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Phare de Pontusval, prendre goût aux algues colorées de l'estran

Phare de Pontusval, prendre goût aux algues colorées de l'estran

A la pointe du Finistère, entre dunes et rochers monumentaux, la Côte des légendes continue d'affirmer son caractère sauvage. Une bonne façon d'amadouer ces paysages est de profiter des grandes marées pour partir à la cueillette des algues à Plounéour. Le monde de ces végétaux sans racines ni feuilles ou fleurs se dévoile pour le plaisir des yeux, mais aussi des papilles.

« Ici, c'est la nori, l'algue rendue célèbre par la cuisine japonaise (on la retrouve notamment dans les sushis, ndlr). Elle ne paye pas de mine ! Comme elle est composée d'une seule couche de cellules, elle est extrêmement fine. Fraîche, son goût n'a rien de remarquable, mais une fois séchée, c'est tout à fait différent. » Nous sommes en compagnie de Bernard Jaffres de l'association Brigoudou, qui organise régulièrement des sorties à la découverte des algues de l'estran. À Plounéour-Brignogan-Plages, sur la côte nord du Finistère, quand la marée est de bonne amplitude (coefficient 90-100), elle découvre de vastes espaces, jusqu'à 3 kilomètres de la côte, l'une des plus riches en algues.

Au pied du phare de Pontusval, la cueillette donne l'occasion de s'immerger dans un paysage fantasmagorique. Les chaos rocheux de la Côte des légendes prennent ici la forme d'un requin, là celle d'une tortue. On progresse au milieu de ce bestiaire, un seau à la main. Selon la profondeur de notre avancée sur l'estran, on rencontre différentes sortes d'algues. Une règle simple à retenir quand il s'agit de les ramasser : il faut les récolter vivantes, c'est-à-dire bien accrochées aux roches grâce à leurs crampons, et non quand elles sont échouées sur le sable après avoir été malmenées par la houle et les tempêtes. « Ce goémon d'épave est impropre à la consommation, rappelle Bernard Jaffres, mais il fournit un bon amendement pour les champs comme engrais. Il repousse aussi les insectes et les maladies. »

Certaines algues deviennent bleues

Sur l'estran, on recense pas moins de 700 espèces d'algues, dont 50 à 70 sont vraiment connues. « Ces algues ont besoin de soleil, d'un renouvellement important de l'eau, et de roches », explique Pauline Abernot, de l'écomusée des goémoniers. On a l'habitude de les classer en fonction de leurs pigments, et l'on parle ainsi d'algues vertes, brunes ou rouges, même si la réalité est un peu moins simple. « Il leur arrive de changer de couleur, certaines deviennent parfois même bleues », précise Pauline Abernot.

Rien de tel que de les découvrir in situ pour apprendre à les reconnaître. Et à les goûter, car la plupart sont délicieuses crues, et aucune n'est toxique. Ainsi, les petites talles bien découpées et charnues du poivre de mer (Osmundea pinnatifida) ont un goût bien relevé étonnant. On l'apprécie d'autant plus qu'il est introuvable dans le commerce puisqu'il ne fait pas partie des vingt algues autorisées pour l'alimentation. Les haricots de mer (Himanthalia elongata) « poussent » en groupe, formant de longues lanières fines comme des spaghettis, et ils peuvent atteindre 2 mètres de long. « Pour les consommer, on les choisira plus courts », commente Bernard. Quoi qu'il en soit, le panier est vite rempli. Ils se conservent très bien au congélateur, et sont très agréables avec des pâtes, pour accompagner un plat de saumon à l'échalote. Ne les confondons pas avec les cornichons de mer (Bifurcaria bifurcata), qui se préparent au vinaigre. Tandis que la laitue de mer (Ulva lactuca) est délicieuse finement hachée.

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Peau de crocodile

Quand on rencontre le kombu royal (Saccharina saccharina), on a l'impression de tomber sur une peau de crocodile. On peut en prélever de petits morceaux pour des courts-bouillons ou une cuisson en papillote. Plus on s'enfonce au fond de l'estran, plus on entre dans le domaine des laminaires. Pour une consommation à la maison, elles sont séchées puis coupées en petits morceaux : elles améliorent la digestibilité d'un plat de légumineuses. Au large, elles forment de véritables champs où elles sont récoltées mécaniquement par bateau et ramenées à Lanildut, premier port goémonier d'Europe. Ensuite, on en obtient des alginates, dont les propriétés servent pour des produits alimentaires, cosmétiques, peintures, ou certains médicaments

Récolte ou culture ?

Actuellement 35 goémoniers bretons récoltent la Laminaria digitata et, depuis peu, la Laminaria hyperborea. Ce ramassage est limité à deux jours par semaine et à 30 tonnes par jour. Mais l'algoculture se développe également. C'est le pari de la société Haliotis pour élever des ormeaux se nourrissant d'algues. Une laitue de mer, très riche en protéines (Ulva australis), est cultivée en bassins pour les bébés mollusques. Puis, ceux-ci sont transférés en mer dans des casiers où ils sont nourris de laitue, de dulse, de kombu royal, une laminaire, qui provient désormais en partie de culture marine.

Dans la région, le ramassage des algues a toujours été orienté vers des usages bien spécifiques. Mais l'utilisation en cuisine de cette richesse du littoral n'est pas du tout dans les habitudes régionales. Ainsi, la dulse se dit en breton bezhin saout, que l'on peut traduire par « goémon à vaches » ! Pas très valorisant… Mais peu à peu, les choses changent, comme en témoigne David Royer, le chef de l'hôtel Castel Ac'h, à Plouguerneau, dont la cuisine valorise cette ressource. « Aujourd'hui encore, ce n'est pas si facile de proposer des algues pour un dîner entre amis. Mais de nombreuses initiatives vont dans le sens de cette découverte, avec des goûts vraiment étonnants. » Une sortie sur l'estran constitue une bonne mise en bouche. Au-delà de leur intérêt gustatif, la diversité des algues, leur esthétique, leur texture nous transportent dans un univers à part, très stimulant.

 

1. Le pioka (Chondrus crispus)

Cette petite algue rouge est reconnaissable à son thalle frisé. La population locale s'en servait pour ses propriétés gélifiantes. Elle était utilisée après avoir séché 8 à 15 jours au soleil, et entrait dans la recette d'un flan traditionnel. Aujourd'hui, on en extrait des carraghénanes, un additif (E 407) utilisé par l'industrie alimentaire comme épaississant, gélifiant et stabilisant. Certaines études soulignent le lien possible entre l'excès de cet additif et les maladies inflammatoires de l'intestin.

2. La dulse (Palmaria palmata)

Son thalle plat va du rouge sombre au rose ou violacé. Elle se fixe au rocher avec un petit crampon arrondi et ne possède pas de stipe (sorte de tige des algues). Avec son goût de noisette, elle est aujourd'hui recherchée pour l'alimentation. De plus, elle est riche en vitamine C. Mais son développement peut être ralenti, par exemple par un printemps chaud. Aussi, sa récolte est désormais réglementée.

En revenant vers la plage, prenez le temps de poser votre regard sur les dunes herbeuses. Voilà les oyats, à la fois fragiles et résistants, qui captent le sable à la belle saison afin de maintenir les dunes en hiver. Le sable se recouvre aussi par endroits de pourpier de mer (Honckenya peploides) et d'autres habitantes parfaitement adaptées à ce milieu, comme l'œillet des dunes (Dianthus gallicus) ou le saule des dunes (Salix repens). Et chemin faisant, vous arriverez jusqu'au hameau de Meneham. Ce site restauré évoque le quotidien de ceux qui étaient au siècle dernier à la fois paysans, pêcheurs et goémoniers. Ils ramassaient alors les algues à la faucille, puis les faisaient sécher et brûler sur les dunes.

En pratique

Découverte des algues

  • L'association Brigoudou organise régulièrement des sorties sur l'estran. Prochaines sorties : les 12 et 13 septembre. Brigoudou.fr
  • L'association Pagan Glaz propose la découverte des algues marines et de la cuisine sauvage. Tél. : 06 07 50 32 36.
  • L'Écomusée des goémoniers et de l'algue, à Plouguerneau, propose des animations et des sorties. Prochaine date : le 10 septembre. Ecomusee-plouguerneau.fr

Se loger : Hôtel de la Mer à Plounéour-Brignogan-Plages, à 5 minutes à pied du phare de Pontusval, à partir de 90 e la chambre avec vue sur la mer. hoteldelamer.bzh

Comment y aller : En TGV, 3 h 30 au départ de Paris jusqu'à Brest. Puis 45 minutes en voiture, direction Lesneven (D788) puis Plounéour- Brignogan-Plages (D770).

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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