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Biodiversité, mais que fait la police de l'environnement ?

Inventaire floristique dans une petite zone humide alcaline sur la commune d’Ispagnac (Lozère), dans le cadre de son Atlas de la biodiversité communale. Cette zone abrite de nombreuses linaigrettes à feuilles larges.
Inventaire floristique dans une petite zone humide alcaline sur la commune d’Ispagnac (Lozère), dans le cadre de son Atlas de la biodiversité communale. Cette zone abrite de nombreuses linaigrettes à feuilles larges.

Face à un effondrement sans précédent de la biodiversité, des acteurs agissent sur le terrain pour faire appliquer les objectifs ambitieux annoncés par les gouvernements et lors des COP. À quoi ressemble le quotidien de cette « police de l'environnement », et lui donne-t-on des moyens à la hauteur des ambitions affichées ? Une garde-monitrice de parc national et un spécialiste en droit de l'environnement nous répondent.

En Europe, une espèce sur cinq (animale comme végétale) est en péril d'extinction et 15 % des espèces de la flore sauvage de l'Hexagone sont menacées de disparition, principalement à cause des différentes activités humaines (lire l'encadré en fin ci-dessous, mais aussi par le pillage plus ou moins organisé de la nature. Ainsi, chaque été et chaque automne, les massifs du Jura et des Vosges continuent de voir affluer des ballets de cueilleurs en bandes organisées. Ces derniers pillent par centaines de kilos, voire par tonnes, des cèpes et des myrtilles que l'on y trouve en grande quantité.

À l'hiver 2021, dans des forêts ariégeoises ou audoises, des bûcherons étrangers employés par une société espagnole de sylviculture n'ont pas hésité à abattre des murs et portiques municipaux afin de couper illégalement avec leurs engins près de 400 chênes, sapins et frênes, situés sur des propriétés privées ou publiques. Et chaque année, des parcs nationaux comme celui du Mercantour se voient pillés de leurs euphorbes épineuses (Euphorbia spinosa), des petits buissons très répandus en région méditerranéenne, utilisés pour confectionner des couronnes de Noël.

Délinquance environnementale : qui fait quoi ?

Face à cette délinquance environnementale, des acteurs agissent concrètement pour tenter de faire appliquer les objectifs, ambitieux, de préservation de la biodiversité annoncés en grande pompe lors des COP. Ils forment ce que l'on appelle la « police de l'environnement ». Parmi ces derniers, on compte 1 700 inspecteurs de l'environnement de l'Office français de la biodiversité (OFB) ou de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), qui exercent au niveau régional ou départemental et disposent de pouvoirs de police administrative et judiciaire pour prévenir et sanctionner les atteintes à l'eau, la faune ou la flore. Ils peuvent également conduire des enquêtes. Au sein d'autres services, on trouve des agents ayant généralement une mission de police de l'environnement parmi leurs autres missions : des agents techniques, conservateurs des réserves naturelles, gardes du littoral et gardes champêtres ainsi que certains agents assermentés de collectivités territoriales.

Environnement : que faire si je suis témoin d'une infraction ?

Que ce soit votre voisin qui utilise des pesticides non autorisés aux particuliers ou les services communaux qui élaguent les haies sans faire attention aux espèces protégées, le spécialiste du droit de l'environnement Xavier Braud vous conseille d'aller voir les gendarmes : « Souvent, ils prennent le sujet au sérieux et sont très concernés. »

Avant d'entreprendre cette démarche, posez-vous toutefois deux questions : est-ce bien prohibé par la loi ? Est-ce suffisamment grave ? Pour vous y aider, vous pouvez faire appel aux lumières d'une association de protection de l'environnement ou vous rendre dans votre mairie pour en discuter.

A savoir : Il existe également des cartes interactives en ligne (comme celle des « Sentinelles de la nature » de l'association France Nature Environnement, sur Sentinellesdelanature.fr) qui permettent aux citoyens de signaler les dégradations afin de se sentir moins démunis face à une décharge sauvage ou un cours d'eau pollué.

La veille des territoires

Les gardes-moniteurs des parcs nationaux jouent également un rôle crucial en matière de police de l'environnement. Comme nous l'explique Géraldine Costes, garde-monitrice sur le massif de l'Aigoual, au cœur du parc national des Cévennes, cette tâche occupe environ un quart de son temps de travail. Elle consiste à faire de la veille, « c'est-à-dire à bien connaître le territoire et à aller à la rencontre de ses habitants (agriculteurs, exploitants, notamment), » mais aussi de la surveillance, en veillant à ce que la réglementation du parc soit appliquée. Lors de missions programmées, elle et ses collègues surveillent les cueilleurs, pêcheurs, chasseurs et touristes afin que ceux-ci respectent les quotas de cueillette, ne fassent pas de feux ou de campings non autorisés. Il arrive aussi que des missions « aléatoires » s'imposent à eux, comme lorsqu'ils constatent qu'un agriculteur a décidé, sans autorisation, de créer une piste ou qu'il laboure une prairie sensible.

Pour protéger les 2 300 espèces de plantes à fleurs et fougères qui poussent au sein du parc national des Cévennes, Géraldine Costes et ses collègues mettent en place des actions concrètes de prévention, en alliance avec les agriculteurs locaux et exploitants forestiers. Ainsi, des effets positifs ont été observés sur le lys de Saint Bruno (Paradisea liliastrum, un lis blanc très parfumé), qui a été protégé par la mise en place d'exclos, des enclos interdits au pâturage. Alors qu'il devrait décliner en raison du réchauffement climatique, il semble désormais se maintenir, voire croître.

Deux autres espèces rares, que l'on trouve cette fois en forêt, la gagée jaune (Gagea lutea) et l'érythrone dent-de-chien (Erythronium dens-canis) peuvent parfois être protégées des diverses activités forestières par un signalement à l'ONF et un marquage sur place via des balises ou de la peinture, qui obligent à contourner les zones concernées.

Géraldine Costes, garde-monitrice du parc national des Cévennes, en prospection naturaliste afin d’identifier des lichens dans une forêt du massif de l’Aigoual.

Présente sur le terrain, la police de l'environnement des parcs nationaux a ainsi la capacité d'agir avant une infraction ou, en urgence, avant que celle-ci ne prenne des proportions graves ou irrémédiables. Ainsi, chaque année, certains parcs réalisent jusqu'à 1 000 contrôles de surveillance.

Comme l'explique Géraldine Costes, au printemps les actions concernent plutôt la pêche – les week-ends de mai ce sont surtout les touristes (notamment ceux qui ne respectent pas les aires et règles de camping et de bivouac) ; à l'automne, le brame du cerf et la cueillette des champignons (limitée à un panier par personne) font grimper les interventions et l'hiver, c'est principalement aux chasseurs que l'on demande de bien respecter les consignes de sécurité et celles liées au gibier.

Sabot de Vénus, astragales de Marseille : ces fleurs sauvages menacées d'extinction

Sabot de Vénus, menacé d'extinction

En France métropolitaine, plus de 24 espèces de fleurs sauvages se sont éteintes au cours du siècle écoulé, dont la Violette de Cry (Viola cryana), endémique dans le département de l'Yonne. L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) établit qu'actuellement 15 % des espèces de flore sauvage de l'Hexagone sont menacées de disparition et les classe, par degré de gravité, comme « vulnérables », « en danger », ou « en danger critique ». Détruisant les habitats naturels de ces plantes, les activités humaines sont au premier rang des pressions qui menacent la flore sauvage, explique l'organisme.

Ainsi, nous pourrions bientôt ne plus apercevoir les épineux buissons des astragales de Marseille (Astragalus tragacantha), menacées par la surfréquentation touristique des garrigues littorales, les belles fleurs roses des pivoines corallines (Paeonia mascula) ou les fleurs violettes de la campanule de Baumgarten (Campanula baumgartenii), rendues vulnérables par le débroussaillage et l'élargissement des pistes forestières. Les cueillettes illégales ont également fragilisé le sabot de Vénus (Cypripedium calceolus) reconnaissable à ses fleurs spectaculaires, que l'on trouve notamment au sein du parc national des Cévennes. Décimées par l'agriculture intensive et l'usage d'herbicides, l'adonis couleur de feu (Adonis flammea), la nigelle des champs (Nigella arvensis, « en danger critique ») et autres anémones sauvages (Anemone sylvestris) pourraient également succomber, ainsi que de nombreuses autres espèces.

« Des lois que tout le monde bafoue »

En 2019, 684 infractions ont été relevées par les agents de la police de l'environnement qui travaillent au sein des dix parcs nationaux français (à l'exception du parc national de Forêts). Le parc national des Calanques, qui souffre énormément du tourisme, de diverses pollutions mais aussi du braconnage en mer, détient la palme avec 189 amendes par an et 63 procès-verbaux. Le parc national du Mercantour vient ensuite, celui des Cévennes arrive en troisième position, suivi des parcs nationaux de Port-Cros à Hyères et de la Vanoise dans les Alpes. Tous ces parcs, comme celui des Cévennes, sont « habités ». Cela signifie, explique Géraldine Costes, qu'ils subissent de nombreuses « pressions » exercées par les activités des agriculteurs, exploitants forestiers, mais aussi par les manifestations sportives qui peuvent s'y tenir.

Pour autant, explique Xavier Braud, maître de conférences en droit public à l'université de Rouen et spécialiste en droit de l'environnement, ce ne sont pas forcément les particuliers qui enfreindraient le plus les lois sur la biodiversité : « Les lois censées protéger l'environnement sont très mal appliquées, c'est certain. Tout le monde les bafoue. Mais, de façon générale, c'est surtout l'administration, et l'ensemble de la chaîne judiciaire, qui s'abstiennent de les faire respecter. » Il cite en exemple les particuliers qui taillent leurs haies au printemps sans faire attention aux nids d'oiseaux, mais explique aussi que ces infractions sont souvent le fait d'entreprises ou de collectivités locales, ce qui peut poser des conflits d'intérêts : « J'ai souvent eu des retours selon lesquels certains agents de préfecture ou de l'Office français de la biodiversité qui veulent bien faire leur travail sont freinés par leur hiérarchie. Les préfectures, par exemple, favorisent quasi systématiquement les activités économiques, au détriment des lois visant à protéger la biodiversité. »

Les gendarmes, premiers policiers de l'environnement

Deux autres acteurs méconnus jouent également un rôle de police environnementale : la police nationale et, surtout, la gendarmerie. Selon Xavier Braud, les gendarmes sont en effet les « premiers policiers de l'environnement » (lire l'encadré ci-dessous), notamment parce qu'ils couvrent l'ensemble du territoire et pas ­seulement les parcs et réserves naturels. Compétents pour constater toutes sortes d'infractions pénales liées à l'environnement (comme des aménagements de plans d'eau agricoles non autorisés), les gendarmes ont le mérite d'être « plus indépendants que des employés des services de l'État », donc plus efficaces, selon Xavier Braud, et il ne faut pas hésiter à leur signaler des infractions, ne serait-ce que pour leur permettre de « mesurer l'ampleur de la délinquance environnementale » (lire l'encadré ci-dessous).

Gendarmes : En première ligne pour protéger la biodiversité

Dès 1993, on peut croiser les « Free » (pour « formateurs relais environnement écologie ») près des cours d'eau avec leur mallette de prélèvements visant à surveiller les pollutions. En 2004 est créé l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP), associant gendarmes et policiers .

Ses 144 agents enquêtent sur les pollutions des aires naturelles (décharges ou dépôts d'amiante illégaux) ou les trafics de bois ou d'espèces sauvages (quatrième source de revenus criminels, après les stupéfiants, la contrefaçon et la traite d'êtres humains). Selon un rapport publié fin 2022, la criminalité environnementale est en hausse de près de 7% par rapport à 2016.

Stratégie nationale biodiversité 2030 : un « catalogue de belles ambitions » ?

Fin 2023, le gouvernement a présenté sa Stratégie nationale biodiversité 2030 avec plusieurs objectifs ambitieux : faire passer 10 % du territoire national sous protection forte en tant qu'aires protégées d'ici 2030, ou encore restaurer 50 000 hectares de zones humides d'ici 2026. Il a également annoncé vouloir « stopper puis inverser l'effondrement de la biodiversité », et s'assurer de « garantir les moyens d'atteindre ces ambitions ». Sur le terrain, la garde-­monitrice Géraldine Costes constate, au contraire, un décalage entre les ambitions affichées et les moyens réellement déployés. Seuls 17 agents de terrain œuvrent actuellement dans son parc national, contre une trentaine en 2005, à son arrivée. « Cela fait longtemps que l'on réclame plus de moyens », déplore-t-elle. Un « catalogue de belles ambitions », commente Xavier Braud, pour qui « des gesticulations politiques supplémentaires ne sont pas nécessaires » puisque nous avons « tout l'arsenal juridique suffisant ».

Il en est convaincu, le problème n'est pas vraiment le manque de moyens mais la structuration et l'organisation, notamment de la chaîne judiciaire qui « porte très peu d'affaires devant les tribunaux ». Pour que les actions menées par les différentes polices de l'environnement soient efficaces, il reste persuadé que nous avons besoin de magistrats motivés. Or, déplore-t-il, « les structures tournent souvent à vide » et les magistrats sont freinés par les services de l'État et changent trop régulièrement de poste pour être réellement efficaces. Plutôt que d'empiler les législations successives, il faudrait, selon ce spécialiste, continuer d'encourager la création de tribunaux régionaux, comme c'est le cas depuis 2021 avec la création de 37 pôles régionaux (attachés à un tribunal judiciaire) et spécialisés en matière d'atteintes à l'environnement.

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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