Un trésor à protéger
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Dans le récit d’Homère, Nausicaa est aussi belle qu’une déesse parce qu’elle utilise l’huile d’immortelle. À Delphes, le dieu grec Apollon rend ses oracles en arborant une tiare de ses fleurs pour rappeler son immortalité… Aujourd’hui, on l’appelle l’or de Corse… L’immortelle ou hélichryse, c’est une couleur, une odeur d’épice, un symbole du maquis aride et sauvage qui donne une huile essentielle aux propriétés thérapeutiques exceptionnelles. Pourtant quand on achète un flacon, rien ne nous permet de savoir que la plante a été cueillie et distillée sur l’île de Beauté. Mais les producteurs locaux ne l’entendent plus ainsi : ils ont déposé une demande pour que leur huile essentielle d’hélichryse (Helichrysum italicum) rejoigne le cercle restreint des produits bénéficiant d’une indication géographique protégée (IGP). C’est une bonne nouvelle !
Face à la concurrence internationale et à l’uniformisation des huiles essentielles, il est crucial d’afficher ses spécificités. Mais l’objectif ne vise pas seulement à mettre en avant une image de marque pour répondre à des intérêts commerciaux et marketing, bref à mieux se positionner sur un marché convoité. Il s’agit de valoriser les liens étroits avec un terroir unique qui est à l’origine de sa composition spécifique. Avec l’idée de protéger la plante et de « maîtriser la filière de A à Z, de la graine à l’huile ».
Car toutes les huiles essentielles d’Helichrysum italicum ne se valent pas. Les experts en aromathérapie s’entendent pour dire que les conditions géoclimatiques corses offrent un environnement idéal pour le développement de propriétés biochimiques uniques. L’immortelle de Corse possède ainsi une concentration de composés actifs supérieure à celle des autres régions de production : elle est beaucoup plus riche en diones et en acétate de néryle. Selon une étude de France Agrimer, « plus on se dirige vers l’est du pourtour méditerranéen, plus cette concentration en acétate de néryle diminue, moins de la moitié en Italie pour atteindre moins de 10 % dans les Balkans ». Cette singularité, associée à un savoir-faire artisanal local, lui confère donc des propriétés thérapeutiques supérieures, notamment comme antihématome puissant, régénérant cutané, tout en possédant également des vertus anti-inflammatoires, antibactériennes, antispasmodiques.
C’est pourquoi l’IGP (dont l’obtention sera sans doute effective en 2025, le processus reste long) va bien au-delà d’un simple label. En protégeant l’immortelle, il est question d’assurer la pérennité d’un trésor naturel unique… Une démarche à saluer dans un monde où l’authenticité et la qualité sont des valeurs de plus en plus rares.