Alexandra Attalauziti « Le projet visant à encadrer la naturopathie avance bien ! »
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Vivement critiquée, la naturopathie est dans la tourmente. Selon Alexandra Attalauziti, présidente du Syndicat des professionnels de la naturopathie (SPN), cette crise démontre la nécessité de réglementer enfin cette pratique. Elle mène des discussions en ce sens avec les différents ministères concernés, avec l’espoir d’avancées prochaines.
Plantes & Santé : Le SPN a tenu son cinquième congrès en Avignon, en présence de 600 praticiens et professionnels de médecine intégrative. Comment vont les naturopathes dans cette période où leur activité n’a pas bonne presse ?
Alexandra Attalauziti C’est un contexte morose, mais les professionnels tiennent bon et restent motivés. Évidemment, nous constatons une baisse d’activité et une situation financière compliquée. Certains adhérents n’ont plus que trois clients par semaine, au lieu de quinze auparavant. Avec cette exposition médiatique négative, les gens ont pris peur. Nous en sommes un peu responsables car nous n’avons pas pris assez de temps en amont pour expliquer ce qu’étaient les bonnes pratiques en naturopathie et nous avons laissé certaines personnes plus visibles dire des choses qui ne sont pas du tout conformes à nos protocoles.
Nous devons vraiment faire un travail de pédagogie auprès des médecins et des usagers pour qu’ils comprennent la pertinence de cette prise en charge non médicamenteuse. Ces derniers mois, nous avons reçu beaucoup de mails de personnes demandant si telle ou telle pratique était normale. C’est rassurant de voir qu’elles n’hésitent pas à nous contacter et à nous relayer des dérives. Et notre syndicat signale ces dérives auprès de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), au Conseil national de l’Ordre des médecins ou à la répression des fraudes.
P&S : Ça ne doit pas être évident de maintenir l’activité alors que les naturopathes ont été exclus voici sept mois de la plateforme de rendez-vous en ligne Doctolib…
A. A. Oui, notre éviction de Doctolib a été un moment difficile. Mais avec le recul, ça s’est avéré positif, car dans la foulée, d’autres annuaires professionnels se sont montrés beaucoup plus vigilants. Ils contrôlent davantage les fiches des praticiens pour vérifier leurs formations et leurs certificats. Certaines plateformes indiquent même lorsque les naturopathes sont autodidactes.
Qu’est-ce qu’un naturopathe autodidacte ?
Vous avez sans doute vu sur certains sites la mention de naturopathe « autodidacte ». En effet, seuls les praticiens formés par une école, ayant effectué la démarche d’avoir un numéro de déclaration d’activité, peuvent se déclarer naturopathes. Quand ce n’est pas le cas, ils doivent faire valider leurs acquis dans un des centres agréés par les Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets). En outre, ils devront payer entre 2 000 et 2 500 € pour cette validation. Sans celle-ci, le praticien peut quand même exercer, mais il doit préciser explicitement la mention « autodidacte », faute de quoi il s’expose sinon à une amende pour publicité mensongère et concurrence déloyale de la part des services de répression des fraudes.
P&S : Concernant la formation en naturopathie justement, quelles avancées attendez-vous encore ?
A. A. Nous déplorons que les nouvelles réglementations sur la formation édictées en 2017 ne soient pas imposées à tout le monde. Certaines écoles continuent à former en naturopathie sans avoir fait les démarches pour obtenir leur numéro obligatoire de déclaration d’activité. Or leurs praticiens ne pourront pas ensuite exercer facilement sans ce numéro sur leur certificat. Par ailleurs, aucune école de naturopathie n’est encore inscrite au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), un titre qui atteste d’un niveau de qualification officiel. Pourtant, une vingtaine d’écoles tentent de décrocher ce sésame depuis dix ans. Avec le syndicat, on cherche à comprendre pourquoi cette démarche bloque avec France Compétences.
P&S : Depuis plusieurs années, votre syndicat réclame une réglementation de la profession de naturopathe. Quelles sont vos propositions ?
A. A. Il est indispensable de réglementer la profession pour protéger les usagers, leur indiquer les bonnes pratiques et clarifier les différents métiers du secteur. Par exemple, un « naturopathe » doit pratiquer en séance des techniques manuelles comme la réflexologie, le massage, la respiration, ce qui le différencie du « conseiller en naturopathie », qui n’utilise pas de techniques manuelles. Le « conseiller en vente de produits naturels », lui, ne prodigue aucun conseil naturopathique. Le syndicat a fait enregistrer officiellement ces fiches métiers, mais nous avons besoin maintenant de véritables normes pour les reconnaître.
C’est complexe, car nous devons négocier à la fois avec le ministère de la Santé, celui du Travail, les conseillers à la formation professionnelle et répondre aux cahiers des charges spécifiques de chacun. Il faut bouger toutes les pièces du puzzle en même temps. Mais nous sommes optimistes, le projet visant à mieux encadrer la naturopathie avance bien ! Un collectif de nos organisations professionnelles travaille activement sur une norme métier avec l’Afnor.
P&S : Jusqu’où faut-il aller selon vous pour clarifier les objectifs de la naturopathie ?
A. A. Pour rassurer le public et tout le milieu médical, nous devons expliquer clairement ce qui relève ou non de la naturopathie. Par exemple, le fait de demander à son client d’arrêter un traitement médical ou de reporter une séance de chimiothérapie est contraire à notre déontologie. Sur un autre plan, certaines techniques comme l’iridologie ne font pas l’objet de preuves scientifiques, donc même si certains de nos adhérents la pratiquent, nous ne la mettons pas dans nos référentiels métiers. Pour apprécier l’état de santé général d’une personne et ses carences, on préfère conseiller un bilan sanguin prescrit par le médecin.
Autre exemple, les naturopathes ne peuvent plus faire de réflexologie endonasale depuis l’an dernier, car une jurisprudence a conclu qu’introduire un stylet dans le nez sans avoir un diplôme universitaire de stérilisation était de l’exercice illégal de la médecine. Bien que cette technique ait des propriétés reconnues, nous ne pouvons plus l’utiliser. La profession doit appliquer ces changements de règles.
P&S : Vous défendez une approche moderne et scientifique de la naturopathie, qu’entendez-vous par là ?
A. A. Certes, la naturopathie repose sur des fondements anciens auxquels se sont ajoutés des éléments issus de courants comme la médecine énergétique chinoise ou l’ayurvéda par exemple. Pour autant, notre syndicat souhaite se baser sur des techniques de naturopathie à l’efficacité prouvée scientifiquement. Nous sommes d’ailleurs partenaires de Kalya, un assistant d’aide à la veille scientifique qui résume pour nous les études internationales publiées sur les interventions non médicamenteuses.
En s’appuyant sur ces études, on peut expliquer comment la gestion du stress et des émotions améliore la qualité de vie ou comment le rééquilibrage alimentaire permet de conserver une bonne vitalité. Les bénéfices de la phytothérapie et de l’aromathérapie ont également été démontrés. Tous ces outils, nous les utilisons en naturopathie, mais nous n’avons pas encore d’études prouvant l’efficacité d’ensemble de celle-ci sur la santé. C’est pourquoi le syndicat est en train d’initier et de financer une étude avec un enseignant-chercheur portant sur l’efficacité de l’accompagnement naturopathique de certains troubles. Ce protocole se déroulera sur plusieurs séances afin d’évaluer les effets de la synergie de nos différentes techniques. C’est intéressant de voir que l’Australie, le Canada, les États-Unis ou le Portugal mènent en ce moment le même genre d’étude.
Alexandra Attalauziti, son parcours en cinq dates
- 1999 Diplôme d’assistante en stomatologie
- 2000-2004 Formation en naturopathie et installation en cabinet libéral à Paris et dans le Gard
- 2011 Création du centre ADNR (formations en naturopathie et métiers du bien-être )
- Depuis 2016 Fondation du Syndicat des professionnels de la naturopathie (SPN) dont elle assure la présidence. Il représente 2 300 professionnels installés et 1 000 apprenants.
- Depuis juin 2022 Responsable de la branche des métiers du bien-être à la Chambre nationale des professions libérales (CNPL)