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Le silène enflé : un légume printanier

Silène (Silene vulgaris)
Silène (Silene vulgaris)

Quand on le rencontre en fleur dans les prés estivaux, on a du mal à imaginer que le silène enflé puisse être l'un de nos meilleurs légumes printaniers. Il faudra apprendre à reconnaître ses tendres pousses pour en faire ses délices. 

Tous les enfants de la campagne, je pense, se sont amusés à faire éclater sur le dos de leur main les « claquots » des silènes enflés. En tout cas, je ne m’en privais pas lorsque, chaque été, j’avais la chance d’aller gambader des jours entiers dans les prairies subalpines du Beaufortain. Le jeu est simple. Il suffit de cueillir délicatement la fleur épanouie en prenant soin de conserver un fragment du pédoncule afin de ne pas déchirer le calice, de refermer soigneusement ce dernier entre ses doigts du côté de la corolle et de le frapper violemment contre le revers de l’autre main. Le bruit ainsi produit évoque celui d’un petit pétard et nous raffolions de ce divertissement bien innocent…

Ce n’est que beaucoup plus tard que j’appris à mettre à profit les vertus alimentaires de cette plante si commune. Je rendis visite en début de printemps à un ami qui habitait un lieu perdu au sud des Corbières. Il m’emmena un matin à la cueillette des plantes sauvages locales pour notre repas de midi. Sur un talus herbeux poussaient de tendres feuilles d’un vert bleuté formant un tapis dense. « Goûte-les crues telles quelles, tu vas voir, c’est délicieux ! Ici on appelle ça les colis. » Effectivement, je fus agréablement surpris de leur saveur sucrée et de leur curieux arôme de petit pois « mange-tout » frais. Cuites à la vapeur et copieusement arrosées d’huile d’olive, ces pousses de silène enflé – je les reconnus facilement grâce à sa description de la plante adulte – s’avérèrent franchement très bonnes !

Depuis lors, j’en fis fréquemment usage, y compris lors de mes stages. Jusqu’à ce que m’arrive une curieuse aventure. Nous avions récolté une belle quantité de tendres tiges de silène, quelque peu...

montées, je dois l’avouer, mais croquantes à souhait et dépourvues d’amertume. Elles figuraient, légèrement bouillies, puis égouttées, à notre menu, juste avant le dessert, une mousse préparée avec les fleurs délicatement parfumées de la primevère officinale. Notre silène était très bon, bien que moins fin qu’à l’habitude, mais tout le monde l’apprécia. Vint alors notre mousse. Désagréable surprise, l’entremets n’était pas sucré – alors que je l’avais préparé moi-même et n’avais certes pas oublié l’édulcorant ! En outre, ajouter du sucre n’y changea rien… Je pris alors une cuillerée de sucre : incroyable ! Il n’avait pas le moindre goût. Les autres saveurs restaient perceptibles, mais pas le sucré. Tous les participants firent la même expérience angoissante. J’établis le lien avec nos pousses de silène dont les saponines avaient dû bloquer les récepteurs sucrés de notre langue. Au bout d’une heure, enfin, les effets s’estompèrent et nous pûmes recommencer à apprécier les douceurs de la vie… Conclusion, il ne faut cueillir les jeunes feuilles du silène enflé que lorsqu’elles sont vraiment très jeunes, avant l’apparition des tiges. Si l’on arrive un peu trop tard en saison, il sera préférable de les faire cuire à l’anglaise, dans un grand volume d’eau salée, puis de les refroidir rapidement dans de l’eau très froide. C’est d’ailleurs une bonne façon de leur conserver une belle couleur vert vif.

Jeunes feuilles de silène

Silène était un satyre, père adoptif du dieu de la vigne Dionysos, devenu Bacchus chez les Romains. Vu sa propension à la bonne chère ainsi qu’à la boisson, on le représente habituellement avec un ventre démesurément enflé. Or le calice de notre plante l’est de façon caractéristique : les botanistes, culturellement baignés de mythologie antique, lui ont donc donné ce nom qu’ils jugeaient approprié.

Herbier

Le silène enflé (Silene vulgaris) est une plante vivace de 20 à 60 cm, généralement glabre, d’aspect variable, très jolie lors de la floraison. Ses tiges dressées, rameuses, portent des feuilles opposées, entières, sessiles, ovales ou lancéolées, aiguës au sommet et atténuées à la base, d’un vert bleuté, un peu caoutchouteuses au toucher. Les fleurs blanches, à cinq pétales libres profondément échancrés au sommet, sont entourées d’un calice formé de cinq sépales soudés, renflé en vessie, présentant vingt nervures ramifiées en réseau. Elles sont réunies en cymes lâches au sommet des rameaux et s’épanouissent d’avril à août. Les fruits sont des capsules rigides presque globuleuses, surmontées de cinq dents aiguës. Le silène appartient à la famille des Caryophyllacées, tout comme l’œillet, avec ses cinq pétales évocateurs de ceux de son célèbre cousin.

La plante est commune dans les prés, au bord des chemins et sur les talus de toutes nos régions. Une quarantaine d’autres espèces poussent en France, mais aucune ne possède de calice renflé en vessie à nervures en réseau.

Recette sauvage - Silène aux pignons

Ingrédients : Jeunes pousses de silène pignons huile d’olive sel aux herbes

  1. Faites cuire quelques minutes à la vapeur de jeunes pousses de silène enflé qui doivent rester croquantes.
  2. 2. Grillez très légèrement dans une poêle les pignons. Mettez éventuellement une couche très mince d’huile au fond de la poêle pour éviter qu’ils ne brûlent, et surtout remuez bien.
  3. Servez les pousses de silène agrémentées d’un filet d’huile d’olive et accompagnées des pignons grillés, légèrement saupoudrées de sel aux herbes. La finesse des saveurs est remarquable.

Retrouvez toutes les chroniques de François Couplan dans la rubrique « Cueillette sauvage »

François Couplan organise des stages de découverte des plantes sauvages comestibles et médicinales, ainsi qu’une formation complète sur trois ans. Il est l’auteur de nombreux ouvrages. www.couplan.com

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