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L'huile rouge, la palme des huiles !

L'huile rouge, la palme des huiles !

Une bonne partie de l'alimentation de la population mondiale, mais aussi des produits d'entretien et biocarburants, dépend de l'huile de palme. Cette surproduction, responsable de la déforestation en Afrique et en Asie, nous fait oublier les vertus du produit originel, l'huile de palme rouge… Et si nous respections les traditions ?

Sur les étalages de l’épicerie exotique près de chez moi, en toute saison, trône ce bidon d’huile rougeâtre, affichant des mots colorés sur l’étiquette : « Huile de palme rouge ». On nous dit qu’il faut traquer l’huile de palme dans les produits alimentaires et cosmétiques, et on en vend ici par litres ! Ousmane est fier : « L’huile de palme rouge vient de la chair du fruit du palmier à huile. Elle fait partie de notre alimentation en Afrique de l’Ouest et centrale. Elle est pleine d’antioxydants et de vitamines A et E : on en donne aux enfants et aux femmes enceintes, aux personnes ayant du diabète, des problèmes oculaires… On s’en fait même des tartines ! ». Après cet échange, je n’étais guère convaincue. Mais le fait est qu’Ousmane a raison.

Avant d’être importés en Égypte il y a plus de trois mille ans, puis au Brésil et enfin en Asie du Sud-Est, les palmiers à huile prospéraient dans les forêts tropicales d’Afrique de l’Ouest. Leur nom scientifique, Elaeis guineensis, fait référence à la Guinée où, traditionnellement, on récolte la pulpe de leurs fruits sauvages pour la cuisiner et l’appliquer sur la peau. Aujourd’hui, les palmiers à huile représentent une source de revenus non négligeable pour des millions d’exploitants agricoles en Afrique et surtout en Asie, l’Indonésie et la Malaisie dominant le marché.

Très polyvalente

En un demi-siècle, la production mondiale d’huile de palme a été multipliée par plus de trente-cinq, alors que l’industrie agroalimentaire et cosmétique s’en est emparée de façon massive. Son marché connaît aujourd’hui une importante croissance, profitant de l’engouement global pour les huiles végétales.

Pourquoi un tel succès ? « C’est une huile très polyvalente ! me répond Emmanuelle Grundmann, auteure de l’ouvrage Devenir Consom’acteur – L’huile de palme et primatologue. Elle est bénéfique pour la santé car source de phytonutriments (caroténoïdes, phytostérols, coenzyme Q10…). De plus, son bêtacarotène et sa vitamine A sont stables, même hautement chauffés. Par ailleurs, elle contient moins d’acides gras saturés que le beurre de baratte ou l’huile de coco. Le hic, c’est qu’elle est surtout utilisée fractionnée et raffinée dans les pays développés. Elle devient alors véritablement dangereuse, car les acides...

gras trans sont cancérigènes ». A contrario, de récentes études montrent également que l’huile de palme rouge améliore l’oxygénation des cellules cardiaques et diminue les effets indésirables de la chimiothérapie.

Une culture à responsabiliser

Avec des fruits qui mûrissent deux fois par mois sans gros besoin d’engrais, les palmiers à huile offrent cinq fois plus de rendement que le colza ou le tournesol. Mais leur culture intensive est responsable d’une déforestation massive, causant la destruction des habitats d’espèces animales menacées (comme l’orang‑outan) ainsi que d’importantes émissions de gaz à effet de serre. D’autant que l’huile de palme entre dans la composition de nombreux cosmétiques du fait de sa texture à la fois huileuse et ferme – en particulier pour les savons et les détergents – et sert aussi de biocarburant, intéressant pour améliorer l’accès à l’énergie dans certains pays où les moyens manquent.

Côté alimentation, les grands exploitants ou les usines partenaires peuvent certes se lancer dans une démarche équitable avec la certification RSPO, garante de normes de culture durables dans des zones réglementées. Les fermiers indépendants qui ne peuvent pas la financer vivent fragilement grâce à la production d’huile rouge. Celle-ci joue un rôle majeur en santé publique, les populations y trouvant une source de vitamine A essentielle car inégalée en Afrique.

« Tu veux goûter ? », me propose Ousmane en ouvrant le bocal rouge d’un claquement sur le bord du comptoir. Avec son couteau, il en prélève une noisette que je ne peux refuser. Un goût de carotte au paprika, un peu rance… Je fais la moue. Désolée. Ousmane m’en étale alors sur le dos de la main, qu’il me masse d’un pouce gras : « Ta peau aussi a son mot à dire… ». Effectivement, ce n’est pas désagréable sur mes mains sèches.

 

Recettes de mère Nature

L’huile de palme à toutes les sauces, par le chef Alexandre Bella Ola

  • La sauce jaune (« soupi kandja ») végétarienne, Sénégal, Gambie et Mali

Pour 5 personnes environ Découpez 2 oignons, 5 gousses d’ail et 40 g de gingembre, écrasez le tout dans un mortier avec 2 bouillons cubes et du piment selon votre goût. Faites revenir le mélange dans une grande cocotte avec 3 c. à soupe d’huile rouge. Quand le mélange a roussi, ajoutez-y 1 litre d’eau puis un poireau coupé en rondelles avec thym et laurier, et laissez réduire aux trois quarts. Ajoutez 4 litres d’eau et laissez réduire d’un quart. Filtrez la préparation et laissez-la refroidir. Versez-la ensuite dans une grande marmite avec du sel (gemme) et environ 8 cl d’huile de palme rouge. Mélangez au fouet : l’huile et le bouillon doivent faire corps et le tout paraître bien jaune. La sauce jaune se déguste avec une bonne purée de taro ou de pommes de terre.

Si nous disposons de très bonnes huiles en Occident, aucune ne peut vraiment remplacer l’huile de palme rouge dans les recettes traditionnelles africaines. Pour la cuisiner, orientez-vous vers des marques certifiées RSPO ou vers des produits issus de petites exploitations africaines (voir carnet d’adresses p. 72) et suivez les recettes du chef Alexandre Bella Ola, originaires de différents pays d’Afrique.

  • Le paleron de bœuf, Côte d’Ivoire

Pour 7 personnes environ Parez 1 kg de paleron de bœuf et coupez-le en morceaux. Chauffez 3 c. à soupe d’huile de palme dans une cocotte et saisissez votre viande. Mélangez ensuite 250 g de tomates pelées, 10 cl d’eau, 1 oignon, 5 gousses d’ail, 50 g de gingembre, du persil et du piment, puis mixez. Faites roussir le tout à feu vif. Ajoutez de l’eau à hauteur des ingrédients, 3 brindilles de thym et 2 feuilles de laurier, et dès la première ébullition réduisez le feu et laissez cuire pendant 1 heure. Complétez enfin avec 3 carottes et 3 aubergines découpées, et ajoutez 850 g de sauce graine. Quand la viande est cuite, dégustez avec de la semoule de manioc, du riz ou un autre féculent.

  • L’écrasé de banane plantain (« efida »), Cameroun

Portez 1 à 2 litres d’eau à ébullition, salez-la. Plongez-y des rondelles (de 1 cm) de 3 à 5 bananes plantain et laissez réduire puis cuire 15 minutes. Une fois les bananes cuites, écrasez-les dans la poêle, à feu doux, avec 8 à 15 cl d’huile rouge, sans chercher à obtenir une consistance trop lisse. Servez tiède. On le consomme par temps froid, en accompagnement ou au petit déjeuner. Même recette à tenter avec un écrasé de patates douces !

 

Huile de palme rouge et sauce graine

En Afrique noire, deux ingrédients de base de la cuisine traditionnelle proviennent du palmier à huile. « L’huile de palme rouge, appelée huile rouge, est utilisée comme une matière grasse, au même titre que l’huile d’olive », explique le chef Alexandre Bella Ola, dont nous présentons trois recettes ci-contre. Est également utilisée la sauce graine à base de jus de noix de palmiste, obtenu à partir de la première pression à froid de la pulpe des noix (fruits) de palmiste. « Après cuisson, elle est onctueuse comme de la crème fraîche », poursuit le chef, auteur du livre Mafé, yassa et gombo, la cuisine d’Alexandre (éd. First).

Aller plus loin

Devenir consom’acteur, l’huile de palme (Actes Sud, 2018) d’Emmanuelle Grundmann, également auteur d’Un fléau si rentable, vérités et mensonges sur l’huile de palme (Calmann-Lévy, 2013).

Mafé, yassa et gombo, la cuisine d’Alexandre, d’Alexandre Bella Ola, (First, 2020).

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