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Replacer les sauvages
au cœur des territoires

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En trois ans, Végétal local, une marque collective gérée par l’Agence française pour la biodiversité, a déjà replanté plus de 500 000 végétaux en France. Tous ces arbres et arbustes sont issus de graines sauvages. Mais comment récolter et, surtout, faire germer cette manne naturelle ? Un savoir-faire à développer.

Ne cherchez pas dans les manuels ou sur Internet une recette fiable pour collecter des graines de plantes sauvages. C’est une science balbutiante, une histoire de patience et d’humilité. « En 2013, quand notre association a commencé à récolter les graines et fruits des arbres et arbustes sauvages en Alsace, personne ou presque ne connaissait leur date de maturité, raconte Jacques Detemple, fondateur de Haies vives d’Alsace. La nature savait très bien se débrouiller seule avant que l’homme ne détruise les haies et les bocages. Il a fallu observer les arbres, revenir aux mêmes endroits, parfois tous les quinze jours, et attendre…» Jacques fait partie des collecteurs pionniers du programme Végétal local, une marque nationale créée en 2015 par la fédération des Conservatoires botaniques nationaux, l’Association française arbres champêtres et agroforesteries et l’association Plante & Cité.

« Notre objectif est de mimer la nature, résume Sandra Malaval, animatrice nationale de Végétal local et ingénieure agronome. Nous cherchions, depuis plusieurs décennies, la meilleure façon de réintroduire des plantes sauvages dans nos paysages, de restaurer le patrimoine génétique et de garantir une origine locale. » Mais pourquoi préférer des végétaux sauvages et locaux ? Pour recréer un écosystème le plus proche possible de la nature, un cercle vertueux où les plantes communiquent avec leurs pollinisateurs qui eux-mêmes vont nourrir les oiseaux. Des plantes non natives peuvent décaler tout ce cycle de reproduction.

Témoignage : la satisfaction de replanter des haies

Face aux grandes plaines de maïs de son petit coin d’Alsace, Daniel Starck regrette les arbres et haies disparus depuis longtemps avec le remembrement. « Nos paysages agricoles sont trop découverts, s’inquiète ce paysan boulanger bio. Aux côtés des Agriculteurs bio d’Alsace, j’ai répondu à un appel à projets pour réimplanter une haie dans mes champs avec l’aide de la Ligue protectrice des oiseaux et de Haies vives d’Alsace. » Grâce aux aides régionales, Daniel et une cinquantaine de volontaires ont planté en février dernier 270 mètres de haies avec 500 arbustes issus de graines locales et sauvages. Une vraie satisfaction. « Même si nous n’en verrons le résultat que dans vingt ans, cela montre que l’agriculture change d’état d’esprit. Et puis, ces haies offriront aux animaux un gîte, de la nourriture et une protection. »

Plus d’informations sur www.lafermeauxseptgrains.com

Au plus près d’un écosystème naturel

Aujourd’hui, Végétal local en France se déploie sur 11 régions biogéographiques et représente un réseau de 48 collecteurs de graines, de semenciers et de pépiniéristes. Ils assurent la traçabilité des plantes labellisées Végétal local de la première étape – la collecte des graines sauvages – à la dernière – leur vente. Jacques Detemple arpente ainsi dès la mi-juin son territoire, l’Alsace, afin de surveiller de près la maturité des cerisiers Sainte-Lucie. Puis, en juillet, celle des camérisiers à balai, puis tout le cycle des espèces jusqu’en octobre. Avec ses bénévoles, il suit...

les règles précises de Végétal local pour ne pas piller les ressources. Par exemple, il ne cueille que 25 % maximum de graines ou de fruits sur un même arbre. Suivront les opérations de dépulpage, de tri et d’étiquetage précisant le site de collecte, l’année, le nom du récolteur ou du bénéficiaire, le numéro de référence du lot et l’espèce.

Ensuite, ça se corse : faire germer les graines est une étape très délicate. « Nous sommes loin de tout savoir, on tâtonne encore, confie le collecteur. Pour avoir un taux de germination satisfaisant, il faut connaître la logique de chaque plante, découvrir la durée nécessaire d’une période de dormance, constater que certaines graines passées par le transit intestinal des oiseaux germent plus facilement quand d’autres mettront trois hivers consécutifs et deux étés pour germer… » En réalité, le secret de la germination est encore peu partagé. C’est le domaine réservé des « naisseurs », ces pépiniéristes qui savent faire éclore les graines sauvages.

« Avec l’expérience acquise au fil du temps, nous nous efforçons de recréer artificiellement les saisons en alternant des périodes de froid et de chaud pour “réveiller” la graine, comme dans la nature, explique Guillaume de Colombel, producteur de plants ­estampillés ­Végétal local en Gironde, pour les pépinières Naudet. Avec plus ou moins de succès selon les espèces. Par exemple, le cornouiller mâle est encore très capricieux à faire germer. » Cette année, ces pépinières ont mis en culture près de 500 000 graines Végétal local récoltées dans plusieurs des régions. Car la graine peut germer hors de son sol natal, l’essentiel étant de la replanter dans sa région d’origine.

Une achillée millefeuille peut en cacher une autre

Savez-vous d’où vient la majorité des achillées millefeuille vendues dans les jardineries françaises ? De France, pourriez-vous dire, puisque c’est une plante très répandue dans nos contrées. « Pas du tout !, répond Sandra Malaval, du Conservatoire botanique national Pyrénées et Midi-Pyrénées. Ces achillées millefeuille proviennent surtout de graines récoltées en Nouvelle-Zélande et vendues à bas prix, comme des sous-produits de culture. » Mais si elles sont moins chères, il faut leur ajouter 19 000 km de voyage… On imagine la facture en énergie fossile. Sandra Malaval pointe encore un autre défaut : « Ce ne sont pas les mêmes plantes que chez nous, leur patrimoine génétique est différent. Dès lors, l’achillée millefeuille néo-zélandaise peut fleurir au mauvais moment, en décalage horaire avec nos insectes pollinisateurs locaux, qui n’auront du coup rien à manger. » Au moment de planter, mieux vaut donc toujours privilégier les espèces locales, en phase avec notre écosystème.

Dans le bassin parisien, un groupement d’intérêt économique (GIE) de cinq pépiniéristes s’est également lancé dans l’aventure Végétal local. « On voulait être précurseur sur cette niche de marché », indique Olivier Garcin, directeur des pépinières Allavoine. Pour le moment, les ventes des plants labellisés ne sont pas à la hauteur des attentes, mais il veut croire à une prise de conscience des acheteurs. À condition aussi de renforcer le réseau local : « Les 11 régions sont trop vastes. Faire des kilomètres pour acheter nos plants chez les rares naisseurs de notre zone biogéographique, ce n’est pas écologique. »

Pour une végétalisation responsable

Les fondateurs de la marque le reconnaissent : la filière est émergente et il faut du temps pour étoffer le réseau. Du temps, aussi, pour inciter des acteurs importants comme les agriculteurs, les aménageurs et les collectivités à investir dans une végétalisation plus responsable. Or une plante Végétal local coûte 30 à 80 % plus cher qu’une plante commune… Ce qui n’a pas empêché certains de franchir le pas : la société d’autoroutes ASF utilise ce type de plantations sur des chantiers, et des maraîchers demandent des plantes mellifères pour les abeilles.

Pour se déployer, la marque a également besoin des subventions de l’Union européenne, de la Région ou encore du privé, comme la Fondation Yves Rocher. « Des appels à projets permettent aux agriculteurs de payer seulement 50 % des plants. Nous demandons actuellement au Conseil régional de bonifier les aides à 70 % », précise Pierre-Alexis Nizan, collecteur et militant de Jura Nature Environnement. Un cycle vertueux s’amorce pour renforcer le patrimoine génétique de notre flore. Un jour, qui sait, nous aurons même la sagesse de laisser croître les plantes là où le vent et les oiseaux les portent.

Et si vous plantiez local ?

Si vous souhaitez planter sauvage et local, voici le mode d’emploi. Déjà, ne vous attendez pas à avoir toujours des plantes très esthétiques, car les végétaux « moches » ou tordus renforcent le patrimoine génétique des espèces. Ensuite, une règle d’or : les replanter dans leur région d’origine, car un viorne obier du Nord - Pas-de-Calais (Viburnum opulus), par exemple, n’aura pas le même ADN que son copain alsacien. Les conservateurs botaniques de vos régions auront plein de conseils en la matière. Voici déjà trois suggestions d’arbres et d’arbustes sauvages :

  1. L’érable champêtre (Acer campestris) et sa sève sucrée, à planter dans le Massif central, le Bassin parisien sud, le Massif armoricain, la zone méditerranéenne et le Nord-Est.
     
  2. L’amélanchier (Amelanchier ovalis) et ses baies comestibles : dans le Nord-Est, le Bassin parisien et la zone méditerranéenne.
     
  3. Le genévrier commun (Juniperus communis) et ses baies utilisées en aromates, dans le vin et les liqueurs : presque partout en France.

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