Biodiversité, j'écris ton nom
Dans le cadre du dernier remaniement ministériel, Hervé Berville, secrétaire d’État à la Mer, devient aussi celui de la biodiversité. Il va devoir piloter la stratégie nationale visant à protéger 30 % du territoire d’ici 2030. Cela implique toutes sortes d’actions de la part des services de l’État, de l’observation pure et dure, des collectes naturalistes ou encore le recours à des technologies modernes comme l’ADN environnemental, qui permet d’identifier les espèces habitant ou passant dans un milieu naturel. Sur notre territoire, l’état de la biodiversité est très bien suivi. De plus, toutes ces datas sont accessibles à tous. Ainsi l’INPN (Inventaire national du patrimoine vivant) documente notamment le type d’écosystème qui prévaut dans certains territoires, la faune et la flore qu’ils abritent, cartes et photos à l’appui.
En consultant par exemple les données naturalistes concernant la montagne de Lure, on comprend pourquoi ce site des Alpes-de-Haute-Provence a été classé réserve de biosphère par l’Unesco. Il offre un « cortège floristique très riche, une hêtraie acidiphile originale très rare dans la région, [et] permet le développement d’une biodiversité notable aussi bien en forêt que sur les écotones et les milieux ouverts associés ». Plus de 5 600 espèces animales et végétales y ont été identifiées.
Et pourtant, c’est là qu’un parc photovoltaïque de 20 000 panneaux a été autorisé par les services de l’État. Cherchez l’erreur ! La société Boralex a en effet obtenu des dérogations à la protection des espèces, malgré l’avis défavorable du Conseil national de la protection de la nature. Que va devenir par exemple Ptychotis saxifraga, plante hôte de l’alexanor, un papillon en danger d’extinction ? Mené par le collectif « Elzéard, Lure en résistance », qui a déposé une plainte pour « dégradation, altération et destruction d’habitat d’espèces protégées », le combat judiciaire est en cours. Mais quel sens politique y a-t-il à documenter des sites naturels en vue d’en protéger la biodiversité, si c’est pour ne pas en tenir compte dès qu’un autre objectif se présente ? À quoi bon autoriser la destruction des environnements protégés contribuant à la réduction des gaz à effet de serre au profit d’installations visant à produire une énergie décarbonée ?
L’État ne se soucie pas de ces incohérences. Il choisit régulièrement de passer en force, reléguant la biodiversité au second plan. Ce faisant, il nourrit une opposition qui prend racine car la protection des biens naturels s’accompagne, il ne faudrait pas qu’il l’oublie, de droits.