Plantes et Santé Le magazine de la santé par les plantes

La renommée de l'angélique de Niort

La renommée de l'angélique de Niort

Au cœur du marais poitevin, l'angélique officinale a eu son heure de gloire au Moyen-Âge comme plante médicinale révélée par l'archange Raphaël. Malgré son action thérapeutique, c'est sa transformation en friandise qui va assurer sa pérennité dans la région de Niort.

On dit qu'elle est arrivée en Poitou de façon un peu mystérieuse, au XIIe siècle, à une époque où de nombreuses abbayes s'installaient dans la région. Elle y a probablement été rapportée par des moines venus de Suède, fraîchement christianisée. L'angélique y est alors cultivée à grande échelle, on la consomme comme un légume et elle entre dans la composition de nombreux remèdes. En France, ses propriétés médicinales auraient été révélées par l'archange Raphaël à un moine endormi. Ce qui explique son nom : angélique archangélique (Angelica Archangelica) ou simplement « archangélique ».

Dans tous les jardins de curé

C'est une plante « merveilleuse », utile contre la rage, toutes sortes de venins, les fièvres, le scorbut et la peste… « Cordiale, stomacale, céphalique, apéritive, sudorifique, vulnéraire », énumère Nicolas Lémery, dans son Traité des drogues simples (1698). La plante est également réputée dotée de pouvoirs magiques. Ses feuilles sont de puissants talismans contre les sorts et enchantements, tout comme ses tiges fleuries que l'on dépose sur le parvis des églises. On l'appelle aussi « herbe des anges » ou encore « racine du Saint-Esprit ». Elle est plantée dans tous les jardins de curé. Face aux épidémies de peste qui traversent l'Europe, la racine d'angélique est un remède de choix qu'il suffit de mâcher pour se prémunir de la maladie, « et à ce que cela soit agréablement, on la confit avec sucre, au sec, corrigeant par ce moyen la sauvagerie de son goût », détaille Olivier de Serres dans un ouvrage, Théâtre d'agriculture et mesnage des champs, paru en 1600. L'angélique entre aussi dans la composition de nombreux « élixirs de longue vie » concoctés dans les monastères : Bénédictine, Chartreuse, Dubonnet ou encore eau de mélisse des Carmes… On lui attribue des propriétés médicinales plus fantaisistes, qui plaisent doublement aux religieux : l'angélique rendrait en effet heureux et chaste. Les apothicaires l'utilisent dans de nombreux remèdes, de la célèbre thériaque au baume du commandeur, en...

passant par le vinaigre des quatre voleurs ou l'eau d'arquebusade.

Sauvés de la peste !

En 1602, à Niort, un premier cas de peste diagnostiqué dans une auberge fait craindre une épidémie dévastatrice. On est alors en pleine période de foire, un événement qui attire chaque année des milliers de visiteurs. Les Niortais auraient échappé à la contagion, car ils ont coutume de mâchouiller des racines d'angélique et de mettre des colliers de graines de la plante autour du cou des enfants. Mais les archives de la municipalité livrent une autre version : les autorités avaient simplement décidé… de faire disparaître les pestiférés en les faisant mener en dehors de la ville, afin de ne pas causer de panique. L'épidémie, comme partout, décima les deux tiers de la population niortaise.

Dans le marais poitevin, tête au soleil et pieds dans l'eau, l'angélique se plaît bien. Les sœurs du couvent de la Visitation Sainte-Marie auraient eu, au début du XVIIIe siècle, l'idée d'en confire également les tiges. Rapidement, ces tiges d'angélique confites sortent du couvent, elles sont produites et vendues en ville, dans les boutiques des confiseurs. Et l'angélique de Niort devient très vite une spécialité renommée dans toute l'Europe. Elle s'exporte jusqu'aux États-Unis. On en produit alors une dizaine de tonnes par an. En 1787, l'abbé Tessier écrit que, dès la fin du XVIe siècle, on en trouve dans tous les jardins de Niort, ainsi que dans les fossés du château fortifié qui « ont d'ailleurs, à juste titre, la réputation de produire la plus belle et la meilleure, recevant les égouts d'une partie de la ville et ceux de quelques écuries. » La plante a besoin de peu d'espace et produit les grosses tiges qui intéressent les confiseries. Mais la récolte de ses racines, de ses feuilles ou de ses graines, parties les plus dotées de propriétés médicinales, plus délicates et plus coûteuses en main-d'œuvre, tombe dans le même temps en désuétude…

La sculpture de blocs d'angélique, l'autre spécialité niortaise

Sous l'Empire, la « crise du sucre de canne » liée au blocus anglais en réduira cependant drastiquement la production, faute de débouchés. Quand celle-ci reprendra, grâce au sucre de betterave nouvellement développé, une autre spécialité niortaise voit le jour : la sculpture sur blocs d'angélique confite, obtenus par ­moulage, d'animaux ou de fleurs emblématiques du Marais poitevin. La pratique permet d'exploiter également les petites tiges qui n'intéressaient pas jusqu'alors la confiserie. C'est désormais une « plante industrielle » de la région de Niort et toutes les fermes en cultivent. Elle orne les galettes charentaises et les galettes des Rois de petits cubes verts. Durant la Seconde Guerre mondiale, d'autres restrictions sur le sucre entraîneront l'abandon de sa culture.

Dans les années 1980, un agriculteur niortais passionné, Pierre Thonnard, la relance. Ses établissements produisent à nouveau tiges confites, confitures, liqueurs… D'autres l'ont suivi. Depuis vingt ans, réunis en une association de promotion de l'angélique, avec le soutien des collectivités territoriales, du Parc naturel régional du Marais poitevin et du Cregene (Conservatoire des ressources génétiques), ils œuvrent pour que la culture de l'angélique essaime à nouveau dans toutes les fermes de la région. 

Attention, toxique !

L'Angélique, comme nombre d'autres ombellifères, a la particularité d'être photosensibilisante. Aussi les ouvriers qui la récoltent dans les champs doivent s'entourer de nombreuses précautions pour ne pas entrer en contact avec la plante. À l'inverse, les mendiants de la cour des miracles n'hésitaient pas à se fouetter les bras et les jambes avec ses tiges fraîchement coupées, provoquant ainsi scrofules, pustules et autres ulcères afin de susciter la pitié des passants.

Cet article est reservé aux abonnés.
Pour lire les 78% restants de cet article,
En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
Vous appréciez nos articles, allez plus loin en vous abonnant au magazine en cliquant ici
Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter Plantes & Santé
Recevez chaque semaine nos conseils de bien-être par les plantes, astuces et recettes à faire vous même pour retrouver Equilibre et Santé
Votre inscription a bien été prise en compte 
Politique de confidentialité