Jardins du Coq : Les rêveries d'un promeneur
© Virginie Quéant
Entre Charente et Périgord, les Jardins du Coq retracent la vie de leur créateur, Gerald Chambord. Une balade champêtre et romantique où les espaces thématiques consacrés à telle ou telle figure de son histoire familiale, laissent progressivement la place à la nature en liberté, pour mieux l'exalter.
Dans le petit village de Montignac-le-Coq, en Charente, les reliefs, l’architecture et la végétation sont quasiment identiques à ceux de la Dordogne. Le territoire ne bénéficie cependant pas de l’attractivité touristique de sa célèbre voisine (située à 2 kilomètres à peine à l’est). Pour les amateurs de jardins, c’est presque une terra incognita. Certains, pourtant, méritent vraiment le détour. C’est le cas des Jardins du Coq. Gerald Chambord, leur propriétaire et créateur, plutôt que d’installer sur ces deux hectares de terrain un écrin botanique rempli de collections parfois sans âme, a choisi de le concevoir comme un récit. Il a en effet voulu raconter sa vie (oh, pas complètement, notre jardinier conserve une part de mystère…) en rendant hommage aux personnes, vivantes ou disparues, qui lui sont chères au travers des différents jardins.
La féminité à l’honneur
Les femmes y sont véritablement à l’honneur. On apprend ainsi que Gerald Chambord a eu la chance d’avoir non pas deux mais trois grands-mères ! Pour honorer la mémoire de sa grand-mère maternelle, il a créé le jardin d’Alméa, tout simple mais planté d’un olivier centenaire. Près de là, celui d’Olivia, du nom de sa grand-mère paternelle, « celle qui incarnait les racines familiales », accueille une collection de roses anglaises. Et puis, il y a « l’autre » grand-mère. Celle qui s’occupait de lui enfant, et lui a donné le goût des fleurs et de la nature. Un espace lui est évidemment dédié, la chambre de Marie Jeanne avec son vieux lit bleu, des plantes aux couleurs pastel et la proximité du champ de lavande, « pour la couleur de ses yeux. » Gerald y rend également hommage à sa mère, qui continue aujourd’hui encore de lui prodiguer des conseils de plantation et d’aménagement. « J’ai créé pour elle un espace, “L’envolée Lili”, où j’ai suspendu des clés en référence à son étourderie chronique », s’amuse-t-il. Impossible enfin de ne pas évoquer la Dame blanche, grande structure métallique figurant une femme en robe à crinoline et semblant se protéger, à l’aide d’une ombrelle, de la « pluie » du feuillage des saules pleureurs. Elle donne son nom au jardin de la Dame blanche. Devant, des plantes à dominante blanche ponctuent un espace orné de sculptures et entouré de roses. Les autres jardins à thème, les plus proches de la maison, racontent tour à tour des rencontres, histoires d’amitié ou d’amour subtilement évoquées. Ainsi que des lieux. L’Asie, avec son petit pont rouge et un énigmatique Bouddha méditant à l’ombre d’un cerisier du Japon ; l’Afrique et son arbre à palabres ; les tropiques dans le Jardin bleu, où des plantes surgissent des théières et d’autres objets du quotidien détournés !
Le ricin (Ricinus communis)
Comment ne pas s’extasier devant ses magnifiques feuilles mariant nuances de pourpre, de rouge et de vert et ses fruits, sortes de petites capsules hérissées roses ou écarlate ! Mais attention, la beauté du ricin peut être fatale ! Ses fruits renferment la ricine, un poison 6 000 fois plus puissant que le cyanure. En revanche, une pression à froid permet d’en extraire une huile (parfois appelée huile de castor) cosmétique pour les cheveux, les ongles ou la peau, à l’action analgésique et antispasmodique reconnue.
Ensauvagement progressif
À mesure que l’on s’éloigne de la demeure, l’ambiance change. Les jardins à thème, très réfléchis mais composés « au feeling », laissent place à un espace plus naturel. On y trouve les rangs de lavande qui ont longtemps laissé croire que les Jardins du Coq étaient une enclave provençale entre Charente et Périgord ! Plus étonnant, le jardin Solar, sorte de petit Stonehenge qui évoque un événement étonnant, la chute d’une météorite dans un village voisin, l’année même de la naissance de Gerald Chambord. Partout, c’est surtout un havre de biodiversité, à laquelle la tonte différenciée fournit le gîte et le couvert.
Tonte différenciée
Dans un petit jardin, la tonte différenciée consiste en 2 ou 3 m2 laissés à la végétation spontanée, près d’une bordure ou au pied des arbustes. Sur une grande surface, cette pratique permet de ménager des cheminements et de marquer les différents espaces. Sur les zones non tondues, une grande diversité de plantes va s’installer, abritant de nombreux auxiliaires du jardinier. Un verger pourra n’être fauché qu’une ou deux fois l’an. D’autres espaces (bordures de haies, fond du jardin) pourront être laissés en totale liberté, avec une fauche tous les deux ou trois ans seulement.
Les visiteurs peuvent y apprécier les discussions sans fin d’une petite faune qui se trouve ici chez elle. Et s’ils suivent du regard la perspective offerte par la rivière sèche – aménagement décoratif imitant un cours d’eau naturel – bordée de poissons métalliques, ils seront attirés par l’étang et le bois, qui marquent le passage d’un jardin naturel à la nature elle-même. Après avoir traversé une zone où les arbres se font de plus en plus nombreux, on se retrouve en effet devant l’entrée du bois de la Paloma. À l’intérieur, Gerald Chambord fait revivre les légendes qui ont bercé son enfance. Il y a recréé un pays imaginaire, Green’Grand, royaume du Dragon boudeur. On s’y annonce en faisant résonner des gongs (des couvercles de marmites !) pour prévenir les esprits des lieux.
Comme un symbole, le voyage dans le jardin s’achève là où la vie du maître des lieux a commencé.
Infos pratiques
Adresse Les Jardins du Coq, Labreuille, 16390 Montignac- le-Coq. Tél. : 05 45 78 58 17. Lesjardinsducoq.com Mail : lesjardinsducoq@orange.fr
Horaires Ouvert d’avril à octobre sans réservation, fermé le lundi. Avril-mai : 14 h-18 h ; juin-juillet-août : 10 h-12 h et 14 h-18 h ; septembre-octobre : 14 h-18 h.
Tarif Plein 7 e, 10-17 ans 5 e, – de 10 ans gratuit.
Comment y aller ?
- En train : depuis Paris Austerlitz jusqu’à Angoulême. Prendre le bus 14 à l’hôtel de ville jusqu’à Montmoreau, puis un taxi jusqu’à Montignac-le-Coq.
- En voiture : depuis Paris, prendre l’A10 jusqu’à la sortie 30 Poitiers sud. Puis la N10, jusqu’à la sortie 62 Périgueux-Soyaux-Angoulême sud, puis la D674 et la D19 jusqu’à Montignac-le-Coq.
Où dormir ?
Les Cabanes du Maine Lafont, 16190 Juignac, 119 e la nuit en cabane pour 2 personnes. Également chambre d’hôtes : 70 e la nuit pour 2 personnes. Cabanes-mainelafont.com