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Le Permacooltour : un tour de France en quête de permaculture 

© Kevin Simon
© Kevin Simon

Depuis un an, ils sillonnent la France à vélo, en van et en auto-stop à la découverte d’écolieux. La petite troupe du Permacooltour, la vingtaine enthousiaste, est en recherche de respect de la nature et de partage des ressources. Après plus de deux mille kilomètres parcourus et une trentaine de lieux alternatifs visités, qu’en retiennent-ils ? Kevin Simon et Timothée Vernier nous partagent leur carnet de voyage d’une permaculture plurielle.

Plantes & Santé : Au printemps 2020, pourquoi vous êtes-vous lancés dans ce Permacooltour ? 

Kevin Simon : L’idée nous est venue avec Alexis Marcotte lorsque nous travaillions ensemble aux « Jardins respectueux » à Cognac pour sensibiliser le public à l’environnement. On discutait souvent de la non-durabilité de notre société, et on se disait : à quoi bon « tout avoir », un boulot et une stabilité, si on ne sait pas faire grand-chose au final, si nous n’avons pas d’autonomie alimentaire et une certaine indépendance d’existence ? Certains parlent d’effondrement, comme Pablo Servigne, et ça nous a fait réfléchir. Le Permacooltour est né de là : découvrir des écolieux en permaculture pour réapprendre à nous nourrir et nous loger tout en respectant la nature, le tout presque sans argent. 

Plantes & Santé : Vous avez différé un peu votre départ à cause du premier confinement, l’épidémie a-t-elle modifié vos plans d’itinéraire ?

Kevin : Au départ, nous avions tout planifié avec des étapes définies pour un tour de France et de Belgique en un an et demi… Puis, l’épidémie et le confinement sont arrivés et nous avons pris conscience que l’existence était de fait imprévisible. Nous sommes partis finalement début mai, sans programme ni durée, en nous laissant porter au gré des rencontres croisées sur notre chemin, une personne ou un livre nous amenant naturellement vers une autre étape. Une expérience d’une richesse incroyable. La vie est bien faite car chaque fois que nous avons une question, nous rencontrons rapidement quelqu’un qui a une réponse à nous apporter. 

Plantes & Santé : Il existe de plus en plus d’écolieux axés sur la permaculture, quels sont ceux qui vous ont le plus marqués jusque-là ?  

Kevin : La perfection n’existe pas, mais tous les écolieux que nous avons visités nous ont appris quelque chose. Car au moins ils tentent des expériences, ils testent la permaculture sur le terrain comme Terre Paille & Compagnie au sud de Poitiers, l’un des premiers lieux que nous avons visités. Pascal Depienne y fait du design en permaculture en liant habitat et environnement pour aller vers une autonomie alimentaire. Nous avons appris à bien organiser un jardin avec différentes zones, en spirale, en partant de notre maison avec des plantes aromatiques à proximité, puis des zones pour les cultures, d’autres pour les insectes et les poules, et jusqu’à une zone de nature sauvage. Un concept qu’on peut adapter en ville. L’idée c’est de récolter des fruits et légumes en abondance sans forcément cultiver de grandes surfaces. C’est d’ailleurs là que j’ai tourné le premier épisode de notre série-documentaire destinée à montrer qu’au-delà du soin à la terre, la permaculture propose des solutions simples pour toutes les dimensions de la société.  

©Kevin Simon

Plantes & Santé : Timothée, vous vous êtes greffé au Permacooltour en octobre, qu’avez-vous expérimenté depuis ?

Timothée Vernier : C’est un voyage d’une grande richesse pour moi, j’ai participé notamment à un chantier d’écoconstruction à La Gibbeuse près de Poitiers. On a utilisé des matériaux locaux et naturels. On s’est passé de pétrole et de moteurs en privilégiant l’énergie humaine et collective. Au Hameau des Buis, j’ai découvert la technique maraîchère des couches chaudes en compostant du fumier et des copeaux de bois pour que les semis germent plus tôt dans la saison. Quelle chance aussi d’avoir suivi la formation d’Humus Pays d’Oc pour régénérer les espaces désertifiés. Grâce à une simple ronce, on peut récréer tout un écosystème ! Ça fait réfléchir, car beaucoup de lieux en France risquent d’être menacés par la sécheresse à l’avenir…

Plantes & Santé : On sent bien que ces écolieux de permaculture fonctionnent beaucoup sur le volontariat et le collectif. Pensez-vous que cette approche alternative est viable ?

Timothée : C’est viable si on comprend qu’il faut ralentir, s’adapter au rythme des saisons. Il faut du temps… On a besoin aussi de retrouver des savoirs anciens et de développer l’entraide au sein des collectifs. 

Kevin : C’est possible lorsqu’il existe au sein des collectifs une vraie réflexion sur l’humain et le vivre-ensemble. L’Aérium incarne très bien cette dimension par exemple, et nous avons appris beaucoup avec eux. Nous avons vu aussi la complexité de grosses tensions liées au facteur humain comme au Hameau des Buis par exemple. Mais les coups durs nous enseignent aussi comment avancer ensemble…

Plantes & Santé : Après un an de voyage en permaculture, ces initiatives augurent-elles d’un vrai changement de fond de société ?

Timothée : C’est en tous cas, un vrai mouvement en plein essor. À notre petite échelle, nous cherchons à en témoigner, à transmettre un autre récit de notre société. On veut montrer notamment aux jeunes, aux étudiants, isolés à cause du Covid et déçus par la société, que le champ des possibles est vaste. À travers le Permacooltour, certains nous disent avoir retrouvé de l’espoir.  

Kevin : Tous ces écolieux créés, c’est le signal qu’autre chose est en train d’émerger. Mais ce n’est plus suffisant aujourd’hui. Le mythe du colibri qui fait sa petite part s’effondre… La réalité du changement climatique nous rattrape. Pour un changement profond, il faut une vision politique et sortir d’une agriculture et d’une économie basées sur la rentabilité. 

Le coffre aux graines du Permacooltour 

© Kevin SimonAu-delà d’un voyage d’initiation en terre permacole, le Permacooltour est aussi l’occasion pour le collectif d’expérimenter son « économie de la graine ». Dans leurs bagages, les « coolporteurs » transportent un coffre aux trésors qui recèle des centaines de semences. Ils les ont récoltées un peu partout, certaines étant issues d’un partenariat avec Kokopelli : « Nous nous sentons très concernés par les semences paysannes confisquées par de grands groupes. Nous voulons participer à leur libération en les faisant circuler pendant tout notre voyage », se positionne Kevin Simon. Alors à chaque fois qu’ils croisent une ferme ou un collectif dans leur périple, ils ouvrent leur coffre et proposent d’offrir des graines : « Nous ne demandons rien en échange, mais souvent, en retour, nous recevons d’autres graines ou bien des légumes. Et bien plus que ce que nous offrons. » Au fur et à mesure du voyage, les semences changent de main, se diffusent et se diversifient. Au départ, il y avait surtout des graines de maïs, de tomates, de haricots, de panais, des plantes aromatiques et médicinales, et toutes sortes de courges dont une variété de courges particulièrement précieuse, la Hopi Pale Grey, offerte par Andy et Jessy Darlington : « Nous avons eu la chance de rencontrer ce couple pionnier de la permaculture. Un de leurs amis leur a envoyé ces graines, trouvées dans des amphores au fond d’une grotte en Amérique centrale. Les Darlington se sont dépêchés de planter et de multiplier cette variété très ancienne et nous en ont donné. » Kevin et les coolporteurs se sont empressés d’en envoyer un échantillon à la banque de graines des « Jardins respectueux » à Cognac pour les faire fructifier. Car c’est tout l’intérêt de cette économie de la graine : une spéculation vertueuse qui permet de multiplier des semences avec une seule graine plantée. Évidemment, il ne s’agit pas de concurrencer le système monétaire, mais de redonner du sens à l’échange. Et susciter aussi des discussions éthiques autour de la redistribution équitable des richesses. 

Photos réalisées par Kevin Simon.

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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