Plantes et Santé Le magazine de la santé par les plantes

France Criou « L'hortithérapie aide à récupérer, en particulier à l'hôpital »

France Criou
France Criou

Après vingt-cinq ans d'exercice de la médecine générale dans les Alpes-Maritimes, France Criou aide désormais les malades en concevant des jardins à l'hôpital. Et parce qu'elle s'est intéressée aux nombreuses études scientifiques menées sur l'hortithérapie, elle est convaincue de ses bienfaits pour la santé et propose de conseiller les particuliers.

Plantes & Santé Qu’est-ce qui distingue les jardins thérapeutiques des autres jardins ?

France Criou Les jardins thérapeutiques sont, par définition, des jardins conçus dans un but médical pour un public particulièrement vulnérable. La concertation avec les équipes soignantes est fondamentale et la conception prend en compte les résultats des recherches menées sur le sujet. La biodiversité est un critère important : c’est quand la vie rencontre la vie qu’on obtient des effets positifs sur les émotions. Une simple pelouse mal entretenue accueillant quelques arbres maladifs ne peut être bénéfique à des personnes qui ont des troubles majeurs en psychiatrie. Au pire, ils peuvent même renvoyer une impression de tristesse et d’abandon. Par ailleurs, il faudra éviter l’emploi de tondeuses ou de souffleurs, le bruit étant déjà un important facteur de stress à l’hôpital. En revanche, le fait de voir des jardiniers s’occuper de manière attentive et soignée du jardin est important pour les personnes hospitalisées. Il y a à la fois un effet de distraction, ce qui est évidemment « bon pour le moral », mais aussi une impression de confiance qui s’installe à propos du fait de « prendre soin de l’autre ». En outre, il faut prévoir une zone où pourront être réalisés des ateliers d’hortithérapie, un jardin partagé par exemple. Il reste donc essentiel de travailler en concertation avec les équipes soignantes puisque ce sont elles qui poseront les indications et proposeront ces thérapies. Cela dit, n’importe quel jardin naturel et vivant peut avoir des vertus thérapeutiques à condition qu’il soit sécurisé et parfaitement adapté aux personnes malades.

P & S Quels effets sur la santé observe-t-on avec l’hortithérapie et comment expliquez-vous qu’elle permette de soigner des malades ?

F. C. De nombreuses recherches ont été menées sur l’hortithérapie et les jardins thérapeutiques : à ce jour, il a été démontré qu’ils procurent une diminution du niveau de stress, des émotions positives, une récupération des capacités d’attention et de concentration, une stimulation de la cognition et une rééducation de la psychomotricité. De plus, ils stimulent l’imagination et la créativité, ils renforcent l’estime de soi et la sociabilité et ils contribuent à équilibrer l’être dans ses rapports fondamentaux au monde. L’hortithérapie active des processus ancrés dans nos gènes : les humains ayant vécu en contact direct avec la nature pendant des milliers d’années, ont besoin d’elle pour que leur organisme fonctionne de manière optimale. Cela signifie que si l’on est stressé ou fatigué, on régule mieux ses émotions et on restaure mieux ses capacités cognitives après avoir pris une dose de nature. Prendre le temps de regarder un arbre par la fenêtre, arroser une plante verte… Ces simples gestes nous aident à récupérer et à réagir de manière plus adaptée aux stimuli de notre environnement et dans nos relations avec les autres.

P & S Quel a été votre déclic en tant que médecin généraliste pour devenir paysagiste, puis consultante en conception de jardins thérapeutiques ?

F. C. J’ai toujours été attirée par la nature et les jardins, et pendant mes études de médecine à ­Grenoble, j’ai découvert la botanique et les ­bienfaits de la marche en montagne sur le ­ressourcement. Arrivée à un stade où je ne me retrouvais plus dans la pratique de la médecine générale, je suis revenue à ce que j’avais toujours eu au fond de moi, et au moment où je cédais enfin mon cabinet, en juin 2010, pour commencer ma formation de paysagiste, je recevais un e-mail m’invitant à un symposium sur l’hortithérapie. J’ai alors découvert qu’il existait un domaine alliant mes deux compétences, et j’ai considéré que finalement je pouvais continuer à prendre soin des personnes en me lançant dans la création de jardins thérapeutiques. En 2013, je concevais un premier jardin au CHU de Nice au sein du service de psychiatrie pour les adultes.

P & S Malgré les preuves scientifiques, l’hortithérapie est encore peu développée en France contrairement à d’autres pays (États-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne) où il existe même des formations professionnelles reconnues. ­Comment expliquez-vous la timidité du corps médical ­français ?

F. C. En 2010, lorsque j’ai découvert ­l’hortithérapie, j’ai rencontré beaucoup de personnes passionnées, mais pas forcément spécialisées. Connaissant le milieu médical français, je savais qu’il faudrait apporter des fondements scientifiques pour convaincre. Et des preuves des effets sur la santé, pas seulement sur le bien-être ! Or, des études ­internationales existaient, et il y en a eu de ­nouvelles depuis. On sait aujourd’hui que ­l’hortithérapie a un réel intérêt dans la prise en charge des personnes souffrant de maladies psychiques. C’est une thérapie complémentaire qui permet aussi de prévenir les pathologies cardio-vasculaires, l’obésité, les migraines, la fatigue chronique… Les programmes d’hortithérapie sont particulièrement utiles aux personnes qui traversent des périodes de vie difficiles ou qui sont confrontées à des problèmes de santé comme un handicap ou une maladie chronique.

P & S La crise de Covid-19 entraîne plus de stress pour le personnel hospitalier. Les jardins thérapeutiques leur seraient-ils aussi profitables ?

F. C. Très récemment, un des chercheurs les plus réputés dans le domaine de l’hortithérapie, Roger Ulrich, s’est intéressé au personnel hospitalier et plus particulièrement au burn out des infirmières en soins intensifs. Il a comparé l’impact d’une pause dans un jardin versus une pause dans une salle de repos, les deux ayant été conçus spécifiquement pour le ressourcement du personnel soignant. Vous l’aurez deviné : Roger Ulrich montre dans son étude que la pause au jardin permet de mieux récupérer. À l’hôpital où le stress est permanent, la ­possibilité de se ressourcer dans un jardin conçu de façon à être thérapeutique, va bénéficier aux malades, mais aussi aux soignants ainsi qu’à la famille, les « aidants » ayant aussi besoin de récupérer.

P & S Dans votre activité de consultante, vous proposez de conseiller les particuliers. Pourquoi ?

F. C. Si on a la chance d’avoir un jardin, on peut l’optimiser pour qu’il soit le plus favorable possible à sa santé. Aux États-Unis d’ailleurs, il existe un programme destiné aux personnes sous chimio­thérapie et qui consiste à les encourager à aménager et à fréquenter leur propre jardin dans un but ­thérapeutique. Et je pose aussi la question : la première personne qui doit prendre en charge notre santé, n’est-ce pas nous-mêmes ? Un jardin représente un merveilleux outil de santé et il se trouve à portée de main.

Parcours

1986 Installation comme médecin de famille à Vence.

2010-2013 Formation certifiante de paysagiste.

2010 Découverte des jardins thérapeutiques lors du deuxième symposium « Jardins & santé », à Paris.

2013 Création du jardin de l’Armillaire au CHU de Nice, psychiatrie de l’adulte.

2014 Diplôme universitaire de phénoménologie psychiatrique.

2015 Conception du jardin des Mélisses au CHU de Saint-Étienne.

2016 Début d’un partenariat avec le CFPPA de Carpentras pour une formation sur les jardins thérapeutiques.

2019 Conférence au symposium du CHU de Saint‑Étienne, « Des jardins pour prendre soin ».

2019-2022 Consultante pour l’aménagement des espaces verts au CHU de Saint-Étienne.

Un jardin de santé chez soi

France Criou met aussi son expérience au service des jardins de particulier. Voici ses conseils.

  1. Invitez dans votre jardin une diversité de plantes et de matériaux naturels.
  2. Choisissez les plantes en cherchant à stimuler les cinq sens : la vue, l’odorat, le toucher, l’ouïe et le goût.
  3. Renoncez aux pesticides, mais aussi aux traitements toxiques pour la nature, même s’ils sont bio comme la bouillie bordelaise.
  4. Créez des endroits intimes pour favoriser le repos et la convivialité. Pensez à une zone pour cultiver la biophilie, l’art d’observer, de sentir chaque instant les phénomènes naturels.5
  5. Prévoyez des espaces bien adaptés pour cultiver avec confort des plantes potagères ou ornementales.
  6. Veillez à ce que la vue du jardin, depuis l’intérieur de la maison, soit harmonieuse et réconfortante.
En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
Vous appréciez nos articles, allez plus loin en vous abonnant au magazine en cliquant ici
Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter Plantes & Santé
Recevez chaque semaine nos conseils de bien-être par les plantes, astuces et recettes à faire vous même pour retrouver Equilibre et Santé
Votre inscription a bien été prise en compte 
Politique de confidentialité