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Éric Sérée : « Il est très difficile de faire admettre l'intérêt des molécules naturelles »

Phytothérapie
Phytothérapie

Ces derniers mois, les pays du monde entier ont dépensé des milliards pour financer des vaccins contre le Covid‑19. En parallèle, de nombreux chercheurs et spécialistes de la prévention au naturel informaient sur des molécules accessibles à tous. Cependant, ces solutions préventives peinent à s'imposer. Le chercheur à l'Inserm, Éric Sérée, nous livre son analyse.

Plantes & Santé : En tant que chercheur spécialiste en molécules naturelles, que retirez-vous de cette crise du Covid‑19 ? On dépense beaucoup pour les vaccins, pourquoi si peu en prévention et en méthodes naturelles ?

Éric Sérée : Eric SéréeNous sommes dans une logique ­économique très importante avec un lobbying omniprésent et ce jusque dans les salles de notre Parlement européen. Il est donc très difficile de faire admettre l'intérêt des molécules naturelles en prévention du Covid‑19. Je crois que tout cela est lié à la formation de base des médecins, enseignants et chercheurs. Depuis l'après-guerre, les molécules de synthèse chimiques sont devenues les nouvelles technologies et on a dénigré et délaissé tout ce qui était ancien. Cet état d'esprit a été cultivé durant des décennies. Là-dessus des fortunes se sont faites. Or qui dit fortune dit pouvoir et influence et tout cela a formé le cadre dans lequel nous évoluons encore aujourd'hui. Concernant le Covid‑19, je regrette effectivement qu'on ne puisse pas développer la prévention grâce aux molécules naturelles, car elles sont là. Elles existent, mais le chimique reste encore dominant et nous avons du mal à équilibrer les deux. 

P & S : Pourquoi la médecine naturelle semble-t‑elle avoir tant de mal à faire sa place ?

E. S. : Effectivement, j'ai constaté ce problème en tant que chercheur, notamment quand je ­travaillais sur le cancer. Imposer l'intérêt d'une molécule ­naturelle dans un laboratoire de recherches est compliqué, notamment parce que les enseignements scientifiques sont très orientés sur les molécules de ­synthèse et totalement carencés concernant le naturel. On en arrive par exemple à oublier que la pharmacopée elle-même est issue des plantes ! On interdit les enseignements de botanique en faculté de pharmacie, l'herboristerie est mise à mal… Tout est à l'avenant. De même, dans notre société patriarcale et misogyne, les molécules naturelles sont traditionnellement qualifiées comme des remèdes de bonne femme et sont marginalisées. Bref, on considère que le ­synthétique c'est du vrai, c'est du costaud. On s'auto­congratule de cet état ­d'esprit alors que c'est évidemment un cruel manque d'ouverture d'esprit. C'est aussi oublier le principe de base de la médecine : primum non nocere, qui signifie « en premier, ne pas nuire ». Partant de là, il est très difficile d'imposer les molécules naturelles. Mais il y a toutefois un revirement de situation depuis quelques années en parallèle du mouvement écologique et bio. Enfin, il ne faut pas oublier que le vivant n'étant pas brevetable, les molécules naturelles ne le sont pas non plus. L'industrie n'a pas du tout envie de dépenser des centaines de millions de dollars pour découvrir une molécule naturelle et que les autres la copient sans intérêts économiques pour elle. Toutes ces problématiques convergent donc et font qu'on délaisse la molécule naturelle au profit de la synthétique.

P & S : Finalement, peut-on dire que le monde du naturel a en quelque sorte loupé le coche ?

E. S. : La médecine naturelle n'a pas loupé le coche, simplement les éléments extérieurs ne jouent pas en sa faveur. En effet, on nous oblige à travailler dans des structures de recherche ultra-spécialisées où nous passons plus de temps à trouver des financements qu'à chercher réellement. Or on ne peut trouver de l'argent qu'en répondant à des appels d'offres qui sont orientés. Qui plus est, certains charlatans font beaucoup de tort à la médecine naturelle en se prétendant thérapeutes suite à une formation d'un mois ou deux. Les sphères actuelles de pouvoir et d'argent qui ont tout intérêt à faire persister le paradigme actuellement dominant repèrent ces failles et brandissent ces « gourous » pour décrédibiliser l'ensemble de la médecine naturelle. Et des gens comme moi qui font pourtant de la recherche à un niveau international dans des revues à comité de lecture souffrent de cela. Seul un fort mouvement de fond émanant des citoyens pourra faire évoluer les choses et pousser les ­pouvoirs politiques à bouger.

P & S : Hormis une mobilisation citoyenne, ­comment la situation pourrait-elle s'améliorer ?

E. S. : On ne se bat pas avec une fleur au fusil lorsqu'en face ils ont une myriade de tanks et d'obus de mortier. Aujourd'hui l'industrie ­pharmaceutique possède l'équivalent du pouvoir financier d'un État. Je vois difficilement comment lutter à armes égales.
 

Le resvératrol, grand oublié de la lutte anti-Covid

Le resvératrol extrait notamment de la renouée (Polygonum cuspidatum) a été validé comme super antiviral, concernant certains coronavirus antérieurs au Covid-19. Les travaux de recherche, dont ceux menés par Éric Sérée, montrent que le resvératrol agit sur trois des mécanismes inflammatoires principaux en jeu dans l'infection du Covid-19. La formulation d'un resvératrol biodisponible, développée par Éric Sérée (proposée par les laboratoires Yvery), nous donne aujourd'hui la possibilité d'y avoir recours alors que la crise du Covid-19 se poursuit. Malheureusement, comme pour beaucoup de molécules naturelles, les moyens manquent pour engager des études cliniques permettant de faire connaître les potentiels de cette molécule au plus grand nombre.


P & S : Depuis plus de vingt ans, la molécule ­naturelle du resvératrol est au cœur de vos recherches. Pouvez-vous nous dire si votre parcours autour de cette molécule illustre les difficultés plus générales de la médecine naturelle ?

E. S. : J'ai découvert le resvératrol quand je travaillais en cancérologie. Cela fait maintenant deux décennies que je travaille sur cette molécule extraordinaire qu'on connaissait depuis quarante ans comme molécule antioxydante. On a été les premiers à trouver qu'elle tuait certaines bactéries responsables de l'inflammation de la flore intestinale responsable du diabète de type 2. C'était une très belle démonstration scientifique, mais c'est parce que j'ai beaucoup persévéré que nous avons pu imposer nos choix quant à l'orientation des recherches. J'ai reçu la même formation que tous les scientifiques, mais la suite de ma carrière de biologiste moléculaire, portée sur l'infiniment petit, m'a poussé à comprendre qu'on ne savait finalement pas grand-chose. J'ai donc voulu revenir à la physiologie, à une recherche plus appliquée en développant des molécules qui ont un réel impact sur la vie des gens. C'est pour cela que je n'ai aucun problème à aller chercher des financements ­privés. Pour moi, l'essentiel est que mes recherches trouvent une application concrète.

P & S : Finalement, le naturel souffre-t-il aujourd'hui d'une sorte d'opprobre globale de la part des milieux médicaux et scientifiques, et par ­extension du grand public ?

E. S. : Je pense qu'il y a beaucoup de sociologie et d'anthropologie dans cette histoire. La formation de base des médecins me semble être la source principale du problème. Elle met en place un ­référentiel que l'on impose à tous et qui propage l'idée que, plus on travaille sur l'infiniment petit, le moléculaire, plus on va être précis. On voit cette mentalité culminer aujourd'hui avec des spécialités qui se sous-segmentent elles-mêmes en sous-­spécialités. Or un malade du foie ne se résume pas à sa cellule hépatocytaire cancéreuse. Un malade, c'est un organisme entier avec des dialogues, des correspondances. Selon moi, nous faisons fausse route. On ne peut pas soigner correctement les gens avec cette mentalité d'hyperspécialistes.

Parcours

1993 : Doctorat d'université en génétique moléculaire.

2000 : Découverte de l'intérêt du resvératrol en thérapeutique.

2009 : Création de l'Académie internationale de génie génétique UATI-Unesco.

2011 : Découverte de l'activité antibiotique et antidiabétique du resvératrol.

2013 : Élaboration d'une forme biodisponible de resvératrol à usage clinique.

2014 : Création de l'association Nutrition bien‑être santé qui lutte contre la malnutrition dans le monde en sensibilisant et en éduquant les plus démunis à l'importance d'une bonne alimentation.

2019 : Création d'une formule de détoxication aux métaux lourds.

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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