Plantes et Santé Le magazine de la santé par les plantes

Les riches heures de la sucrine du Berry

Semences anciennes
Semences anciennes

Elle se distingue par sa chair fine et délicate, très parfumée et légèrement sucrée. Mais la sucrine du Berry ne se contente pas de jouer les gourmandes, elle incarne aussi le combat de passionnés pour la biodiversité cultivée.

Disons-le tout de go : la sucrine du Berry revient de loin ! Cette courge musquée (Cucurbita moschata) a en effet bien failli disparaître du « paysage légumier français. » Elle doit son salut à une rencontre sur une foire locale à la fin des années 1980. « On ne se sait pas grand-chose sur la sucrine du Berry, reconnaît Agathe Lang, ingénieure agronome au sein de l'Union pour la préservation et la valorisation des ressources génétiques du Centre-Val de Loire (URGC), référente pour la sucrine du Berry. « C'était une variété de jardiniers, dont les semences s'échangeaient entre particuliers. » Il faut dire que le genre Cucurbita est ­complexe. Comme le rappelle Michel Chauvet dans son livre ­Encyclopédie des plantes alimentaires : « Classer les courges est une tâche presque ­impossible ». Curcubita moschata est une espèce originaire d'Amérique depuis le sud du Mexique jusqu'au nord-ouest de l'Amérique du Sud, et ce sont les Espagnols qui l'ont introduite dans les Antilles et en Floride.

La sucrine du Berry est une de ses ­variétés, mais elle n'apparaît pas dans le Catalogue des espèces et variétés de plantes cultivées de ­Vilmorin du début du XXe siècle, qui en ­comprend pourtant un grand nombre, et ses graines ne sont pas commercialisées : la courge s'éteint peu à peu. « C'était une variété locale qui, comme beaucoup d'autres, a souffert de la baisse de la diversité des années 1950, poursuit Agathe Lang. C'est une époque où l'on cherchait avant tout à produire des variétés de courges résistantes et plus faciles à faire pousser en grand nombre. » La destinée de la sucrine du Berry connaît pourtant un tournant décisif (et salvateur) en 1987. C'est en effet la date de la première Foire aux potirons et légumes rares qui se tient à Tranzault, dans l'Indre, organisée à l'initiative de Jacques Aubourg, enseignant et maître de conférences à l'université d'Angers.

Ce passionné des variétés anciennes se consacrera à la création de l'Union pour les ressources génétiques du Berry (URGB) en 2001. En 2013...

, l'assocation élargira son territoire pour devenir l'Union pour les ressources génétiques du Centre-Val de Loire, permettant aux aficionados de découvrir cette courge maintenue en vie grâce à un ou deux jardiniers. « C'est au sein de cette foire que la sucrine a pris de l'importance, note Agathe Lang. Elle en est devenue la vedette, on la dégustait sous toutes ses formes ! »

Sauver les semences anciennes

Sucrine du BerryPendant longtemps, Le catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France n'a accueilli que les variétés hybrides, considérées comme « stables ». Il était donc interdit de commercialiser les semences de variétés anciennes et un maraîcher se mettait en tort s'il les cultivait. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pouvait envoyer des contrôleurs et sévir. Ceux qui enfreignaient la loi pouvaient se retrouver devant les tribunaux comme ce fut le cas de l'association Kokopelli à la fin des années 2000. Pour ces passionnés, préserver ces semences c'est sauvegarder la biodiversité végétale alimentaire. Autre argument : les variétés anciennes détiennent souvent une meilleure valeur nutritive. Toutefois ces dernières années ont vu naître la création d'une catégorie au sein du catalogue officiel dédiée aux semences « sans valeur intrinsèque ». Le terme n'est pas valorisant et la sucrine en fait partie ! Néanmoins, il reste de nombreuses variétés non inscrites qui ne peuvent pour le moment être vendues qu'à des amateurs. Connaissez-vous la tomate bulle, cette petite tomate d'un beau jaune pâle ? À redécouvrir ! 

Le fleuron de la région

C'est aussi grâce aux petits semenciers bio, comme la ferme de Sainte-Marthe (49) ou la Boîte à Graines (85), présents lors de cette foire que la sucrine du Berry renaît de ses cendres. Car pour qu'une variété se développe, il faut que ses graines soient accessibles. « Et il faut que ces graines soient au plus proche des caractères d'origine du légume, tout en assurant un bon taux de germination », précise Arnaud Darsonval, directeur associé de la ferme de Sainte-Marthe. Dix ans plus tard, dans les années 2000, notre courge retrouve une place de choix dans le paysage légumier de la région. La sucrine du Berry est en effet le premier projet de l'association. « On fonctionne avec des coups de cœur, mais sans oublier les contraintes, explique encore Agathe Lang. Or la sucrine du Berry avait un bon potentiel de développement, un pool de graines important et une certaine notoriété. On a pu la promouvoir directement, et aujourd'hui, c'est le fleuron des variétés locales de la région Centre. »

Depuis 2009, la sucrine du Berry est même inscrite à l'Arche du goût Slow Food, un catalogue qui répertorie dans le monde entier des espèces locales de qualité à préserver. Et en 2012, elle entre dans la liste des 110 produits sélectionnés pour figurer à l' Inventaire du patrimoine culinaire de la région Centre.

La main à la pâte : le citrouillat, tourte berrichonne

La sucrine du Berry se prête aussi bien aux plats salés que sucrés, mais elle est aujourd'hui indissociable du citrouillat, une tourte ­berrichonne très ancrée dans la culture culinaire de la région. Et contrairement à ce que son nom pourrait laisser supposer, le citrouillat n'était pas initialement préparé avec de la citrouille… mais bien avec de la sucrine du Berry, la courge qui s'adapte le mieux à la recette.

Pour 4 personnes

Ingrédients 

  • 2 pâtes feuilletées ou sablées
  • 1 courge sucrine du Berry
  • 1 oignon
  • 2 à 3 cuillères de crème fraîche
  • Un gros brin de persil plat (ou congelé)
  • 1 jaune d'œuf
  • Sel
  • Poivre

Préparation 

  1. Éplucher la courge la veille, enlever les pépins et la couper en petits dés. Saler le tout et laisser égoutter la préparation toute la nuit dans le réfrigérateur. Il faut faire pleurer la citrouille !
  2. Le lendemain, préchauffez le four à 210 °C. Étaler l'une des pâtes feuilletées dans le fond de tarte.
  3. Mettre les morceaux de courge crue en laissant une bordure d'un ­centimètre tout autour. Parsemer le tout d'oignon émincé et de persil préalablement haché. Saler et poivrer.
  4. Relevez la bordure de pâte vers ­l'intérieur et la recouvrir avec la ­deuxième pâte. Bien les souder entre elles.
  5. Terminer en faisant une ­cheminée sur le dessus afin que la cuisson soit homogène, grâce à la vapeur. Dorer avec un jaune d'œuf battu et mettre au four entre trente et quarante minutes.
  6. Servir avec la crème fraîche. Cette tourte peut être servie en entrée ou bien en dessert.
Cet article est reservé aux abonnés.
Pour lire les 78% restants de cet article,
En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
Vous appréciez nos articles, allez plus loin en vous abonnant au magazine en cliquant ici
Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter Plantes & Santé
Recevez chaque semaine nos conseils de bien-être par les plantes, astuces et recettes à faire vous même pour retrouver Equilibre et Santé
Votre inscription a bien été prise en compte 
Politique de confidentialité