Des cueilleurs se mobilisent pour sauver l’arnica
L’arnica des montagnes (Arnica montana) est non seulement de plus en plus rare en France, mais elle fait également l’objet de pillages. L’Association française des professionnels de la cueillette (AFC) tire la sonnette d’alarme : les mesures mises en place sont insuffisantes, et la ressource risque de disparaître.
Arnica montana, employée contre les hématomes, est une plante médicinale des plus emblématiques. Et pour cause : « Elle est dans toutes les armoires à pharmacie », souligne le paysan-herboriste Thierry Thévenin. Cependant, trop peu d’utilisateurs de remèdes à l’arnica savent que la plante est en danger : depuis 2018, l’« or jaune des montagnes » ne fleurit presque plus sur les pentes du Markstein, un massif des Vosges qui concentre 90 % de la récolte sauvage française. Rappelons que l’on emploie soit la fleur (le « capitule »), intégrée à des préparations cosmétiques, soit la plante entière (hampe florale, rosette basale, bout de rhizome) pour la confection de teintures mères homéopathiques, soit la partie aérienne fleurie (hampe florale, rosette basale). En réaction, l’Association française des professionnels de la cueillette (AFC) lance un appel : « Les différents acteurs engagés dans la valorisation commerciale de l’arnica doivent prendre conscience de l’urgence des actions à mener pour sa préservation. »
Un plan de protection insuffisant
Dans les années 2000, un plan de gestion de la ressource avait pourtant été mis en place pour protéger l’arnica poussant sur le Markstein. Il regroupait les communes, les exploitants agricoles, les gestionnaires du Parc naturel régional des Ballons des Vosges, les laboratoires et les cueilleurs. Cette initiative pour la préservation d’une plante médicinale sauvage était considérée comme exemplaire. Mais visiblement, il était déjà trop tard : les pratiques agricoles, notamment la fertilisation des sols, avaient déjà modifié trop fortement l’écosystème pour que la plante puisse se régénérer après chaque prélèvement annuel. « Depuis 2018, l’arnica est trop peu présente sur ce territoire pour permettre la tenue de cueillettes commerciales », regrette le cueilleur professionnel Régis Buffière qui se rendait sur ce territoire depuis 1985.
L’une des conséquences de cette pénurie qui se répète maintenant depuis quatre ans dans le Markstein est le pillage d’autres massifs en France. En Aubrac, dans le Cantal, dans le Puy de Dôme ou encore dans les Pyrénées, la plupart des sites ne bénéficient d’aucune surveillance alors qu’ils sont également fragilisés du point de vue de la ressource en arnica. Selon l’AFC, ces pillages sont le fait de cueilleurs indépendants sous-traitants ou de cueilleurs saisonniers employés par des entreprises collectrices peu scrupuleuses. Ils sont envoyés sur des sites qu’ils ne connaissent pas, sans autorisation du propriétaire, et sont là pour « faire du volume ». Contrairement aux membres de l’AFC qui s’informent et surtout appliquent une charte de bonnes pratiques de cueillette, ils ne connaissent ni la biologie de l’arnica ni son environnement. Au non-respect de la ressource s’ajoutent les conditions de travail et de logement de ces cueilleurs, souvent indécentes. « Socialement, leurs conditions sont révoltantes, il y a à la fois une violence environnementale et sociale sur cette cueillette », s’insurge Raphaële Garreta du Conservatoire botanique national des Pyrénées et de Midi-Pyrénées (CBNPMP).
Une demande élevée des laboratoires
« Il faut sensibiliser les industriels, les pouvoirs publics et les consommateurs pendant qu'il est encore temps », avertit Thierry Thévenin. Ce printemps, avant la prochaine saison estivale de l’arnica, l’AFC et le CBNPMP vont réunir les cueilleurs, les entreprises et les techniciens de la conservation et de la gestion des espaces naturels lors d’une journée technique. Différentes actions seront envisagées, à commencer par la sensibilisation des communes et des laboratoires aux bonnes pratiques de cueillette. Une technique de défrichement, l’écobuage, sera discutée pour favoriser le développement de l’arnica sur de nouveaux sites.
Une technique ancestrale
Aussi appelé « débroussaillement par le feu » ou « brûlage pastoral », l’écobuage est une pratique agricole ancestrale qui consiste à brûler des végétaux sur pied afin de maintenir des paysages ouverts. Étonnamment, il joue un rôle dans la protection des forêts contre l’incendie : il limite en effet les zones de départ de feu spontané dans les landes. Selon l’AFC, l’écobuage a déjà montré qu’il permettait de favoriser le développement de l’arnica sur d’anciens sites où la présence de la plante était avérée. Des expérimentations, menées par le Parc naturel régional des Pyrénées catalanes, sont aussi en cours. La pratique de l’écobuage, délicate à mettre en œuvre, est bien sûr très réglementée.
« Les demandes élevées des entreprises utilisatrices sont pour beaucoup dans la pression qui pèse sur la ressource, et ceci doit évoluer », déclarent d’une seule voix les membres de l’AFC qui soulignent le besoin urgent d’une régulation au niveau national. « Il faudrait modifier nos habitudes de consommation et réserver l'arnica aux grosses chutes », considère quant à lui Thierry Thévenin qui cite comme alternative la pâquerette, à préparer sous la forme de macérat huileux. Dans son Manuel de phytothérapie écoresponsable (éditions Terre vivante), la Dr Aline Mercan ajoute : « rappelons que la plupart des hématomes régressent spontanément et que l’application de froid dans les quarante-huit premières heures, une légère compression et une simple surveillance suffisent, ce qui permet de conserver les plantes pour les cas les plus sérieux. »