiée de « libératrice des péchés », son utilisation est réservée aux dignitaires. Selon un ancien traité de pharmacopée chinoise, le Shennong Bencao Jing (environ 100 après J.-C.), le cannabis en excès induit la vision des démons… Mais, pris sur une longue période, il permet de communiquer avec les esprits et de rendre le corps léger… L'encyclopédie taoïste Wushang Biyao (environ 570 après J.-C.) mentionne l'utilisation du chanvre dans les encensoirs et selon le sinologue et historien Joseph Needham, les anciens taoïstes expérimentaient systématiquement des fumées hallucinogènes.

Dans le Japon shintoïste, les tiges de cannabis étaient utilisées pour fabriquer le gohei, un bâton que l'on agitait au-dessus des malades pour en extirper les démons. Cette pratique perdure encore aujourd'hui dans les temples, pour purifier un lieu ou un objet.

Autre culture, autre coutume… En 445 avant J.-C., l'historien et géographe grec Hérodote se fait l'écho d'un rite pratiqué par les Scythes, peuplade d'Asie centrale : « Une fois les cérémonies funéraires achevées, ils construisent des tentes sur trois poteaux, recouvertes de tapis de laine. Un puits est placé au centre de la tente, rempli de pierres chauffées au rouge. Alors les Scythes se faufilent dans la tente et jettent des graines de cannabis sur les pierres brûlantes. Une vapeur s'exhale, que respirent les Scythes en poussant des cris de joie », écrit-il dans les Histoires, son unique ouvrage.

En Inde et au Népal, le statut sacré du cannabis est mentionné dès la rédaction de l'Atharvaveda, poème composé d'incantations, de chants, de charmes magiques et de prières, rédigé entre 2000 et 1400 avant J.-C. La plante est associée à la divinité hindoue Shiva et déposée en offrande dans les temples qui lui sont dédiés. On retrouve des miniatures du XVIIIe siècle où Shiva prépare du bangh, une boisson à base de lait, de miel, d'épices infusées avec des feuilles de cannabis. Sacré et légèrement enivrant, le bangh est aujourd'hui encore utilisé de façon rituelle par les Sâdhus indiens, ascètes errants d'Inde et du Népal.

Le chanvre entre au musée

Ouvert en 1985 à Amsterdam, le Hash Marihuana & Hemp Museum dispose d'une collection de plus de 9 000 objets témoignant des multiples usages du chanvre à travers le temps. Un département est spécifiquement consacré aux usages rituels et spirituels de la plante. Le musée continue de se développer et d'enrichir sa collection. Il vient d'ouvrir un deuxième site à Barcelone. Pour en savoir plus : Hashmuseum.com

Shiva préparant le « bhang », boisson à base de cannabis

Approfondir l'état de méditation

Selon l'ethnologue Marie Singeot, qui a longtemps partagé leur vie quotidienne, le cannabis sous forme de bangh ou de charas (résine fumée) les aide à supporter les rigueurs de leur ascèse et à approfondir leur état de méditation. Il est également consommé lors du festival indien de Holi (fête des couleurs célébrée à l'équinoxe du printemps), y compris par les laïcs, pour favoriser « l'union avec la divinité ». En revanche, recourir au bangh en dehors de rituels religieux est considéré comme un péché et proscrit par la loi indienne.

Capable de générer la joie, de communiquer avec l'au-delà, de faciliter l'ascèse et la méditation, le cannabis est une véritable plante spirituelle multi-usage.

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