Dossier
Flore intestinale, cultiver son microbiote (2/3)
Les études récentes sur la flore intestinale convergent pour en souligner le rôle fondamental. La bonne nouvelle, c’est que ce « microbiote » a besoin d’une alimentation très végétale ! En parallèle, la phyto-aromathérapie pourra soigner les déséquilibres et leurs symptômes. Une nouvelle médecine s’ouvre à nous, dans laquelle les microbes deviennent nos alliés contre les maladies.
Un microbiote sain dans un corps sain
En mangeant, nous alimentons non seulement nos cellules, mais aussi celles qui composent notre microbiote intestinal. « On ne peut pas avoir une bonne flore si l’on n’a pas une bonne alimentation », résume simplement le Dr Michel Lallement. Or, la bonne nouvelle, c’est que nos bactéries intestinales apprécient tout particulièrement les aliments végétaux ! Ceux-ci apportent ces fameuses fibres qui, en plus de prévenir la constipation et de favoriser la satiété, nourrissent notre flore. Ils sont ainsi qualifiés d’aliments « prébiotiques ». Les fibres, qui ne sont pas digérées dans l’intestin grêle et arrivent intactes dans le côlon, constituent un festin pour notre microbiote. Ce dernier, dans un processus symbiotique, fabrique alors des acides lactique et butyrique qui abaissent le pH intestinal, améliorant l’absorption du calcium et du magnésium. Autre effet symbiotique : les cellules de la paroi du côlon utilisent l’acide butyrique comme source d’énergie ; or, une paroi bien nourrie protège plus efficacement contre les microbes pathogènes et les toxines qui risqueraient de passer dans le sang et de déclencher des réactions inflammatoires et auto-immunes.
On trouve des fibres dans les fruits, les légumes, les céréales complètes, les légumineuses et les fruits à coque. Tous ces aliments végétaux doivent être présents à chaque repas, et pour en apporter suffisamment à son microbiote, on peut s’appuyer sur la règle du 1-2-3 : un au petit-déjeuner, deux au déjeuner et trois au dîner. On peut aussi les consommer au cours des collations. La variété des apports est importante, car elle permet de maintenir la diversité de nos bactéries : les crudités apportent de la cellulose, le blé fournit des fibres solubles, les fruits sont riches en pectine…
La plupart des Français n’absorbent pas suffisamment de fibres. Pour remédier à cette carence, il faut les introduire progressivement dans son alimentation, car leur fermentation dans l’intestin peut provoquer des ballonnements. Si l’on souffre du syndrome de l’intestin irritable, il est préférable de limiter la consommation de fibres « insolubles », qui font généralement partie de l’enveloppe des végétaux (céréales complètes, peau des fruits et légumes, etc.). De plus, on n’oubliera pas de consulter la liste des FODMAPS, ces glucides fermentescibles à chaîne courte que l’on retrouve dans le blé, le seigle, l’artichaut et la pastèque. La stratégie consiste à les éliminer pendant quelques semaines, puis à les réintroduire un par un afin d’identifier ceux qui provoquent des symptômes intestinaux désagréables (lire Plantes & Santé no 161).
« On dispose de plusieurs familles d’aliments aux effets prébiotiques », explique le Dr Didier Chos. « En plus des fibres, les polyphénols viennent aussi nourrir les bactéries intestinales », ajoute le médecin. Et de citer la grenade, dont l’écorce...
contient des acides gallique et ellagique favorisant le développement des bifidobactéries. Le raisin contient quant à lui du resvératrol, bénéfique non seulement aux bifidobactéries, mais aussi aux lactobacilles.
D’autres aliments sont néfastes à la flore, notamment la viande rouge, dont la consommation excessive est associée à une flore pathogène dite « de putréfaction ». « Il faut lui préférer la viande blanche et en manger 2 à 3 fois par semaine au maximum », selon le Dr Lallement. En outre, il faut privilégier les viandes et les produits laitiers issus d’animaux nourris à l’herbe et sans antibiotiques : le label bio apporte de telles garanties. Le sucre raffiné est également à éviter, car il nourrit les levures et les bactéries pathogènes. Il est illusoire de les remplacer par des édulcorants, eux aussi néfastes pour le microbiote intestinal. Le miel, avec son index glycémique bas et ses propriétés prébiotiques, peut représenter une bonne alternative, sauf en cas de dysbiose sévère ou de mycose. On veillera à éliminer les aliments ultra-transformés qui contiennent peu de fibres et des additifs, ennemis de la flore intestinale.
Enfin, certains aliments apportent directement de bonnes bactéries à notre tube digestif. Ils peuvent alors être qualifiés de « probiotiques ». Présents naturellement dans les yaourts et autres aliments fermentés (croûte des fromages, pain au levain, miso, tempeh, olives, etc.), ils sont utilisés depuis des milliers d’années comme des aliments santé. Les légumes lacto-fermentés (lire Plantes & Santé n° 155), le kéfir ou encore le kombucha sont à consommer régulièrement.
On se souviendra qu’il est important de bien nourrir les bactéries avec des prébiotiques : même après une cure d’antibiotiques, il reste toujours des souches bactériennes qui vont se reproduire et reconstituer la flore initiale. « Mais l’alimentation ne fait pas tout ! », souligne le Dr Lallement, qui rappelle que le tube digestif, parfois surnommé le « deuxième cerveau » est aussi sous l’influence de nos émotions. « Attention aux régimes qui peuvent faire tomber dans l’orthorexie ; en provoquant des désordres émotionnels, ils font plus de mal que de bien. »
Candidose
Notre microbiote peut être colonisé par une levure pathogène, le Candida albicans, qui provoque des troubles digestifs (gaz, spasmes, constipation), une fatigue chronique ou encore une tendance à la prise de poids. On constate pratiquement toujours une attirance pour le sucre chez les personnes souffrant de candidose.
Conseils
• Éviter les produits sucrés, mais aussi les farines raffinées. Préférez les farines de sarrasin, de quinoa, de lentilles.
• Privilégier les aliments anticandidose : produits à base de noix de coco, d’ail, d’oignon et d’origan.
Compléments
• Propolis en gélules : 1 gélule avant chaque repas. • Extrait de pépins de pamplemousse (par exemple en gélules, posologie selon le fournisseur).
Par le Dr Michel Lallement
D’un champignon microscopique aux probiotiques
Le probiotique le plus couramment utilisé en médecine n’est pas une bactérie, mais une levure, autrement dit un champignon unicellulaire. Il a été découvert par le micobiologiste français Henri Boulard en 1920 lors d’un séjour en Indochine : ce dernier remarqua que les personnes qui buvaient une décoction de peau de litchi et de mangoustan ne souffraient pas de diarrhée. Il analysa le breuvage et parvint à isoler un microorganisme qu’il baptisa Saccharomyces boulardii. Aujourd’hui, cette espèce est toujours présente dans l’ultralevure, indiquée contre la diarrhée. Elle est d’autant plus efficace qu’elle n’est pas sensible aux antibiotiques, puisqu’il ne s’agit pas d’une bactérie. Depuis cette découverte, l’offre de probiotiques s’est étoffée, proposant des bactéries ou des levures d’origine humaine, laitière ou végétale, présentes ou non dans le microbiote intestinal. De nombreuses « souches » appartiennent aux genres Lactobacillus, Bifidobacterium, Lactococcus ou encore Streptococcus. Leur action sur le microbiote sera efficace et se fera sentir tout au long du traitement.
Conseil
Si la prise de probiotiques ne procure pas d’amélioration au bout d’un mois, mieux vaut consulter un thérapeute.
Perméabilité
La dysbiose, tout comme le stress, peut entraîner une hyper-perméabilité intestinale, qui se traduit par une alternance de diarrhée et de constipation, des maux de tête et des sinusites.
Conseil
Confirmer le diagnostic en arrêtant les produits laitiers et les aliments à base de blé pendant 3 semaines, et voir si les symptômes s’améliorent.
Complément
• Charbon végétal : 1 cuillère à café ou 2 gélules matin et soir, à distance des médicaments.
• Mucilages : Aloe vera (environ 30 ml avant chaque repas) ou psyllium (1 cuillère à café avant chaque repas, en augmentant progressivement en cas de constipation).
Par le Dr Michel Lallement
Un programme écolo pour notre microbiote
Les bactéries de notre microbiote sont si bien adaptées à l’écosystème intestinal qu’il est extrêmement difficile de les cultiver en laboratoire, une fois extraites de notre tube digestif. La symbiose s’installe progressivement, à compter de la naissance : la richesse de la flore est favorisée par un accouchement par voie basse et un allaitement au sein. Elle se stabilise autour de 2-3 ans puis se modifie chez la personne âgée : après 65 ans, la biodiversité diminue. Pour entretenir cette bonne relation avec nos bactéries, un certain nombre de mesures doivent être prises en plus d’une alimentation saine :
• Éviter les médicaments, notamment les anti-inflammatoires et l’aspirine ; réserver les antibiotiques aux urgences.
• Se laver moins souvent tout le corps et préférer les savons naturels saponifiés à froid.
• Utiliser des produits nettoyants naturels pour la maison. • Veiller à une bonne hygiène buccale et contrôler régulièrement la santé de ses dents pour éviter la prolifération de pathogènes qui peuvent migrer dans le tube digestif. • Éviter autant que possible les polluants : pesticides, métaux lourds, perturbateurs endocriniens…
• Respecter son rythme biologique et s’efforcer de se lever et de se coucher à des heures relativement fixes.
• Évacuer le stress par des respirations ventrales, de la sophrologie ou encore du yoga.
• Avoir une activité physique régulière.
• Passer du temps dans la nature, de préférence au contact des animaux. Et pourquoi ne pas adopter un animal de compagnie ?