Dossier
Santé mentale : le naturel, ça marche ! (2/5)
Dépression, désordres alimentaires, hyperactivité… Ébranlées par les crises, nos sociétés connaissent une hausse des troubles de santé mentale. Face à ce défi, les plantes se montrent à la hauteur. De plus en plus d'études le prouvent, et les thérapeutes recourent de plus en plus à leurs pouvoirs dans leur pratique clinique. Ils nous confient leurs solutions pour prendre en charge ces maladies.
Dépression, il n'y a pas que le millepertuis
Sentiment de tristesse constante accompagné d'une dévalorisation de soi, d'une perte de plaisir, d'une dégradation du sommeil, voire d'idées suicidaires… La dépression est une maladie psychiatrique fréquente qu'un Français sur cinq vivra au cours de sa vie (soit 2,5 millions de Français chaque année). Différente du « coup de blues » ou de ce que l'on appelle couramment une « déprime » – qui sont temporaires –, la dépression se caractérise par des symptômes qui perdurent plus de 15 jours (et plus de deux ans pour la dépression chronique). Cette maladie mentale reste très taboue car elle est souvent associée à une faiblesse de caractère. Pourtant, comme le rappelle la psychologue et phytothérapeute Annabelle Pongratz Muller-Vitu, sortir d'un état dépressif n'est pas une affaire de volonté : « Cette maladie est complexe et peut découler d'un désordre chimique au niveau des neurotransmetteurs. Ainsi, dire à une personne dépressive qu'il suffit qu'elle “se bouge pour s'en sortir” n'aura pour effet que d'accentuer sa culpabilité ».
S'il est normal de ressentir de la tristesse suite à des événements difficiles ou traumatisants, « c'est lorsque cet épisode dépressif ne cesse pas qu'il faut intervenir », alerte la psychologue. Prendre rendez-vous avec un psychiatre et/ou un psychologue permet alors de qualifier l'épisode dépressif (qui peut être saisonnier, lié à un deuil, chronique, etc.), d'évaluer son intensité (légère, modérée ou sévère) et de faire l'objet d'une thérapie, d'une complémentation en phytothérapie, voire d'un traitement médicamenteux.
Lumière sur la dépression saisonnière
La psychologue Annabelle Pongratz Muller-Vitu constate que de nombreux patients tombent en dépression entre novembre et mars, lorsque la luminosité baisse. Elle conseille alors des séances de luminothérapie qui consistent à s'exposer à une lampe spéciale diffusant une lumière de forte intensité à 10 000 lux (pour comparaison, la lumière à la plage est de 100 000 lux, celle d'une pièce intérieure est d'environ 250 lux). Pendant deux semaines, le patient s'expose chaque jour, avant 17 heures, durant 30 minutes. En complément, la prise de 5HTP issu du Griffonia simplicifolia permet de réguler le sommeil, l'humeur et l'appétit.
Rhodiole et safran aux effets entidépresseurs et anxiolytiques
Dans le cas d'une dépression chronique ou sévère, le risque de suicide est tel qu'il est nécessaire de prescrire des antidépresseurs, affirme de façon catégorique le psychiatre Patrick Lemoine. Néanmoins, poursuit-il, pour des dépressions légères à modérées, « les antidépresseurs ne donnent pas de résultat. On ne sait pas bien l'expliquer, mais ils favorisent même le risque de suicide chez les moins de 18 ans durant les trois premières semaines de traitement ». En pareil cas, le psychiatre recommande des compléments alimentaires à base d'extraits de rhodiole (Rhodiola rosea L., environ 300 mg) et de safran (Crocus sativus L., 30 mg). Utilisées en synergie, ces plantes ont démontré leur...
action antidépressive et anxiolytique lors d'essais cliniques. Par rapport aux antidépresseurs, qui mettent près de trois semaines à agir et génèrent des effets secondaires, la phytothérapie a l'avantage de montrer rapidement des effets sur l'humeur, en l'espace de quatre à cinq jours seulement.
D'autres plantes s'avèrent également intéressantes. En cas de dépression légère à modérée, le millepertuis (Hypericum perforatum L.) a démontré scientifiquement des vertus. Annabelle Pongratz Muller-Vitu le recommande, sous supervision médicale, à des doses allant de 600 mg à 1,2 g par jour durant deux mois. Attention, précise-t-elle toutefois, cette plante a de nombreuses contre-indications – par exemple, si vous vous exposez au soleil, prenez la pilule ou des anticoagulants.
Fleurs de Bach : 5 élixirs floraux bons pour le moral
En cas de dépression, les élixirs floraux peuvent accompagner une reconstruction progressive de soi. Ambre Kalène, naturopathe et auteure de Dépression, comment en sortir naturellement (éd. AK), conseille les fleurs de Bach suivantes :
- Colour Orchid - En début de dépression, aide à atténuer les idées sombres.
- Aubépine - Particulièrement indiquée pour accompagner une tristesse suite à un deuil.
- Mustard - En cas de dépression légère à modérée, favorise une normalisation positive de l'humeur.
- Wild Rose - Redynamise et aide à retrouver goût à la vie en cas de dépression sévère, lorsqu'on se laisse aller à l'ennui et à la monotonie.
Posologie : 4 gouttes, 6 fois par jour.
Griffonia et omega-3 contre la dépression
Pour des patients sujets à une forte anxiété, notamment suite à l'annonce du diagnostic de dépression, elle recommande plutôt du Griffonia simplicifolia à raison de 300 mg matin, midi et soir. Cet adaptogène contient du 5HTP, une substance qui se transforme ensuite en sérotonine et produit un effet relaxant physique assez immédiat. Enfin, pour les dépressifs sévères qui ne répondent à aucun antidépresseur, Patrick Lemoine recommande de la L-tyrosine pour « nourrir les neurones dopaminergiques » et « redonner de l'énergie ».
Bien sûr, pour que l'amélioration de l'état dépressif soit optimale, les psychothérapeutes recommandent le suivi d'une thérapie cognitive et comportementale (TCC) qui comprend des techniques (jeux de rôles, méditation, etc.) aux effets reconnus et qui « aident les patients à modifier leur comportement dans la durée, ce qui éloigne les risques de récidive de la dépression », ajoute Annabelle Pongratz Muller-Vitu.
Par ailleurs, l'hygiène de vie, et plus particulièrement le respect du rythme biologique (lire l'encadré ci-dessous), joue un rôle prépondérant pour maintenir un équilibre émotionnel. Les carences en nutriments tels que les protéines, les vitamines B et D, le magnésium, le zinc, le sélénium ont, par exemple, un impact significatif sur le fonctionnement du système nerveux.
L'hygiène du rythme de vie
Selon Patrick Lemoine, auteur de Docteur, j'ai mal à mon sommeil (Odile Jacob), la plupart des dépressifs vivent en décalage avec leur rythme biologique naturel. Il recommande alors d'avancer son heure de lever d'une heure trente à deux heures chaque matin, week-ends compris, et d'opter pour un petit déjeuner à l'anglaise, riche en protéines, qui fournit l'énergie pour se motiver à démarrer sa journée. « Je leur dis qu'ils vont me haïr les trois prochaines semaines, puis me bénir les trois suivantes, car les effets positifs sur l'humeur sont considérables », témoigne le spécialiste.
Pour restaurer le sommeil, pensez également aux tisanes sédatives (comme celle de lotier corniculé, 2 à 3 tasses en journée), aux compléments à base de mélatonine (dosée à 1,9 mg) ou à l'huile essentielle de camomille noble (3 gouttes sur le plexus ou sur un poignet au coucher).
Dans son ouvrage Bien manger pour ne plus déprimer (éd. Odile Jacob), le psychiatre et chercheur Guillaume Fond révèle que les sujets dépressifs et bipolaires présentent généralement plus de carences en oméga-3 que la population générale. Or certains d'entre eux, comme les EPA et la DHA, ont prouvé leur efficacité dans l'amélioration de la dépression à des doses allant de 1 à 2 g par jour. On retrouve ces acides gras dans les poissons comme le saumon, le thon, le maquereau ou la sardine. C'est cet ensemble de pratiques qui, lorsque le malade trouve la force de les réaliser, mène vers le chemin de la guérison. A. P.
Conseil de pro
"En dépression sévère traitée par antidépresseurs depuis plusieurs années, je me sens mieux et souhaite me tourner vers une médication plus naturelle."
Si vous n'avez jamais fait de rechute, le psychiatre Patrick Lemoine explique que la règle est de commencer à stopper le traitement antidépresseur six mois après l'arrêt des symptômes dépressifs. L'idéal est ensuite de prendre le relais avec des plantes comme le safran et la rhodiole, au fur à mesure que l'on diminue la dose d'antidépresseur.
La mise en place d'une hygiène du rythme de vie incluant la continuation d'une thérapie comportementale et cognitive sera cruciale, précise-t-il. Ainsi que la pratique d'une activité sportive pour stimuler la sécrétion d'endorphines, qui diminuent le stress et l'anxiété.
"A preliminary assessment of a combination of rhodiola and saffron in the management of mild-moderate depression", Neuropsychiatr Dis Treat., juillet 2018.
"Association Between Physical Activity and Risk of Depression A Systematic Review and Meta-analysis", JAMA Psychiatry, 2022.
"Nutrition and depression: implications for improving mental health among childbearing-aged women", Biol Psychiatry., novembre 2005.
"Adjunctive nutraceuticals for depression : A systematic review and meta‐analyses", Am. J. Psychiatry, 2016.
« A meta‐analysis of randomized controlled trials and prospective cohort studies of eicosapentaenoic and docosahexaenoic long‐chain omega‐3 fatty acids and coronary heart disease risk", Mayo Clin. Proc., 2017.