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Le panicaut : un goût unique de... carotte

Le panicaut : un goût unique de... carotte

Il pique comme un chardon et présente des inflorescences trapues qui évoquent les capitules de ce dernier. Pourtant, contre toute apparence, il n'a rien à voir avec lui. C'est en le goûtant que s'éclaircit le mystère…

Comme tout le monde, je pense, il m’a fallu longtemps pour me rendre compte que le chardon-roland n’en était pas un. Pourtant, il pique ! Et je pensais qu’ainsi nommé, il devait être dédié à Roland de Roncevaux, le seul dont l’histoire ait retenu le nom. Mais pas du tout, j’appris sur le tard qu’il s’agissait d’une déformation de « chardon roulant »… En effet, lorsque la plante a formé ses graines, elle sèche et bientôt sa tige se casse à sa base. Le vent l’emporte alors et la fait rouler sur la prairie où elle vivait, à la façon des célèbres tumbleweeds des déserts américains… Ce faisant, elle dissémine ses semences loin de la plante mère. Cette faculté porte le joli nom botanique d’« anémochorie », ce qui signifie « transport par le vent ». Les érables, tilleuls et pissenlits possèdent eux aussi, d’une autre manière, cette particularité.

Cueillette

  • Jeunes feuilles mars et avril
  • Racine toute l’année

Mais ce n’est pas tout : j’appris aussi que mon « chardon » n’appartenait pas à la famille des chardons – les Astéracées – comme les cirses, les cardons, les onopordes et une multitude d’autres plantes herbacées aux feuilles épineuses. Non, le panicaut est une Ombellifère – on parle depuis soixante ans d’Apiacées – au même titre que la carotte, le fenouil ou le céleri. C’est difficile à croire, car ses inflorescences ressemblent beaucoup plus au capitule des Composées qu’à des ombelles caractéristiques. Mais en les observant de plus près, je me rendis compte que chaque fleur individuelle était entourée de petites feuilles épineuses : chaque ombelle secondaire, ou « ombellule », est en fait composée d’une fleur unique entourée d’un involucre coriace et se trouve compactée contre les autres par la disparition des pédoncules – formant une inflorescence contractée et piquante.

Cela ne tombe pas sous le sens par la seule...

observation, mais il existe un moyen simple, en l’occurrence, de s’assurer de la véracité du fait : les Apiacées fabriquent presque toutes des essences aromatiques particulières, différentes les unes des autres, mais globalement proches, avec le plus souvent des notes fruitées typiques. Ce qui fit naître en moi la conviction que j’avais bien affaire à une plante de cette grande famille fut de goûter une jeune feuille : elle avait une saveur de carotte.

Et d’ailleurs, le panicaut se mange. Je vous sens incrédules : comment peut-on croquer dans un végétal aussi dur et piquant ? Même un âne n’en voudrait pas ! Eh bien c’est très simple : il suffit de le récolter dans sa tendre jeunesse. Tous les tissus végétaux commencent au stade du méristème, c’est-à-dire d’un tissu formé de cellules indifférenciées dont les parois ne comportent pas encore de cellulose et sont donc molles. C’est ainsi que l’on apprécie les jeunes turions des asperges ou les pousses des bambous qui donneront par la suite des tiges d’une résistance à toute épreuve.

Dès que vous les voyez sortir de terre, en mars ou en avril selon les lieux, cueillez donc les petites feuilles du panicaut des prés, que vous pourrez déguster en salade ou comme accompagnement. Vous rejoindrez ainsi la tradition de la récolte printanière du khors aani (Eryngium creticum), qui se cueille au Liban de façon aussi courante que les pissenlits sous nos latitudes. Il possède lui aussi un petit « goût de carotte » très agréable. On le fait généralement cuire à l’eau bouillante pour le servir copieusement arrosé d’huile d’olive et relevé d’un jus de citron. Parfois, les feuilles sont frites ou conservées au vinaigre.

Notre panicaut champêtre a encore d’autres cousins, moins répandus mais plus célèbres. Le fameux « chardon des Alpes » (Eryngium alpinum), aux tiges élancées et aux inflorescences échevelées d’un violet superbe en est un lui aussi : c’est l’une de nos plantes protégées les plus spectaculaires. Il en est de même du curieux « chardon des dunes », en fait le panicaut maritime (Eryngium ­maritimum) qui peuple les côtes sableuses de l’Europe. Certes, ses racines étaient confites au sucre ou au miel dans l’Angleterre élisabéthaine. Mais l’espèce figure sur la liste rouge des espèces menacées en France et ne peut donc en aucun cas être ramassée.

La racine du panicaut champêtre est ligneuse, mais elle est nutritive et sa saveur aromatique et sucrée est agréable. On peut la couper très finement et l’ajouter crue aux salades, ou la cuire à l’eau, puis éventuellement la passer au moulin à légumes pour en faire une purée. Elle est diurétique et apéritive.

Herbier

Le panicaut (Eryngium campestre) est une plante vivace de 30 à 60 cm, très épineuse, ressemblant superficiellement à un chardon. Sa tige dressée, robuste, très rameuse, porte des feuilles alternes, raides et coriaces, divisées en lobes d’un vert blanchâtre bordés d’épines, mais glabres. Les feuilles de la base présentent un pétiole allongé, tandis que les supérieures sont sessiles. Les petites fleurs blanchâtres sont groupées en « capitules » ovoïdes ou arrondis entourés d’un involucre de 4 à 6 bractées épineuses allongées. Elles apparaissent de juillet à septembre. Les fruits sont des diakènes caractéristiques de la famille, mais couverts d’écailles et terminées en pointe. Les parties souterraines sont formées d’une racine principale allongée atteignant 5 mètres, portant des bourgeons adventifs. Le panicaut champêtre est commun dans les lieux arides, les coteaux secs et les bords des chemins. Plus de vingt espèces voisines poussent en Europe, dont six en France. Plusieurs d’entre elles sont teintées de violet.

Recette sauvage

Ingrédients : Quelques pommes de terre à chair ferme • Un bol de pousses de panicaut • Une laitue • Jus de citron • Huile d’olive • Levure alimentaire • Sel.

  1. Faites cuire à la vapeur ou à l’eau des pommes de terre ne se délitant pas, puis pelez-les et coupez-les en tranches dans un saladier.
  2. Ajoutez-y les pousses de panicaut coupées en morceaux et les feuilles de laitue.
  3. Nappez d’une sauce préparée avec le jus de citron, l’huile d’olive, la levure alimentaire et le sel.
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