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Des prairies pour soigner les animaux et l'environnement

Des prairies pour soigner  les animaux et l'environnement

Que seraient nos paysages sans les prairies ? D'ailleurs, depuis une dizaine d'années, les protéger est devenu une priorité. Or les troupeaux sont souvent vus comme une menace pour la biodiversité de nos étendues herbeuses. Et si, en réalité, le bien-être des animaux et des prairies étaient intimement liés ? Un changement de regard est déjà en marche avec des projets de « prairies pharmacies ».

Lorsque Claude Monet peint son célèbre tableau Les Coquelicots en 1873 à Argenteuil, il est encore entouré de vastes prairies. Depuis, les villes ont poussé, le monde agricole s'est transformé. Et nombre de prairies en ont souffert, recouvertes de béton ou épuisées par une fertilisation excessive et du pâturage intensif. Comme en Bretagne où, aujourd'hui, il ne reste plus que dix pour cent de prairies. Agronomes et défenseurs de la biodiversité ont sonné l'alerte voici une dizaine d'années et diverses actions, dont le plan Biodiversité en 2018, veillent à présent à la sauvegarde de tous types de prairies. Pointé du doigt, le bétail bovin et ovin, voire caprin, est souvent accusé de brouter à outrance laissant des terres dénudées d'herbages et de plantes… C'est le cas, sans aucun doute, si les troupeaux sont trop nombreux et mal gérés ! Mais c'est oublier que sans ces animaux, les prairies et leur flore caractéristique seraient menacées aussi…Qu'ils paissent en plaine ou en montagne, les animaux tels les vaches, moutons et chèvres façonnent nos paysages et les entretiennent.

Des lieux de passage

Nos prairies, ces étendues au couvert végétal herbacé, composent encore la moitié des paysages français. Malgré un recul, constaté depuis vingt-cinq ans, on distingue deux types de prairies.

Les prairies naturelles, appelées aussi « permanentes », entretenues juste par le pâturage. En font partie les alpages, ces étendues d'herbe qu'on rencontre à partir de 2 000 mètres d'altitude, pâturés par les troupeaux de montagne bovins et ovins. Le pastoralisme a le vent en poupe et fait vivre 60 000 exploitations agricoles en France aujourd'hui.

Les prairies temporaires sont semées environ tous les cinq ans de graminées et légumineuses utilisées surtout pour le fourrage animal. L'enjeu des « prairies pharmacies » est de réensauvager ces espaces en introduisant des plantes à vocation médicinales pour préserver la biodiversité, et préventivement intéressantes pour la santé des animaux.

Même dans les zones désertiques

« Les troupeaux ont une vraie action de régulation car nombre de plantes disparaîtraient si les animaux n'intervenaient pas. Ils permettent de laisser des étendues ouvertes et de garder des prairies, sinon la forêt prendrait le dessus », explique Sylvain Plantureux, professeur d'agronomie à l'Université de Lorraine et spécialiste des prairies. Si les vaches vosgiennes ne venaient pas « nettoyer » les champs, la fleur d'arnica, déjà très menacée par le réchauffement climatique pourrait bien disparaître pour de bon car les arbres recoloniseraient le sol. De même dans la plaine de la Crau en Provence, ce sont les ovins depuis quatre mille ans qui « donnent à ce territoire son originalité floristique et faunistique », selon le géographe Gérard Beltrando. Certains experts comme l'écologue zimbabwéen Allan Savory, vont même plus loin, affirmant que le pâturage animal est un facteur essentiel du renouvellement du cycle naturel des plantes. Ses recherches contre la désertification l'ont amené à observer l'interaction entre le bétail et l'environnement. Il a constaté que lorsque les bêtes étaient réintroduites sur une zone désertique, leur présence (piétinements, salives et déjections) recréait un écosystème et reverdissait les sols.

Utile pimprenelle

Cette petite plante s'est un peu fait oublier dans nos jardins… La pimprenelle (Sanguisorba minor) est pourtant connue depuis longtemps pour ses vertus médicinales. Elle possède des propriétés hémostatiques, antidiarrhéiques, astringeantes et antiulcéreuses. En Méditerranée, on la cultivait pour ses feuilles comestibles au goût de concombre et noisettes avant d'être supplantée par le persil. La pimprenelle est prisée aussi des animaux, c'était même le fourrage principal des moutons jusqu'au XVIIIe siècle. Aujourd'hui, elle est remise à l'honneur pour réensauvager les prairies, diversifier les pâturages des troupeaux bovins et ovins, et même les soigner car Sanguisorba minor améliore la tonicité des animaux, facilite leur digestion et stimule leur appétit.

Ces arguments ont toutefois du mal à convaincre les défenseurs du climat du rôle bénéfique des élevages sur l'environnement. Pour eux, les animaux sont responsables d'émissions de gaz à effet de serre et les pratiques agricoles d'élevage intensif se soucient peu de pérenniser les sols. Mais la prise de conscience de la nécessité de sauvegarder les espaces naturels s'accélère chez les éleveurs. Selon Sylvain Plantureux : « Les prairies sont sources de bien-être pour les animaux car elles offrent des plantes qui ont un intérêt au niveau de la santé, comme le sainfoin aux propriétés vermifuges, ou le trèfle violet antioxydant ». On parle même désormais de prairies à ­vocation médicinale. Une perspective intéressante pour rediversifier l'alimentation du bétail qui s'est beaucoup appauvrie entre autres pour des raisons de rentabilité. Dans les élevages conventionnels bovins, on mise encore trop sur le cocktail maïs et tourteaux de soja pour apporter de l'énergie et des protéines aux vaches. Mais la culture du maïs est gourmande en eau et l'importation du soja OGM pose des problèmes environnementaux. Sans compter que la santé des bêtes en pâtit… D'où l'idée de réensauvager les prairies pour ramener de la biodiversité et soigner l'alimentation animale. C'est la démarche de ­Pauline Woerhlé, ingénieure agronome consultante en système d'élevage bio et durable chez Eilyps, une entreprise de conseil en Ille-et-Vilaine qui incite les éleveurs bretons à mesurer ces enjeux et à modifier leurs pratiques en conséquence. « Réensemencer les prairies peut améliorer le bien-être animal et être rentable pour leurs exploitations », explique-t-elle.

L’enjeu des prairies pharmacies est de ramener de la biodiversité avec différentes plantes comme le lotier corniculé ou la chicorée qui ont des propriétés médicinales.

Un mélange multifloral à la clé

Depuis cinq ans, ­Pauline Woerhlé pilote un projet de « prairies pharmacies » avec cent cinquante producteurs laitiers bio et conventionnels qu'elle a formés. Elle leur propose de semer le mélange spécial de plantes à vocation médicinale, qu'elle commercialise, à base de lotier corniculé et chicorée, antiparasitaires, achillée millefeuille et ­pimprenelle (lire p. 19) aux vertus digestives, et du plantain lancéolé riche en oligo-éléments. Pauline Woerhlé travaille avec un semencier britannique qui développe depuis quinze ans des mélanges multifloraux destinés aux fermiers : « Nous avons enquêté là-bas auprès de producteurs laitiers pour connaître l'effet de ces prairies pharmacies sur les vaches. Le résultat m'a bluffé tellement les bêtes étaient en forme ». Pour en mesurer les effets, l'ingénieure mène un projet test avec un lycée agricole. Les élèves ont semé le mélange et planté des haies de framboisiers, cassissiers, sarriette, thym, échinacée, mélisse et menthe. Les lycéens doivent noter les plantes que mangent les vaches et à quel moment.

En faire tout un foin… de qualité !

Dans la plaine de la Crau, le foin est devenu un trésor. Il bénéficie même d'une appellation d'origine contrôlée (AOC) et protégée (AOP) qui en fait un produit d'exception, exporté jusque dans les haras des Émirats. La vingtaine d'espèces végétales (graminées, légumineuses et autres panais, pissenlits, renoncules…) lui donne ses hautes qualités nutritionnelles riches en protéines et minéraux. Cette diversité est entretenue chaque année par le passage des brebis en automne. Elle donne aujourd'hui des idées dans d'autres domaines ! C'est devenu très tendance, en tisane, pour aromatiser les glaces, à utiliser aussi fumé ou à l'étouffée pour donner un parfum « campagne » aux plats mijotés… Sans oublier les bains de foin, proposés dans certains spas qui, selon certaines études, soulageraient les problèmes de rhumatisme et d'arthrose.

L'Union européenne sur le coup

Ce type d'expérimentations commence à se développer en France. La coordination agrobiologique des Pays de Loire participe depuis mars à un projet européen d'innovation (Unifil Anim santé) pour observer l'effet de certaines plantes sur des volailles : « Nous avons implanté dans plusieurs élevages cinq plantes vermifuges comme le fenugrec, la tanaisie, le chénopode, la nigelle, le souci pour voir si elles s'acclimatent bien et si les poules les trouvent à leur goût. Pour en tirer un bilan, il faudra comparer scientifiquement la santé des volailles qui ont mangé ces plantes avec les autres », explique Cécile Baudot en charge du projet. Si l'Union européenne et le monde agricole investissent ces pistes, de même que l'Agence de sécurité sanitaire (Anses) qui termine une enquête sur la phytothérapie vétérinaire, c'est aussi parce que ces prairies aux plantes médicinales pourraient diminuer le recours aux antibiotiques. C'est une question de bien-être animal et de santé humaine.

Pour ces enjeux multiples, réensemencer les prairies apparaît comme une solution vertueuse pour restaurer une biodiversité menacée et des troupeaux en quête d'une alimentation plus équilibrée. Il est aussi crucial de sanctuariser les prairies naturelles, comme la plaine de la Crau dont la biodiversité unique produit un foin d'exception (lire ci-contre), le seul en France à bénéficier d'une appellation d'origine contrôlée.

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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