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Polyphénols et caroténoïdes,
les nutriments du 21e siècle ?

Épices : poivre et curcuma

À une époque où l’on dissèque les constituants de notre assiette, les pigments naturels responsables de la coloration des végétaux sont présentés comme les nouvelles stars de notre alimentation. Pleins phares sur le rôle de ces toutes petites molécules et sur l’intérêt d’une supplémentation en la matière.

Appartenant à la grande famille des pigments végétaux, polyphénols et caroténoïdes se déclinent en une multitude de variétés : flavonoïdes, anthocyanes, xanthophylles, carotènes… Alors que les polyphénols ont tendance à colorer les aliments du rouge au violet, la palette des caroténoïdes va du jaune au rouge-orangé. Ainsi, les myrtilles sont plus riches en polyphénols que les carottes qui, elles, contiennent davantage de caroténoïdes.

Une énième raison de préférer le bio

Les végétaux bio sont plus riches en polyphénols et caroténoïdes, mais aussi en d’autres substances antioxydantes comme les terpènes et les alcaloïdes, par rapport à des végétaux cultivés de manière traditionnelle, donc souvent traités avec des pesticides. Ceci s’explique par le fait que la sécrétion de ces molécules par les végétaux est stimulée par les agressions des insectes. Or, avec les pesticides, les végétaux n’ont quasiment plus besoin de se protéger : ils ne sécrètent donc presque plus ces molécules.

À l’origine, ces molécules servent de défenses immunitaires aux végétaux qu’elles composent. Une plante sécrète des pigments pour croître, s’adapter et résister de l’extérieur aux attaques des insectes. Par exemple, les tannins (polyphénols) présents dans les raisins éloignent bon nombre de prédateurs de par leur amertume.

Outre cette action défensive, on a découvert ces dernières années que ces colorants naturels pouvaient aussi protéger notre santé grâce à leur fort pouvoir antioxydant. Enfin, des études ont montré qu’ils agissent de manière ciblée comme anti-cancer, protecteurs cardio-vasculaires et neuronaux, anti-allergiques et bien d’autres.

Des bienfaits hauts en couleur

Parmi les polyphénols et les caroténoïdes, certains ont suscité davantage d’attention. Nos connaissances permettent aujourd’hui de souligner leurs propriétés précises ainsi que des façons de les employer au mieux. Ainsi, la lutéine et la zéaxanthine sont des caroténoïdes dont la consommation régulière a été associée à une protection contre la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).

Très présentes dans le jaune d’œuf, les légumes jaunes (maïs, poivrons) ou oranges (carottes, oranges…) et dans certains légumes verts (épinards), elles doivent être accompagnées de graisses pour être mieux absorbées, comme tous les caroténoïdes.

Curcumine, resvératrol et quercétine

De même le curcuma, et plus spécifiquement la curcumine, a fait l’objet de milliers d’articles. Ce phénol est l’une des molécules les plus prometteuses vis-à-vis du traitement du cancer, à tel point qu’un traitement complémentaire à base de curcumine est envisagé en parallèle de chimiothérapies ou de radiothérapies dans certains pays d’Asie. D’autres études ont montré qu’une administration de curcumine dégradait le redouté peptide amyloïde, la protéine s’accumulant dans le cerveau des individus atteint d’Alzheimer.

Le resvératrol fait également partie de cette classe de nutriments aux propriétés prometteuses. C’est un polyphénol très présent dans le raisin, donc dans le vin. La France, pays où la viticulture a du poids, s’y intéresse beaucoup. Les études qui lui ont été consacrées balayent un champ très large, faisant état de son action sur les cancers de la prostate, du sein ou du côlon, sur la sensibilité à l’insuline, l’expression de substances inflammatoires dans les artères, le taux de cholestérol sanguin…

Enfin, parmi ces molécules qui intéressent fortement la médecine, citons la quercétine qui donne une couleur plutôt jaune aux aliments. On la trouve en grande quantité dans l’oignon, le chocolat, les câpres et les myrtilles sauvages. Considérée comme l’un des polyphénols les plus puissants, elle possède aussi un pouvoir anti-allergique singulier.

De plus en plus de scientifiques signalent le caractère bienfaiteur des pigments, testés seuls in vitro. Mais cette approche molécule par molécule – sachant qu’un aliment en compte de 500 à 1 000 – ne fait pas l’unanimité. D’autres experts estiment que les nutriments ont besoin de leur contexte naturel, du totum de l’aliment, pour être complètement efficaces.

Comment fonctionnent-ils ?

« Que ce soit pour lutter contre le stress oxydatif, le cancer, l’athérosclérose, Alzheimer, les réactions allergiques ou le diabète, une molécule ne suffit pas », estime ainsi le Dr Anthony Fardet, chargé de recherche en alimentation préventive et holistique (lire ci-contre).

C’est toute une cascade de réactions mettant en jeu plusieurs types de molécules – fibres, vitamines, minéraux, alcaloïdes, terpènes, mais aussi glucides, lipides, protéines, eau... – qui donne au corps les moyens de lutter contre les agressions qu’il subit. En bref, toutes les molécules qui constituent notre alimentation, y compris celles que nous ne connaissons pas encore !

3 questions à Anthony Fardet, chargé de recherche en alimentation préventive et holistique 

Vous êtes critique vis-à-vis de la consommation de nutriments et micronutriments isolés. Pourquoi ?

Pour moi, isoler un micronutriment sous prétexte qu’il a une action précise et bénéfique à l’organisme, c’est négliger la complexité de la nature, c’est avoir une vision réductrice de l’alimentation. Je m’explique : une molécule seule n’a pas le même pouvoir que cette même molécule prise dans son contexte, c’est-à-dire dans l’aliment. Car il existe un tas d’interactions entre chacun de ses composants. C’est donc par leur richesse en antioxydants, mais aussi grâce à toutes leurs autres molécules et les liens qui les unissent, que les végétaux constituent des alliés santé.

Comment faut-il penser notre alimentation ?

Concevoir un aliment comme un ensemble plutôt que comme une somme de nutriments me semble la meilleure manière d’adopter un bon régime santé. C’est l’alimentation holistique. Considérer la nourriture de cette manière, c’est comprendre que pour gagner un match, une équipe de football a non seulement besoin d’un buteur, mais aussi d’attaquants, de défenseurs, d’un goal et de remplaçants, qui tous ont besoin d’être entraînés ensemble avec le même entraîneur. Dans un aliment, les joueurs sont les composés, l’entraîneur et l’entraînement sont la structure physique qui les fait jouer les uns avec les autres.

Quels conseils pour optimiser les apports en micronutriments ?

Des conseils très simples existent. Ce ne sont peut-être pas les réponses attendues par les gens, mais ce sont pourtant les plus justes : manger varié, augmenter sa consommation de végétaux et limiter au maximum les produits industriels ultra-transformés. Ces derniers sont formés à partir d’une somme de nutriments, initialement isolés, auxquels on a ajouté une longue liste d’additifs. Ils n’ont pas les mêmes vertus que les aliments contenant naturellement ces composés. S’il faut retenir quelque chose, c’est que plusieurs petites doses naturelles valent mieux qu’une dose supra-naturelle défaite.

Au fur et à mesure, des recherches affinent nos savoirs sur ces rôles. Ainsi, le resvératrol neutralise efficacement les radicaux libres, ces molécules destructrices responsables du stress oxydatif ; la vitamine E va réparer les membranes des cellules lésées par ces derniers et le sélénium, stimuler la production d’une enzyme antioxydante endogène, la glutathion peroxydase. Plus indirectement, les fibres participent à l’optimisation de l’absorption des pigments par les intestins, en les protégeant dans le tractus digestif. Autrement dit, il existe d’autres composés tout aussi nécessaires que polyphénols et caroténoïdes, bien qu’ils ne remplissent pas les rôles les plus spectaculaires.

Que penser de la supplémentation ?

La mise en avant de ces nutriments pose la question de la supplémentation. « À l’issue d’une anamnèse exhaustive et après avoir rééquilibré au mieux l’alimentation, corrigé le stress et s’être assuré du bon état des intestins, la supplémentation est une méthode qui, à des doses physiologiques, peut participer à l’amélioration de certains états de santé des patients », estime Sylvaine Helm-Rauzy, naturopathe et phytothérapeute. « D’autant plus qu’aujourd’hui, l’appauvrissement des sols diminue la qualité nutritionnelle des végétaux. Auparavant, on pouvait se contenter de ce que la nature nous apportait ; à présent, chez les plus fragiles, et bien que leur alimentation soit équilibrée, on observe des carences. »

La supplémentation à dose physiologique signifie qu’elle sera dans l’ordre de grandeur des besoins du corps. Au-delà, un micronutriment n’est pas utilisé, et peut même avoir les effets inverses à ceux recherchés. C’est d’ailleurs ce qui a été observé à l’occasion d’une étude sur des fumeurs supplémentés en caroténoïdes : une prise de 50 mg purs par jour (alors que les recommandations sont de l’ordre du microgramme) augmentait leur risque de cancer pulmonaire.

Preuve que la supplémentation doit être utilisée à bon escient ! C’est bien dans cet esprit que Sylvaine Helm-Rauzy utilise polyphénols et caroténoïdes. Pour, par exemple, donner un coup de boost à des patients sortant d’un cancer, elle préférera des extraits complexes dont l’expérience clinique lui a permis de constater les effets bénéfiques.

Les données en matière de pigments naturels évoluent depuis le début des années 2000, alors que l’on scrute ces micronutriments et leur mode d’assimilation. Des études ont montré qu’un microbiote en bonne santé favorise l’absorption d’antioxydants. Consommer suffisamment de fibres et d’aliments fermentés (kéfir, yaourts, cornichons, tempeh…) participerait d’une manière indirecte à optimiser l’action des polyphénols et caroténoïdes.

De plus, consommer ces pigments régulièrement, via les végétaux, favorise le développement ou la diminution de certaines bactéries intestinales, ce qui a pour effet d’augmenter l’absorption de ces derniers. Aussi, on sait désormais que la curcumine est plus efficace accompagnée de la pipérine du poivre ainsi que de corps gras. Quitte à se supplémenter, autant bien le faire… sans jamais oublier qu’une alimentation équilibrée, variée et la moins transformée possible est indispensable pour que chaque molécule puisse agir en synergie avec les autres.

L’avis du docteur Claude Lagarde, spécialiste en micronutrition et créateur du laboratoire Nutergia : la clé, c’est la bonne dose au bon moment

« On devrait trouver les antioxydants dont nous avons besoin dans notre assiette. Mais, bien souvent, leur concentration y est insuffisante. Quand on se supplémente, il faut raisonner à dose physiologique, si possible avec un suivi médical. Dans la vraie vie, on ne mange jamais de fortes doses d’antioxydants, alors que les publications scientifiques nous invitent à le faire. Il s’agit aussi d’un mode de pensée calqué sur l’approche médicamenteuse, ce qui n’est pas forcément souhaitable. Par exemple, un fumeur peut avoir intérêt à se supplémenter, mais il sera plus efficace de prendre le complément alimentaire adapté chaque matin pendant trois mois que d’augmenter les doses pendant un mois seulement. La clé, c’est la bonne dose au bon moment, et ce n’est pas en la dépassant que l’on va régler un problème d’inflammation aiguë. Par exemple, la curcumine, au-delà d’une certaine quantité, est néfaste. Trop de gélules peuvent aussi neutraliser la réponse de nos défenses immunitaires. Il faut essayer de se rapprocher au maximum de ce que nous offrirait la nature

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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