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Fausse alerte de l’Anses sur le curcuma ?

curcuma complément

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) vient de publier ce 27 juin un rapport alertant sur la supplémentation en curcuma et en curcumine. L’épice et son principe actif, sous forme de complément alimentaire, pourraient représenter, à haute dose, un risque pour le foie. Voici ce qu’il faut comprendre de cette mise en garde.

Le curcuma, également surnommé « the golden spice » (l’épice dorée), est depuis très longtemps considéré comme une plante aux vertus médicinales sans pareil. Traditionnellement utilisée dans la pharmacopée asiatique (chinoise, indienne...), cette épice fait l’objet de nombreuses études scientifiques qui n’ont de cesse de lui découvrir et/ou de confirmer ses multiples propriétés : anticancéreuses, anti-inflammatoires, neuroprotectrices (Alzheimer), antalgiques, et même digestives et hépatoprotectrices. C’est pour cela que le nouveau rapport alarmant de l’Anses concernant les compléments alimentaires à base de curcuma et/ou de curcumine (son principal composé actif) surprend. 

 

L’agence sanitaire s’est en effet autosaisie du sujet en 2019 après la publication d’un rapport médical italien mettant en avant une vingtaine de cas d’hépatotoxicité corrélés à la prise de ce type de compléments alimentaires. Après une enquête de trois ans, l’Anses, grâce à son dispositif de nutrivigilance, a recensé, entre 2009 et 2021, une centaine de signalements d’effets indésirables, dont quinze hépatites pouvant être liées à la consommation de compléments à base de curcuma/curcumine, des chiffres finalement plutôt faibles. Mais l’Anses souligne qu’il y a curcuma et curcuma. En effet, elle ne pointe pas du doigt l’épice sous sa forme naturelle (poudre de rhizome), mais elle alerte sur les compléments alimentaires de nouvelle formulation comprenant de la curcumine « optimisée ». « À l’état naturel, la curcumine est très peu assimilable par l’organisme et possède donc une très faible biodisponibilité », nous rappelle Laure Martinat, médecin et phytothérapeute. 

Contre-indications du curcuma

Le curcuma, même seul, est contre-indiqué chez les personnes souffrant de calculs biliaires. Les patients atteints de maladies affectant le foie doivent se renseigner auprès de leur médecin ou pharmacien. En outre, la surconsommation de curcuma est contre-indiquée en cas d’ulcère de l’estomac ou du duodénum, car il peut augmenter l’irritation. À haute dose, l’épice peut engendrer une sécheresse de la bouche, des flatulences et des brûlures d’estomac. Un surdosage peut se traduire par des nausées et des vomissements.

Attention à la pipérine 

Pour pallier cet obstacle, les laboratoires spécialisés ont donc élaboré des formulations plus complexes (avec substances adjuvantes, telles que la pipérine, inclusion de curcumine dans une matrice lipophile, encapsulation avec des surfactants...). Or, selon les conclusions des experts de l’Anses, « ces différentes formulations […] entraînent une biodisponibilité pouvant être 4 à 185 fois supérieure à celle de la curcumine non formulée ». C’est le cas, par exemple, du mélange poivre (pipérine) et curcuma (curcumine). Cette association, par ailleurs utilisée dans la médecine ayurvédique, peut favoriser certains effets secondaires. La Dr Laure Martinat explique : « La pipérine est un véritable papier de verre pour notre système digestif, elle peut conduire à des intolérances alimentaires, à des allergies, et même à des maladies auto-immunes, en diminuant l’étanchéité de l’intestin. » De plus, une surconsommation de curcuma/curcumine, du fait d’une biodisponibilité accrue, pourrait inverser ses bienfaits au niveau hépatique. « La curcumine n’est pas uniquement hépatoprotectrice, elle agit aussi en soutenant la production de bile par le foie et en stimulant sa sécrétion dans l’intestin. La consommation de très hautes doses de ce principe actif peut ainsi perturber l’équilibre hépatique et épuiser l’organe, mais aussi “impacter et modifier” les enzymes responsables de l’assimilation d’une grande partie des traitements médicamenteux disponibles à ce jour, dont des anticoagulants, des anticancéreux et des immunosuppresseurs », complète la médecin. 

Le laboratoire Arkopharma convient également que le curcuma peut avoir « un effet potentiellement hépatotoxique à doses élevées ». Mais il souligne que « les essais cliniques évaluant les curcumines à biodisponibilité améliorée, à des doses parfois très élevées, ne mettent pas en évidence d’effets indésirables plus fréquents ou plus sévères. À ce jour, des cas de troubles hépatiques ont été autant observés avec des curcumines simples ». 

Interaction avec des médicaments anticancéreux 

Les études scientifiques mettent souvent en lumière le potentiel anticancéreux de la curcumine. Cela s’explique par la capacité de cette molécule à lutter contre le stress oxydatif – responsable de la dégénérescence cellulaire – et contre l’inflammation qui, lorsqu’elle est chronique, entraîne des dysfonctionnements immunitaires et métaboliques en chaîne. Or, ces deux dysfonctionnements sont étroitement liés à l’apparition et au développement des tumeurs. En outre, la curcumine ne fait pas que prévenir le cancer, elle permet aussi de lutter contre lui. En Chine, par exemple, on l’emploie pour traiter les premières phases du cancer du col de l’utérus, ce qui fait l’objet de plusieurs recherches. Cependant, il faut se montrer extrêmement prudent et toujours se fier à l’avis de son oncologue, car le curcuma et son principe actif présentent un fort potentiel d’interaction médicamenteuse, allant jusqu’à inhiber l’impact des traitements anticancéreux. De plus, la curcumine est un excellent antioxydant. Or, une grande partie des traitements contre le cancer agissent de manière opposée et sont oxydants pour justement attaquer les cellules cancéreuses.

Privilégier l’apport alimentaire

De façon générale, ce rapport de l’Anses n’est donc pas en défaveur du curcuma. « Ces alertes sont essentielles pour que les laboratoires soient plus transparents quant à la formulation de leur produit afin que le consommateur, mais aussi les soignants, soient pleinement informés. Pour autant, il ne faut pas tomber dans les raccourcis et se priver de consommer du curcuma qui, je le rappelle, est un trésor de bienfaits », insiste la Dr Martinat. 
Ainsi, dans un cadre préventif, on peut d’ores et déjà se supplémenter en curcuma par l’alimentation. « C’est ce qui est pratiqué dans les médecines orientales, et c’est ce que je préconise à mes patients. Saupoudrer régulièrement les plats avec du curcuma, le mélanger avec un peu de gingembre et de l’huile d’olive pour améliorer la biodisponibilité de la curcumine suffit largement et permet d’éviter tout risque d’intoxication, si l’épice est de bonne qualité », précise la Dr Martinat. Et si vous avez recours à des compléments alimentaires, vous pouvez vous référer à la dose journalière admissible proposée par l’Anses qui est de 153 mg/j de curcumine non modifié et issu du totum du rhizome.  Enfin, en cas de prise simultanée de médicaments, il est préférable de demander l’avis d’un médecin.

Des effets indésirables liés à la consommation de compléments alimentaires contenant du curcuma, Anses, juin 2022.

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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