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L'arolle, le pignon
des montagnes

L'arolle, le pignon des montagnes

Les graines du pin pignon, consommées depuis l’Antiquité dans la région méditerranéenne, ont leurs pendants en montagne : les graines d’arolle. Moins connues que les premières, elles sont tout aussi savoureuses. 

C’était dans les montagnes du Valais, en Suisse. Au-dessus des mélèzes poussait un curieux pin aux branches touffues et au tronc gris. Dans la forêt, pas un bruit. Soudain, un grincement répété emplit l’air, comme deux pièces métalliques frottées l’une contre l’autre. Dans un froufroutement d’ailes, je vis s’enfuir le coupable : un gros oiseau d’un brun noir tacheté de blanc au long bec pointu – le casse-noix moucheté, cousin du corbeau. J’appris dans la littérature que ce corvidé avait pour particularité de se nourrir des graines contenues dans les cônes dodus de l’arolle, ou pin cembro. Celui-ci pousse tout au sommet de l’étage subalpin, dans les plus hautes montagnes d’Europe, jusqu’à la limite supérieure de la végétation – il faut dire qu’il résiste à des températures de - 60 °C, ce qui est un record pour nos arbres indigènes. Et, de fait, je découvris sur le sol un certain nombre de cônes manifestement déchiquetés par l’oiseau criard, qui en avait prélevé les graines. Avec un peu de persévérance, je finis par dénicher un cône entier. Ses écailles grisâtres, presque bleutées, se déchiraient assez facilement ; je pus sans grandes difficultés en extirper une grosse graine à la coque assez fine pour être cassée entre les dents, dont je trouvais l’amande fort savoureuse. Jadis, les montagnards les récoltaient et les mangeaient. Elles constituaient un apport non négligeable à leur alimentation, souvent peu variée.

Les pins possèdent des feuilles en forme d’aiguilles groupées par une, deux, trois...

, quatre ou cinq dans un faisceau. Celles de nos pins européens sont réunies par deux, à l’exception de l’arolle chez qui elles le sont par cinq – pour cette raison, ses aiguilles sont très fines. Il en existe d’autres espèces en Amérique et en Asie, connues le plus souvent sous le nom de « pins blancs », qui toutes fournissent des graines comestibles.

J’ai eu l’occasion de rencontrer en Bulgarie, dans les montagnes surplombant Sofia, une espèce très voisine de notre arolle, le pin des Balkans (Pinus peuce) qui, apparemment, lui ressemble en tous points. En Russie, j’ai fait la connaissance du pin de Sibérie (Pinus sibirica), lui aussi un proche parent. Il représente toujours, en particulier dans les monts de l’Altaï, une ressource importante pour les populations locales. En arrivant à Novossibirsk, la capitale sibérienne, j’allai visiter le marché, comme chaque fois que je découvre une nouvelle ville. Ce qui me frappa, ce fut les quantités de pignons que l’on y vendait, tels quels, mélangés à du miel ou sous forme d’une huile jaune clair, très fine. Par confusion avec les cèdres, on les nomme là-bas « kedr ». Ils sont aujourd’hui importés en Europe, dans les magasins bio où nous les commercialisons sous l’appellation erronée de « noix de cèdre ».

Le pin de Sibérie pousse en altitude, comme l’arolle. Il forme, à partir de 1 500 m, de vastes forêts de toute beauté. Curieusement, un grand nombre de ces arbres majestueux sont couverts d’oripeaux colorés que les gens leur accrochent en remerciement des vœux qu’ont exaucés les esprits : nous sommes ici en plein pays du chamanisme, et ces pins ne se contentent pas d’être des arbres nourriciers… Ce sont les repaires des dieux ! Peut-être en a-t-il été de même, dans les temps lointains, de nos arolles qui ne sont plus, à présent, appréciés que des oiseaux.

Herbier

L’arolle (Pinus cembra) est un arbre de taille moyenne, pouvant atteindre une trentaine de mètres de hauteur. Son écorce gris-verdâtre est longtemps lisse, puis se craquelle. Les feuilles, longues de 6 à 12 cm, sont fasciculées par cinq. Assez souples, aiguës, d’un vert clair en dessous et bleutées en dessus, elles sont ­entourées à la base par une gaine qui disparaît rapidement. Les chatons mâles, oblongs, sont d’abord rouges, puis jaunes, du fait du pollen. Ils paraissent en juin. Les cônes femelles, directement portés sur le rameau, sont épais, trapus, longs de 8 à 10 cm sur 5 à 6 cm de large, d’un gris mat. Les écailles qui les forment sont à peine ligneuses, avec un écusson peu épais, ridé en long, saillant vers le bas. Ils renferment de grosses graines de 8 à 12 mm, mates, munies d’une aile très courte restant adhérente à l’écaille. Elles ne mûrissent que dans les deux ans suivant la fécondation.

L’arolle pousse dans les forêts des hautes montagnes, dans les Alpes. Il a donné son nom au village d’Arolla, dans le Valais, en Suisse.

Recette sauvage

Silène aux pignons d’arolle

Ingrédients Jeunes pousses de silène • pignons • sel aux herbes
  1. Faites cuire quelques minutes à la vapeur de jeunes pousses de silène enflé (Silene vulgaris), qui doivent rester croquantes.
  2. Grillez très légèrement dans une poêle les pignons d’arolle, en remuant constamment.
  3. Servez les pousses de silène accompagnées des pignons grillés et dégustez-les tels quels, à peine saupoudrés de sel aux herbes. La finesse des saveurs est remarquable.
  4. Les pignons d’arolle peuvent être remplacés par ceux de pin du commerce (le Pinus pinea méditerranéen ou, plus souvent, de diverses espèces chinoises).
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