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Ces fleurs toxiques
qui nous font du bien

Ces fleurs toxiquesqui nous font du bien

Souvent de toute beauté, les plantes toxiques nous entourent sans que nous ayons bien conscience de leur dangerosité. Par toxiques, il faut entendre qu’elles peuvent tuer, mais aussi soigner, voire nous faire voyager. Voici comment l'être humain, en apprenant à les doser, a su tirer parti de trois d'entre elles : la digitale, la datura et l'aconit.

Dans la campagne anglaise du XVIIIe siècle, un obscur rebouteux de la région de Stafford s’était fait la réputation de traiter efficacement les cas d’hydropisie, accumulation de fluides en divers lieux de l’organisme due à une insuffisance cardiaque sévère. Son secret ne tarda pas à être découvert. Notre Esculape rural utilisait les feuilles grisâtres et laineuses d’une plante aux jolies fleurs roses, la digitale pourpre (Digitalis purpurea). De temps à autre, l’un de ses patients passait l’arme à gauche, mais la plupart voyait leur cas s’améliorer remarquablement. En 1775, William Withering, médecin et botaniste – ce qui n’était pas rare à cette époque où les remèdes étaient souvent végétaux –, eut vent de ces guérisons spectaculaires et analysa la plante miraculeuse dont il isola le principe actif qu’il nomma « digitaline ». Cette substance agit sur le muscle cardiaque en renforçant la force de ses contractions tout en ralentissant et régularisant les mouvements du cœur. Son action diurétique contribue également à résorber les œdèmes. Mais il fallut attendre près d’un siècle pour que le pharmacien français Claude-Adolphe Nativelle isole, en 1868, la digitaline sous une forme cristallisée plus facilement dosable qui a, depuis, sauvé la vie de centaines de milliers de personnes.

Entre le poison et le médicament

Dans la plante elle-même, la molécule responsable de l’activité curatrice est présente en quantités extrêmement variables selon la partie, la saison et l’individu. C’est pour cela que le guérisseur de notre histoire, qui utilisait les feuilles et non le principe isolé et dosé, perdait parfois certains de ses clients. Il n’est pas rare que les plantes qui guérissent puissent tuer et, vice-versa, que les toxiques se montrent bénéfiques. Souvenez-vous de l’aphorisme de Paracelse : « Tout est poison, rien n’est sans poison, tout est dans la dose. »

> Dans certains végétaux, quelques grammes suffisent à entraîner la mort, alors que quelques milligrammes guériraient.

Doser à bon escient n’était pas forcément la préoccupation majeure de tous les utilisateurs de plantes. Dans les siècles passés, il n’était pas rare, rapporte-t-on, que les voyageurs qui passaient la nuit dans certaines auberges du bon royaume de France se voient offrir comme boisson, au cours de leur souper, un vin où avaient sournoisement macéré des graines de datura (Datura stramonium). Ils se trouvaient rapidement submergés par un incoercible besoin de dormir et se réveillaient dépouillés de leurs bien – ou bien ne se réveillaient pas du tout, si l’aubergiste, maladroit ou par trop soucieux du résultat, avait eu la main un peu lourde. Toutes les parties de la plante renferment de puissants alcaloïdes tropaniques qui agissent sur le système nerveux central en bloquant un neurotransmetteur, l’acétylcholine.

Parmi les divers effets ressentis suite à la consommation de datura figurent des hallucinations saisissantes. Aussi feuilles, fleurs et/ou graines sont-elles parfois mises à profit à des fins récréatives, mais non sans danger, souvent sous forme de tisanes. Sa cousine, la jusquiame noire (Hyoscyamus niger), riche des mêmes substances actives, servait aux sorcières, racontait-on, pour voler dans les airs et participer à de frénétiques sabbats…

À dose homéopathique

Certaines plantes toxiques le sont tellement qu’elles ne servaient pas vraiment à autre chose qu’à tuer. Il en est ainsi de l’aconit napel (Aconitum napellus). Toutes ses parties renferment un redoutable alcaloïde, l’aconitine, facilement absorbable par les muqueuses et le tissu cutané, au point que certains randonneurs souhaitant faire des bouquets de ces jolies fleurs bleues se sont trouvés mal après coup. On imagine l’effet que pouvait avoir son usage, traditionnel chez les peuples des montagnes, comme poison de flèches de guerre – mais non pour chasser, car le gibier deviendrait alors empoisonné. Malgré cette toxicité, la plante a aujourd’hui trouvé un emploi thérapeutique grâce à l’homéopathie. Diluée selon la méthode hahnemannienne, elle est prescrite pour soigner les états fébriles, les palpitations, les manifestations d’angoisse. Les plantes ont donc bien des vertus ou peuvent présenter de graves dangers, selon la façon dont on les utilise. La première des précautions consiste en tout cas à bien les connaître.

Des fleurs pour séduire

  • Capables de nous envoyer de vie à trépas, ces végétaux hors du commun savent aussi, dans bien des cas, réjouir nos yeux. Pour la beauté de leurs fleurs ou la grâce de leur feuillage, il est fréquent de les voir dans nos jardins ou dans nos parcs.
  • La digitale se distingue par ses grandes fleurs d’un rose vif, en forme caractéristique de doigt de gant (on la nomme foxglove, gant de renard, en anglais) que portent de longues hampes fièrement ­dressées. La plante ne pousse que sur terrain siliceux. Il existe deux autres espèces toxiques, la digitale laineuse (Digitalis lanata) aux fleurs blanc grisâtre et la digitale jaune (Digitalis lutea) aux fleurs jaune pâle.
  • Les daturas ne manquent pas de charme non plus, avec leurs larges feuilles à dents aiguës et leurs grandes fleurs blanches en trompette. De ce fait, il n’est pas rare de les voir décorer les ronds-points – alors qu’on les arrache impitoyablement lorsqu’elles jouent aux « mauvaises herbes » dans les jardins.
  • L’aconit napel est une grande plante des montagnes aux jolies fleurs bleues qui affectent la forme très particulière d’un casque antique. On l’appelle d’ailleurs aussi casque de Vénus, casque de Jupiter ou ­capuchon de moine ! Leurs hautes tiges dressées se couvrent vers la base de grandes feuilles très découpées qui diminuent de taille en montant, puis cèdent la place aux fleurs dans une grappe élancée très décorative.

Ne pas confondre !

Il n’est pas rare que les plantes les plus toxiques soient les sosies plus ou moins proches d’excellentes comestibles.

  • La digitale, dans sa jeunesse, ressemble à s’y méprendre à la consoude. Sachez faire la différence : les feuilles de la première sont couvertes de poils laineux et douces au toucher, celles de la seconde, de poils piquants, dits « hispides ».
  • Les jeunes feuilles de datura ressemblent étrangement à celles du chénopode hybride, un légume sauvage. Cette fâcheuse source de confusion a conduit à l’hospitalisation de plusieurs personnes dans un état grave. Pour bien faire la différence, fiez-vous aux fleurs : le ­chénopode les a petites et vertes, la datura, grandes et blanches.
  • La confusion reste fréquente entre les pousses de l’aconit napel et celles de la couscouille, une ombellifère répandue dans les Pyrénées-Orientales. Un randonneur de 78 ans est mort en juin dernier après en avoir cueilli et ingéré.
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