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Docteur Jean-Louis Vidalo « Les microalgues agissent au plus profond de nos cellules »

Docteur Jean-Louis Vidalo
Docteur Jean-Louis Vidalo

Le monde des microalgues ne se limite pas à la spiruline, la Chlorella et la Klamath. Ces dernières années, la science s'intéresse à de nouvelles espèces aux applications surprenantes. Elles seraient même l'or vert de demain, notamment en matière de santé. Expert en microalgues et auteur du livre Les secrets des microalgues aux éditions du Dauphin, le docteur Jean‑Louis Vidalo nous fait découvrir leur potentiel.

Plantes &  Santé Depuis plus de 20 ans, vous vous passionnez pour les microalgues. Comment en êtes-vous devenu un ardent défenseur ?

Docteur Jean-Louis Vidalo C’est, en République centrafricaine, lors d’une mission au début des années 2000 où j’étais chargé par le président de la République de l’époque, Ange-Félix Patasse, de superviser les programmes liés à l’agriculture et à la pisciculture que j’ai eu l’occasion d’étudier plusieurs souches de spiruline et de process d’algoculture innovants. Il faut dire que ces organismes unicellulaires aquatiques, qui ont une étonnante analogie avec nos cellules, peuvent nous fournir de nombreux nutriments. De plus, on les trouve partout : dans les espaces humides de la planète, mais elles ont aussi colonisé les rochers, les arbres, les milieux glacés et les sources chaudes ou les eaux acides bouillonnantes des volcans.

P &  S Dans ces milieux divers, à quoi servent les microalgues ?

Dr  J.-L. V. L’une de leur fonction principale est de produire de l’oxygène. Selon les sources scientifiques, les microalgues seraient à l’origine de 50 à 90 % de l’oxygène présent dans notre atmosphère. Elles en génèrent donc bien plus que les forêts primitives qui n’en dégagent que 10 % à 20 %. C’est pourquoi il faut porter une attention particulière à la pollution des océans. Notamment le plastique qui se retrouve sous la forme de nanoparticules dans les micro-organismes (phytoplancton et zooplancton) à l’origine de la chaîne alimentaire.

P &  S Y a-t-il différentes espèces de microalgues ?

Dr  J.-L. V. Probablement des centaines de ­milliers d’espèces, voire plus. Nous n’en sommes qu’au début de nos découvertes ; aujourd’hui, une dizaine d’espèces seulement est exploitée. Et quatre microalgues sont autorisées à la consommation alimentaire humaine en France : la spiruline, la Chlorella, l’Odontella et la Tetraselmis chuii, aussi appelée « épice de mer ».

P &  S Commençons par notre alimentation. Qu’est-ce que les microalgues peuvent nous apporter de si spécifique ?

Dr  J.-L. V. Parmi les micro­algues destinées à l’alimentation humaine, la spiruline et la Chlorella possèdent une forte teneur en protéines. Comme la viande, 65 % de leur matière sèche contiennent tous les acides aminés. De plus, ces protéines ont une excellente biodisponibilité. Contrairement à une idée fausse, nous n’avons pas besoin d’en manger beaucoup. Les protéines de 15 g de spiruline de bonne qualité sont aussi actives pour notre organisme que celles d’un steak de viande de 200 g. Sans compter le fait que la spiruline apporte aussi de la vitamine B12. En effet, 3 g de spiruline de qualité par jour fournissent 80 % des apports conseillés en vitamine B12 pour notre organisme.

P &  S Quelles sont les autres vitamines intéressantes qu’apportent les microalgues ?

Dr  J.-L. V. On y trouve beaucoup de vitamines A, B1, B6, B9, D, E et K2. À ce sujet, il faut réhabiliter la spiruline qui a la fausse réputation d’interagir avec les anticoagulants. Or, c’est la vitamine K1 qui agit sur les facteurs de coagulation. Et la spiruline renferme de la K2 qui n’a absolument pas cette activité. On peut donc consommer de la spiruline sans crainte quand on prend des anticoagulants.

P &  S Vous dites que les microalgues renferment des lipides. Quels types d’acides gras peut-on y trouver ?

Dr  J.-L. V. De nombreuses microalgues sont riches en lipides qui peuvent même représenter les 3/4 de leur poids. La spiruline est particulièrement riche en acides gras dits polyinsaturés dont les ­oméga-3, recherchés pour leurs effets bénéfiques contre les affections cardiovasculaires et neurodégénératives. Mais d’autres comme la Shyzochytrium permettent d’équilibrer la balance Oméga-3/Oméga-6.

P &  S Les microalgues disposent-elles de pigments qui auraient un pouvoir nutritionnel bénéfique à notre santé ?

Dr  J.-L. V. Les microalgues renferment une multitude de pigments que l’on peut extraire pour fabriquer des compléments alimentaires naturels. À titre d’exemple, la Scenedesmus almeriensis est une championne en lutéine, l’Haematococcus pluvialis en astaxanthine, et la Dunaliella salina comme la Tetraselmis chuii en bêta-carotène. Dans la Phaeodactylum tricornutum, on trouve de la fucoxanthine en abondance. Anti-inflammatoire reconnu, ce pigment agit notamment sur l’insuline et, par extension, sur l’obésité. D’autres pigments sont présents : chlorophylle verte, phycoérythrine rouge et phycocyanine bleue. Très présente dans plusieurs souches de spiruline, cette dernière exerce une activité réparatrice exceptionnelle autant que protectrice au niveau de nos mitochondries, c’est-à-dire au plus profond de nos cellules. On notera aussi que cette molécule induit une augmentation des lymphocytes T et des natural killers, les cellules luttant contre le cancer. On a aussi constaté des propriétés anti-inflammatoires pour d’autres nutriments : les bêta-glucanes, ces polysaccharides qui renforcent l’immunité et disposent d’un rôle ­cardiovasculaire préventif. Enfin, le silicium organique est utile contre l’arthrose. Tous ces bio-actifs sont étudiés et devraient trouver des débouchés divers et variés.

P &  S Quels sont les domaines qui vous semblent les plus prometteurs ?

Dr  J.-L. V. Si on se réfère à la littérature scientifique, toutes les microalgues stimulent le système immunitaire. La Chorella, la spiruline, l’Haematococcus pluvialis et l’Odontella aurita préviennent les troubles cardiovasculaires ; la spiruline et l’Haematococcus pluvialis, les troubles neurodégénératifs (Alzheimer, Parkinson, entre autres). La spiruline agit aussi sur la prise de muscles, l’endurance et la récupération chez le sportif. La spiruline, la Chlorella et la Dunaliella salina relancent l’activité de certains organes comme le foie, les reins ou la glande thyroïde quand il reste du tissu. Bref, si on ajoute des activités antivirales, antibiotiques et antitumorales, leurs applications sont énormes.

P &  S Pourraient-elles devenir des médicaments ?

Dr  J.-L. V. Des recherches sont en cours sur les propriétés des pigments issus de la Porphyridium purpureum en cancérologie. Il faut dire que les microalgues préviennent autant qu’elles réparent, notamment les dommages cutanés ou hépatiques. Nous savons déjà que l’Halorhodopsine, un pigment issu d’une microalgue collectée dans les lacs hypersalés d’Égypte, a participé à la reconstruction de la fonction visuelle chez certains malvoyants. Nous sommes par ailleurs en train de monter une étude clinique pour valider l’activité de la phycocyanine, un pigment bleu issu de la spiruline, non seulement dans la prévention du Covid, mais aussi en tant que traitement curatif des formes graves de cette maladie.

P & S Au-delà de leurs intérêts multiples, il faut de l’eau pour produire les microalgues. Est-ce vraiment une culture écologique ?

Dr  J.-L. V. Oui, et pour deux raisons. D’abord parce qu’on utilise quatre fois moins d’eau pour produire des microalgues que pour le soja et cinq fois moins que pour le riz. Au niveau alimentaire, leur rendement est vingt fois supérieur à celui du soja, soixante fois à celui du blé et trois cents fois à celui des protéines de bœuf. Deuxièmement parce que certaines microalgues qui ne sont pas destinées à notre consommation, comme la Nannochloropsis, peuvent se développer dans des eaux usées, ou saumâtres, impropres à l’agriculture. Enfin, les micro­algues ne posent pas de problème de compétition entre la culture alimentaire et énergétique comme c’est le cas avec le colza.

Parcours

1977 Doctorat en médecine, de la faculté de médecine de Paris Lariboisière-Saint-Louis

1998 Création de l’Institut Hippocampe à Genève sur les effets du vieillissement.

Depuis 1999 Participe à des études sur les microalgues

Depuis 1977 Suivi d’athlètes de haut niveau

Depuis 1977 Missions humanitaires en Afrique Noire

En 2008 Expert près de l’ONU/Insam pour le programme mondial de lutte contre la malnutrition infantile par l’algoculture de spiruline

2010 -2013 Brevet de stimulation de la spiruline

2014 - 2018 Cofondateur du laboratoire Spirulux

2018 Création avec le Pr Radhouane Kamoune de l’Institut de recherche sur les microalgues (Arima) à Heidelberg (Allemagne)

2021 Réédition du livre Les secrets des microalgues, éditions du Dauphin.

Bien choisir la spiruline

Pour le moment, on trouve de la spiruline de plus ou moins bonne qualité ! Même dans les magasins bio, on vend malheureusement des spirulines venues de Chine ou d’Inde qui ont subi des traitements agressifs pour sécher. Ce qui les vide de leurs micronutriments les plus précieux. Certes leur coût est généralement nettement moins élevé que celui des spirulines françaises produites par 150 petits producteurs qui se sont regroupés en Fédération. De façon générale, préférez les paillettes aux poudres. Cela signe un séchage à basse température.

* Les protéines de 15 g de spiruline sont aussi actives que celles d’un steak

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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