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Cédraie du Luberon : sous la protection des grands arbres

Cédraie du Luberon

A 700 mètres d'altitude, sur la crête du petit Luberon, poussent des cèdres de l'Atlas (Cedrus atlantica), voisinant en bonne intelligence avec la traditionnelle population de chênes verts. Unique dans le paysage méditerranéen, cette forêt de 250 hectares constitue un exemple de reboisement réussi. Et un lieu de promenade dépaysant.

Il a suffi de quelques graines rapportées d'Algérie vers 1861… Aujourd'hui, on découvre des cèdres imposants d'une quarantaine de mètres de hauteur qui ont poussé sur le replat du petit Luberon. On entre dans la cédraie par une grande allée, un peu comme dans la nef d'une cathédrale. L'atmosphère invite au recueillement, sous la protection des rameaux compacts garnis d'aiguilles qui filtrent la lumière ou la laissent parfois passer en rais. Pareille hauteur de sous-bois est exceptionnelle en Provence, tout comme la fraîcheur et l'humidité qui y règnent. Petit à petit, on est aussi marqué par l'odeur douce mais très présente qui s'en dégage. Le bois de cèdre est riche en huiles essentielles, dont la fragrance stimule la force, le courage, et invite à la méditation.

De l'écologie avant l'heure

L'introduction en Provence de cette espèce, originaire de la chaîne de montagnes s'étendant au nord-ouest de l'Afrique, est sans doute liée à la conquête de l'Algérie. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, quelques sylviculteurs sont à la recherche de nouvelles essences résistantes afin de reboiser les pentes dégarnies des collines provençales. Le contexte n'est pas porteur : « Le scepticisme et la défiance animaient une population qui n'a jamais eu l'amour de l'arbre, qui ne croyait pas en la vertu de la forêt à cause d'un soleil trop agressif et qui, dans ces montagnes pauvres et sèches, ne rêvait que d'un boisseau de blé et d'un gigot de mouton pour ne pas mourir de faim », note ainsi M. Cointat dans un texte intitulé Le Roman du cèdre. Imposer un arbre venant de l'autre côté de la Méditerranée, encore peu connu – son identification remonte seulement à 1827 – était assez osé. Mais sa résistance à la sécheresse en fait un candidat intéressant pour les services des eaux et forêts. Et c'est un inspecteur de cette administration, François Tichadou, qui réussit à mener à bien le projet en s'assurant le soutien des communes toutes proches.

Une descendance qui se fait attendre

Dans la cédraie du Luberon, les premiers arbres arrivés à maturité ont commencé à se reproduire vers 1920. En effet, les cônes peuvent apparaître sur les arbres au bout de 15 à 20 ans, mais la fructification ne devient suffisante pour une régénération qu'à partir de 40 ans.

Un port d'une grande élégance

Désormais, la cédraie couvre 250 hectares, contre 60 hectares dans les années 1930. Son cœur accueille les plus grands arbres, qui laissent peu de place à d'autres végétations au sol. On peut alors bien admirer leur structure : les branches du cèdre de l'Atlas partent à 45 degrés pour ensuite se déployer à l'horizontale, ce qui donne à cet arbre un port particulièrement élancé et élégant. On pourra aussi s'étonner devant certains spécimens remarquables, comme celui dont les trois troncs parallèles font penser à une lyre.

Un peu plus loin sur le parcours, les bords du sentier abritent de magnifiques buissons de buis, arbuste peu sensible à la luminosité. Autrefois, on le ramassait pour en faire des litières pour les troupeaux avant de le répandre dans les champs comme amendement. Ici et là, des souches montrent que la forêt est gérée (mais de façon durable) et que l'on y récolte ce bois imputrescible pour la construction.

Un étonnant rapport au feu

Le bois du cèdre de l'Atlas est connu pour bien résister au feu. La litière de cèdre, formée d'aiguilles courtes, est assez compacte, ce qui la rend peu inflammable. Les peuplements ne prennent pas non plus feu facilement et constituent des freins efficaces à la propagation des incendies. Plus étonnant, le feu peut participer à la régénération de la cédraie. En 1952, lors d'un grand incendie, non seulement le cœur de la plantation fut épargné par les flammes, mais le cèdre prit la place des arbres brûlés alentour, donnant une nouvelle impulsion à la cédraie. Les spécialistes de l'ONF considèrent en effet qu'un brûlage dirigé du sous-bois est bénéfique : il facilite le contact entre la graine et le minéral.

Chêne vert contre chêne blanc

En continuant de cheminer, on arrive à l'extrémité du massif calcaire. Cette terrasse de pierres ouvre sur une somptueuse vue de la vallée de la Durance. Au loin, les Alpilles, l'étang de Berre. Plus près, le joli arrondi des collines du Luberon du sud. Ici, c'est plutôt le territoire du chêne vert au feuillage persistant. En Provence, on l'appelle yeuse, un des rares noms féminins pour un arbre ! La densité de son feuillage est telle que « bien qu'occupant les régions les plus lumineuses d'Europe, la chênaie verte est la plus sombre de nos forêts », rappelle l'ethno­botaniste Pierre Lieuthagi. Le parcours qui descend en contrebas dans un vallon laisse bien distinguer ces petites feuilles coriaces, tandis que le terrain, plus riche, profite au chêne pubescent, l'autre chêne de Provence. Vous serez surpris de constater que si ses feuilles perdent leur couleur verte, elles ne tombent pas pour autant des branches. Les méridionaux l'appellent le chêne blanc par opposition au chêne vert. Autre plante typique, les genévriers. Mais il ne faudra pas se laisser séduire par la variété de Phénicie (Juniperus phoenicea), dont les baies sont toxiques. D'un vert presque amande, les cistes ont des allures d'arbrisseaux, et leurs feuilles d'un vert plus doux et pelucheux nous donnent envie de les toucher. À partir de mai, elles se pareront de leurs fleurs blanches, roses ou rouges si légères. À la même période, vous pourrez partir à la recherche des iris nains, de la précieuse Orchis de Bertolon, du genêt de Villars, du nom du célèbre botaniste dauphinois.

Les cistes, Cistus

Les cistes font aussi partie de ces plantes qui tirent profit du feu. Leur capacité à germer est augmentée quand les graines ont été exposées à de fortes chaleurs. Longtemps, elles furent surtout ramassées pour former des fagots qui servaient à chauffer les fours à pain.

Mais en plein hiver c'est toute une palette verdoyante qui séduit, offrant tant de nuances subtiles et d'ambiances variées. Peut-être qu'à la fin de la promenade, vous vous sentirez moins impressionnés par les hautes silhouettes des cèdres. Et qui sait si vous n'irez pas, en toute confiance, y appuyer votre dos ou choisir l'un d'eux pour l'enlacer !

Infos pratiques

Comment y aller : En voiture, autoroute A7 direction Avignon, puis RN7 direction Apt ou Cavaillon, puis RD900 direction Apt. Depuis Apt, suivre la D3 direction Bonnieux. En train, la gare de Cavaillon est la plus proche.

Départ de la randonnée : Au village de Bonnieux, prendre la D36 direction Lourmarin. Un peu plus loin, prendre sur la droite direction la forêt de cèdres. Avancer encore jusqu'au parking (payant l'été). La balade du sentier du Portalas dure environ 1 h 30. Elle nécessite d'être bien chaussé, le terrain étant parfois accidenté et caillouteux. Un circuit plus court est accessible aux personnes handicapées.

Y dormir : Dans une bastide du XVIIe siècle, chambres d'hôtes pour 2 personnes à partir de 160 e (petit déjeuner inclus). Laressence.fr

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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