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Les microbes, ces alliés santé invisibles (4/4)

Les microbes ont hérité d'une mauvaise réputation au fil des siècles. Pourtant, leur présence au sein de notre corps, de la nourriture que nous mangeons et de l'environnement est source de bienfaits considérables pour notre santé. Observons à la loupe les rôles insoupçonnés de ces êtres invisibles,  et découvrons comment en faire des partenaires de vie, plutôt que des ennemis à combattre.  

En symbiose avec l'environnement microbien

En symbiose avec l'environnement microbien

Si les microbes disparaissaient de la surface de la terre, la vie végétale, animale et humaine ne pourrait se perpétuer longtemps. Car ces organismes assurent « la production d'oxygène, la nutrition des plantes, la décomposition de la matière organique et les cycles biogéochimiques », détaille le microbiologiste Laurent Palka dans son livre Le Peuple microbien (éd. Quae). « On comprend de mieux en mieux le peuple microbien, et l'effet de vases communicants entre les microbes du sol, de l'air et des milieux aquatiques et la mosaïque de microbiotes des plantes, des animaux et des humains », précise ce chercheur du Muséum national d'histoire naturelle.

Sans les voir, nous vivons au contact permanent des bactéries, champignons et virus. Ils voyagent dans les micropoussières de l'air ambiant, dans les gouttelettes des embruns marins, naviguent en milieu aquatique telles les cyanobactéries (micro­algues), précieuses pour piéger le CO2… et ils foisonnent particulièrement dans l'humus et les sous-sols terrestres. Un gramme de sol contient un milliard de bactéries, dont un million d'espèces différentes, sans compter les champignons et les virus. Tous ces micro-organismes du sol, surtout concentrés autour des racines des plantes, forment un réseau qu'on appelle la rhizosphère, et échangent avec elles des nutriments. C'est le cas des bactéries Rhizobium spp vivant en symbiose avec les légumineuses pour leur apporter de l'azote, ou des champignons Glomus intraradices, qui régénèrent des sols dégradés en boostant la capacité des racines végétales à absorber de l'eau et des nutriments. Toute cette diversité microbienne est bénéfique car « elle engendre une saine compétition entre micro-organismes et laisse moins de place à ceux qui sont pathogènes », décrypte Laurent Palka. De fait, grâce à cette diversité, les plantes résistent naturellement mieux aux maladies et créent même leur propre microbiote, appelé phytobiote, qui se développe dans les racines et les parties aériennes des plantes.

Le pouvoir des huiles essentielles eubiotiques

En aromathérapie, on parle de « l'action eubiotique des huiles essentielles, c'est-à dire allant dans le sens de la vie, par opposition à la notion d'antibiotique, contre la vie », souligne l'aromatologue et docteur en pharmacie Michel Faucon. Elles seraient capables de faire un « tri sélectif » entre bactéries utiles et pathogènes, car notre organisme « reconnaît ces molécules actives naturelles, qui existaient bien avant notre apparition sur Terre ». Autre atout, chaque huile essentielle (HE) contient des centaines de molécules, contrairement à un antibiotique, composé d'une unique molécule à laquelle les bactéries s'habituent et contre laquelle elles apprennent à se défendre. L'expert propose donc de renforcer l'action des antibiotiques avec des HE antibactériennes (tea tree, thym à linalol et géraniol, palmarosa, bois de hô) afin de générer plus d'efficacité et moins d'antibiorésistance.

Le conseil : En cas d'infection, telle une cystite déclenchée par Escherichia coli, un professionnel de santé va préconiser un traitement antibiotique pour « taper vite et fort » pendant quelques jours. Les HE anti-infectieuses prendront ensuite le relais, diluées à 10 % dans une huile végétale.

Cultiver les bons microbes du jardin

Voici une raison de plus de se mettre au jardinage, même lorsqu'on vit en zone urbaine. Une étonnante étude finlandaise démontre que toucher de la terre, riche en bactéries, est bénéfique...

pour la santé. Les chercheurs ont demandé à des citadins de cultiver des légumes dans des jardinières. La moitié du groupe a reçu de la terre simili forestière, riche en microbes, composée d'écorces et de feuilles d'arbres, paillis, fumier, tourbe et mousse de sphaigne. Les autres ont utilisé de la simple tourbe, pauvre en microbes. Au bout d'un mois seulement, l'analyse des microbiotes cutanés des participants a révélé une diversité de bactéries bien supérieure sur la peau des jardiniers en contact avec de la terre forestière. Et leur bilan sanguin indiquait une activité anti-inflammatoire plus élevée.

À l'inverse, l'utilisation massive de produits pesticides, phytosanitaires et engrais chimiques dégrade et appauvrit la vie microbienne du sol comme des végétaux. Sous couvert d'éviter les maladies et d'augmenter les rendements dans les cultures agricoles, on empêche les champignons et les bactéries de jouer pleinement leur rôle régulateur et facilitateur auprès des plantes. Sur le plan médical aussi, la lutte contre les infections bactériennes se traduit par un recours à outrance aux antibiotiques. L'utilisation excessive de ces traitements destinés à détruire ou inhiber les bactéries (et non les virus !) a favorisé à la longue leur mutation et le développement de mécanismes de résistance. Au point que l'OMS dénombre actuellement 15 familles de bactéries antibiorésistantes qui menacent la santé mondiale, dont Pseudomonas aeruginosa, responsable d'infections pulmonaires. Sans compter que ces antibiotiques et bactéries résistantes se retrouvent, via les déjections, dans les eaux usées, polluant ainsi les nappes phréatiques et milieux aquatiques.

Aujourd'hui, au lieu de ne voir les microbes de notre environnement que comme des envahisseurs à repousser, la communauté scientifique oriente ses recherches sur les services rendus à notre santé. Dans son livre Vive les microbes ! (éd. La Découverte), la journaliste d'investigation Marie-Monique Robin met en avant la vaste expérimentation « Pasture » qui étudie depuis 2001 « les liens entre la vie à la ferme et la protection contre les allergies ». L'équipe internationale de chercheurs a suivi 1 000 bébés en France, Allemagne, Autriche, Suisse et Finlande, jusqu'à leurs 20 ans, la moitié des enfants vivant à la ferme et les cinq cents autres, non. Au fil des ans, de nombreux prélèvements et tests ont comparé leur santé et l'état de leurs microbiotes (intestinal, ORL, cutané). Conclusion : les enfants des fermes présentent deux fois moins de risques d'allergies, asthme, eczéma… que les autres. Selon les chercheurs, le fait d'être exposé dès le plus jeune âge, et surtout dans la première année de vie, à une grande diversité microbienne présente dans les étables, le lait cru, la paille, le fumier et chez les vaches, stimule davantage les défenses immunitaires. La présence de moisissures tels les penicilliums, de champignons comme les eurotium et de multiples bactéries de type Lactococcus lactis et Staphylococcus sciuri, forme un cocktail de microbes qui se révèle protecteur contre les réactions allergiques et l'asthme. Ainsi, plutôt que de devoir suivre un protocole contraignant, on pourrait se protéger en adoptant d'autres comportements dès l'enfance.

Lactococcus lactis et les maladies atopiques

Lactococcus lactis est une bactérie très répandue dans l'environnement, mais son origine reste mystérieuse. Si on la trouve dans le lait cru des vaches et sur la peau des bovins, certaines études suggèrent qu'elle viendrait d'abord des végétaux tels que le maïs, les choux, les pois ou la laitue. Lactococcus lactis est aujourd'hui surtout utilisée dans l'industrie fromagère car en consommant le glucose du lait, cette bactérie produit de l'acide lactique, un élément essentiel à la fabrication des produits laitiers fermentés. Mais on découvre aussi ses propriétés thérapeutiques. Selon l'expérimentation « Pasture » menée dans des fermes, l'exposition précoce à un mélange de bactéries dont Lactococcus lactis protège contre les maladies atopiques. Dans d'autres travaux, on a constaté qu'elle rendait le gluten de blé moins allergène en le fermentant. Enfin, cette bactérie lactique s'avère une piste prometteuse contre l'eczéma lors de traitements oraux administrés à des souris.

Suivre un protocole antiallergie

Si le contact dès l'enfance avec un environnement riche en microbes s'avère protecteur contre les allergies, notamment saisonnières, on peut aussi agir lorsqu'on a un terrain sensible.

Il faut s'y prendre « bien en amont de la période de crise pour préparer le corps à être moins réactif aux allergènes », explique Sabrina Biscardi, praticienne en herboristerie et experte en endobiogénie. Cette approche médicale naturelle qui vise les mécanismes de régulation du système neuroendocrinien, permet de « diminuer la sensibilité aux allergies et l'intensité des crises ». Pour cela, elle propose ce protocole à suivre, en lien avec son médecin, pendant au moins un mois avant de s'exposer aux pollens ou autres allergènes, et durant toute la période où ils sont actifs :

  • Diminuer fortement gluten, sucre et produits au lait de vache, qui stimulent la production de mucus au niveau ORL.
  • Rééquilibrer le microbiote avec des aliments lactofermentés, en évitant les antibiotiques.
  • Faire une cure de plantes aux propriétés antihistaminiques et régulatrices du cortisol pour soutenir l'activité des surrénales, actrices essentielles de l'immunité.

À faire

  • Dans un flacon de 60 ml, mélanger 30 ml de bourgeons de cassis et 30 ml de bourgeons d'églantier. Prendre 15 gouttes du mélange à 11 h du matin.
  • Dans un flacon, mélanger à parts égales des teintures-mères d'euphraise (ou ronce), lavande vraie, plantain et ortie (50 ml de chaque). Prendre 2,5 ml de la préparation 2 fois par jour.

À savoir : En cas de crise allergique aiguë, augmenter le dosage : 15 gouttes 3 fois par jour, sauf en cas d'hypertension pour la première, et jusqu'à 3 fois 5 ml par jour pour la seconde.

De plus en plus de chercheurs nous invitent à agir autrement. On peut par exemple cultiver soi-même de bons microbes, utiles à la biodiversité comme à notre santé… en jardinant, même en ville, comme le montre une récente étude finlandaise (lire ci-dessus). Alors jardinons malin, à mains nues, à condition, conseille le microbiologiste Laurent Palka, « de ne pas avoir de blessure ou de plaie même minime par lesquelles des bactéries du sol pourraient venir nous infecter », comme par exemple Clostridium tetani, qui donne le tétanos.

À la maison, nous pouvons aussi adopter un ménage moins délétère avec des produits naturels comme le savon noir ou de Marseille, le vinaigre blanc, le bicarbonate et les cristaux de soude, le jus de citron… Et arrêter de désinfecter à outrance à l'eau de javel ou avec des produits trop bactéricides, suspectés d'entretenir l'antibiorésistance. Face à celle-ci, on peut aussi se soigner avec plus de discernement en utilisant, en complément des antibiotiques, certaines huiles essentielles aux propriétés eubiotiques. « Elles auraient en effet la propriété de détruire les germes pathogènes de l'organisme, en épargnant les germes commensaux, c'est-à-dire ceux qui sont naturellement présents et utiles à notre organisme. », souligne Michel Faucon, docteur en pharmacie et aromatologue.

Enfin et surtout, il est urgent de comprendre que les bébés et les enfants ne se salissent pas en jouant dans la terre, la boue, la forêt… mais se fabriquent un bon microbiote. Dans leurs pas, nous devrions passer plus de temps en pleine nature, marcher pieds nus, nager dans les rivières, respirer l'air marin, faire la sieste dans l'herbe, cueillir des plantes et des champignons. Par ce contact répété avec différents écosystèmes microbiens, nous pouvons devenir plus robustes.

Des embruns stimulants

Si l'air marin est bon pour notre santé immunitaire, ce n'est pas parce qu'il est pur… mais au contraire chargé en petites bactéries ! C'est la découverte récente et inédite de chercheurs belges du laboratoire d'Ostende qui ont mis en contact des microgouttelettes d'eau de mer – comme celles que nous inhalons grâce aux embruns – avec des cellules humaines. Ils ont constaté que cet air marin contenait une faible dose de diverses bactéries ainsi que des endotoxines, des molécules néfastes lorsqu'elles sont en trop grande quantité. Ici, les analyses montrent qu'à petite dose, ce cocktail de microbes vient entraîner nos défenses immunitaires. Respirer les embruns nous rend donc moins réactifs aux infections, à condition toutefois que la mer ne soit pas polluée… D'autres études prévoient d'identifier précisément quelles bactéries sont bénéfiques et comment elles agissent.

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