Plantes et Santé Le magazine de la santé par les plantes

Vincent Pluquet « Faute de volonté politique, le plastique végétal reste marginal »

Plastiques végétaux : pourquoi encore si peu ?
Plastiques végétaux : pourquoi encore si peu ?

À la tête d'une petite entreprise des Hautes-Pyrénées qui fabrique du plastique végétal à base de maïs, de blé ou de tournesol, Vincent Pluquet est un pionnier dans ce secteur depuis deux décennies. Il nous entretient des enjeux liés à ce nouveau matériau qui, malgré ses avantages écologiques, peine à se développer.

Plantes & Santé : Il y a plus de vingt ans, vous avez créé Vegeplast, l'une des premières sociétés françaises dédiées à la fabrication de plastique végétal. L'idée était de valoriser les ressources agricoles locales, le maïs notamment. Mais comment un végétal peut-il être transformé en plastique ?

Vincent Pluquet : C'est un peu comme faire un gâteau. Pour obtenir une pâte, vous mélangez de la farine avec de l'eau, puis la pâte devient élastique. Au niveau industriel, nous mélangeons de l'amidon (équivalent de la farine) avec un plastifiant (l'eau en est un), puis de grandes machines malaxent et homogénéisent cette pâte. Nous y ajoutons plus ou moins de fibres pour ajuster la rigidité et solidifions le tout comme matière première sous forme de billes qui sont ensuite transformées via moulage par injection. Cela sert ensuite à produire des barquettes pour emballer les plats cuisinés, des couverts lavables, mais aussi en agriculture avec des agrafes à vigne à usage unique ou des clips pour tenir les pieds de tomates. Notre produit phare est la capsule biocompatible Nespresso qui permet de remplacer les capsules aluminium dont le recyclage est énergivore, en ressources fossiles notamment.

Vincent Pluquet, fondateur de Vegeplast

P & S Quels végétaux utilisez-vous ?

V. P. :Du maïs, du blé, des fibres végétales type chanvre ou bois et des oléo-protéagineux type tournesol. Au début, nous utilisions la plante entière du maïs pour produire des pièces simples en plastique rigide comme des tees de golf ou des os à ronger pour chien. Aujourd'hui, nous prélevons et mélangeons la juste dose d'amidon, de protéines et de lipides présents dans le maïs pour fabriquer des pièces plus fines ou résistantes à l'eau et y ajoutons des biopolymères qui permettent certaines textures.

P & S En France, que représentent les plastiques végétaux par rapport à ceux qui sont issus de la pétrochimie ?

V. P. : Nous sommes une goutte d'eau dans l'océan. Actuellement dans le monde, les plastiques d'origine végétale représentent moins de 0,75 % de la production mondiale de plastique. Il y a beaucoup de lobbying et les lois ne nous aident pas toujours. Tout est axé autour du recyclage, mais je pense que l'on va vite s'apercevoir que les objectifs sont difficiles à atteindre et qu'il faut miser également sur les actes en amont. Cela fait vingt ans que je travaille dans ce secteur et je trouve dommage de voir que nous sommes loin d'être au niveau de certains, comme la Californie. Il faut vraiment une volonté politique, et nous y viendrons forcément quand nous ne pourrons plus puiser de pétrole.

P & S Ces plastiques végétaux ont-ils vraiment un bilan carbone plus avantageux ? Certains estiment qu'ils ont un meilleur bilan que les plastiques issus de la pétrochimie, uniquement s'ils sont fabriqués à partir de déchets agricoles et non de cultures.

V. P. : En effet, l'idéal serait de pouvoir récupérer les déchets agricoles. Malheureusement, ceux-ci ne permettent pas de produire un produit homogène commercialisable à un niveau industriel. Nos clients ont besoin de pièces qui présentent toutes les mêmes propriétés et la même solidité. Or, si la matière de base n'est pas homogène, c'est compliqué. Et difficilement acceptable, notamment en termes de sécurité. Nous faisons donc pousser des végétaux dédiés à notre production plastique. Ceci dit, leur bilan environnemental reste supérieur à celui du plastique de synthèse, puisqu'ils sont d'origine végétale, que leur circuit carbone est court et qu'ils sont rapidement biodégradables. Par exemple, nos capsules Nespresso compostables disparaissent en un mois et demi à six mois quand une capsule en aluminium restera dans l'environnement pendant cinq cents ans. Et l'on ne va pas « affamer la planète » en faisant pousser des végétaux pour produire ces plastiques (lire encadré ci-dessous).

Bioplastiques et terres agricoles

Terres agricoles et bioplastiques

Certains redoutent que la démocratisation des plastiques végétaux « empiète » sur les surfaces agricoles nécessaires à notre alimentation. Nous en sommes très loin. On estime en effet qu'en 2023, les terres agricoles utilisées pour les bioplastiques représenteront 0,02 % des terres agricoles mondiales (cette part était de 0,016 % en 2013, soit 1,02 million d'hectares). Les plastiques d'origine biologique comptent actuellement pour moins de 1 % de l'ensemble des plastiques, et une étude a calculé que même si leur part était de 10 %, ces plastiques ne mobiliseraient que 0,54 % de la surface agricole utile de l'Europe.

P & S En France, les bouteilles d'eau en plastique génèrent le plus de déchets de ce type. Pourquoi des bouteilles en plastique végétal ne sont pas devenues la norme ?

V. P. : Il existe en effet des bouteilles formées de plastique végétal mélangé avec du carton. Mais les bouteilles d'eau classiques en PE (polyéthylène, le plastique le plus courant, ndlr) se recyclent très bien et ce matériau affiche un bon bilan environnemental lorsqu'il est recyclé, c'est pourquoi les bouteilles en plastique végétal sont peu développées à l'heure actuelle. Reste qu'à peine un tiers des déchets plastiques sont recyclés aujourd'hui et trop de bouteilles finissent aux ordures ménagères. Pour autant, les emballages pour lesquels on gagnerait le plus à passer aux bioplastiques ne sont pas les bouteilles d'eau, mais les contenants alimentaires de type barquettes souillées, qui, eux, demandent beaucoup d'efforts pour être recyclés.

P & S Aujourd'hui en France, comment sont recyclés les plastiques végétaux ?

V. P. C'est un point très sensible et un gros problème pour nous. Il n'y a pas encore de filière de recyclage pour ces plastiques : le consommateur lambda les jette aux ordures ménagères. Pourtant, tout est déjà en place pour qu'ils soient recyclés. Il suffirait qu'ils soient acceptés comme biodéchets dans la poubelle verte, puis acheminés vers des sites de compostage industriel. Malheureusement, ce n'est pas encore le cas. Le problème se situe donc au niveau de la collecte. Les évolutions sont très lentes. En attendant, nous avons créé des produits compostables à la maison afin de contourner ce problème.

P & S Avec la loi antigaspillage qui prévoit la fin progressive des plastiques à usage unique d'ici 2040, va-t-on assister à une hausse de la présence d'emballages en plastiques végétaux dans les rayons ?

V. P. : Je l'espère de tout cœur, même si ce n'est pas le cas pour l'instant. En France, nous sommes généralement encore de petites entreprises et faisons face à des mastodontes. Nous devons parfois batailler sur certains détails liés à la nouveauté que représentent nos plastiques et qui peuvent freiner leur utilisation. Par exemple, notre capsule de café, biodégradable au compost, n'est pas considérée comme un biodéchet (comme le sont par exemple les sachets de thé) et doit donc être jetée aux ordures ménagères, pour ceux qui n'ont pas de compost maison. Alors que cette capsule répond exactement aux mêmes normes que les sachets de thé.

P & S Certains utilisateurs reprochent aux plastiques végétaux d'être plus fragiles. N'est-ce pas aussi pour cette raison que le plastique végétal a du mal à s'imposer ?

V. P. : C'est vrai, nous devons encore travailler à leur texture. Toutefois certains produits, comme nos capsules café, sont tout aussi solides que du plastique issu de la pétrochimie ou du métal. Mais il ne faut pas attendre qu'ils soient un copier-coller. On ne fera jamais aussi bien dans l'immédiat car les plastiques issus de la pétrochimie ont bénéficié d'une centaine d'années de recherche scientifique pour en arriver là. Or nous en sommes à peine à vingt années de recherche concernant les plastiques végétaux. Mais ce que nous avons à gagner est énorme.

Parcours de Vincent Pluquet, fondateur de Vegeplast :

1987 | Diplôme d'ingénieur agricole (ISA Lille).

1996 | Création du premier granulat de plastique biodégradable à partir de maïs plante entière (au sein de l'entreprise Vivadour).

1998 | Dépôt du brevet « Fabrication d'un agromatériau à partir de maïs plante entière ».

2003 | Création de Vegeplast, qui se spécialise dans la fabrication de pièces biodégradables en plastique végétal.

2005 | Production de 300 000 liens autoserrants pour les parachutes de l'armée française.

Mai 2010 | Lancement de la première capsule compatible Nespresso.

La capsule bio compatible Nespresso de Vegeplast

2010 | Agrandissement (8 000 m2) de l'usine de production à Bazet (Hautes-Pyrénées).

2021 | Obtention du label OK Home Compost pour la capsule compatible Nespresso qui se biodégrade complètement en 26 semaines dans un compost domestique.

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
Vous appréciez nos articles, allez plus loin en vous abonnant au magazine en cliquant ici
Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter Plantes & Santé
Recevez chaque semaine nos conseils de bien-être par les plantes, astuces et recettes à faire vous même pour retrouver Equilibre et Santé
Votre inscription a bien été prise en compte 
Politique de confidentialité