Plantes et Santé Le magazine de la santé par les plantes

La difficile résistance de l'homéopathie

Déremboursement : la difficile résistance de l'homéopathie
Déremboursement : la difficile résistance de l'homéopathie

Deux ans après le séisme de son déremboursement, où en est l'homéopathie ? Éprouvés, les laboratoires phares ont dû fermer des sites et adapter leur offre. Ils misent plus sur l'automédication que sur les traitements individualisés, une tendance accentuée par la pénurie de médecins homéopathes. Pourtant, les patients sont toujours demandeurs de cette thérapeutique sur mesure.

« L'effet d'une tempête que nous n'aurions jamais pu imaginer »… Valérie Lorentz-Poinsot, la directrice générale des laboratoires Boiron, résume ainsi les conséquences du déremboursement total de l'homéopathie en France intervenu le 1er janvier 2021. Le géant pharmaceutique, qui occupe 90 % du marché français de l'homéopathie, a perdu des plumes depuis l'arrêt il y a deux ans de la prise en charge des médicaments homéopathiques. Une décision prise par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, justifiée par l'avis de la Haute Autorité de Santé concluant soudain à « l'absence d'efficacité avérée » de l'homéopathie. Un avis scientifique contre lequel, malgré la présentation d'études validant les effets de l'homéopathie, les laboratoires, syndicats de médecins homéopathes, pharmaciens et patients n'ont rien pu faire. Ajoutez à cela une violente campagne de dénigrement menée notamment par le collectif NoFakeMed, voilà qui ne pouvait que fortement impacter l'homéopathie. Résultat, entre le déremboursement et les attaques, les ventes des médicaments homéopathiques ont dévissé depuis deux ans. Les pharmacies ont enregistré « entre 25 et 40 % de baisse au niveau national », selon l'Union nationale des pharmacies de France. Boiron confirme une chute de 40 % de leurs ventes de médicaments à noms communs (ceux écrits en latin), « les médecins ayant préféré prescrire d'autres solutions remboursées », pointe Valérie Lorentz-Poinsot. Chez Weleda, autre grand acteur du secteur, on reconnaît 70 % de perte de chiffre d'affaires sur l'homéopathie. Quant à Rocal, la toute petite filière spécialisée du groupe Lehning, ses ventes ont décroché de 60 à 80 % et l'équilibre financier est précaire. ll faut dire que l'augmentation inéluctable du prix du tube de granules, auparavant remboursé, qui a grimpé à 2,50 euros puis à plus de 3 euros, voire bien davantage, n'a rien arrangé.

Coupes drastiques et réorganisation

Face à cette crise sans précédent, les laboratoires ont été contraints de faire des coupes économiques drastiques. À cause du déremboursement, le groupe suisse Weleda a définitivement arrêté en décembre la production pharmaceutique de sa filiale française « car l'évolution du marché ne permettait plus d'absorber les charges fixes du site », mais ses produits homéopathiques seront toujours commercialisés en France. Réorganisation plus importante encore du côté de Boiron avec un plan social concernant plus de cinq cents collaborateurs, la fermeture de douze des vingt-sept sites régionaux et d'un site industriel : « La période a été très difficile humainement et économiquement », reconnaît la directrice de l'entreprise. Face à cette tempête, la profession fait tout pour « sauver » l'homéopathie. Boiron a opéré un virage en privilégiant la production de spécialités homéopathiques mélangeant plusieurs souches (à la différence des médicaments unitaires) et destinées à l'automédication. Dans la lignée de son Oscillococcinum contre les états grippaux, l'entreprise a innové avec Varesol pour les symptômes de la varicelle, qui associe trois souches végétales (Rhus Toxicodendron 15 CH, Croton Tiglium 9 CH et Mezereum 15 CH), ou le très récent Labiameo lancé en décembre contre l'herpès. Leur très rapide autorisation de mise sur le marché démontre selon Boiron que « ces médicaments sont reconnus et utiles à la santé publique ». En tout cas, ils tirent son chiffre d'affaires vers le haut. Weleda annonce aussi « se concentrer sur l'automédication » avec une dizaine de nouvelles spécialités prévues d'ici la fin de l'année, mais l'homéopathie n'est plus la priorité de la firme, focalisée à présent sur la cosmétique naturelle.

La fin du sur-mesure ?

On comprend bien l'intérêt industriel et stratégique d'initier de nouvelles gammes de médicaments combinant différents principes actifs avec un mode d'emploi accessible à chacun. Ce faisant, on semble s'éloigner de l'approche thérapeutique d'origine de l'homéopathie : « la base, c'est d'individualiser le traitement pour chaque personne en fonction de son terrain, de son historique. Cette médecine fonctionne parce qu'on prescrit des souches et des dilutions très précises, pas des spécialités toutes faites », explique Pascale Laville, médecin homéopathe au Centre de santé Saint-Jacques à Paris. Elle s'inquiète pour ses patients qui commencent à avoir du mal à se procurer « certaines souches comme Hydrastis 4 CH » ou d'autres tubes unitaires. Elle les oriente vers des spécialistes en préparations homéopathiques magistrales comme la pharmacie de l'Europe d'éric Myon à Paris : « On se bat pour continuer à fabriquer des mélanges sur mesure en préservant des produits qui deviennent rares, comme Bellis Perennis 6 CH. C'est vrai que nous ressentons une petite diminution des souches disponibles auprès des laboratoires ». Son confrère Laurent Rispal possède l'une des plus grandes diluthèques françaises (bibliothèque de souches) dans sa pharmacie des Archers à épernay (Marne) : « Pour continuer à proposer toutes les souches de 5 à 30 CH et dilution Korsakov, on se fournit aussi à l'étranger. Les demandes de préparations magistrales viennent de toute la France, de patients comme de pharmacies qui sous-traitent, mais c'est quand même en baisse. On tient bon parce qu'on croit à l'homéopathie, mais heureusement que l'on travaille aussi en allopathie et phytothérapie pour tenir ». D'autres pharmacies moins spécialisées ont déjà jeté l'éponge : elles seraient un quart en France à avoir arrêté de proposer de l'homéopathie.

Alors pourquoi la demande de traitements individualisés baisse-t-elle ? Les patients seraient-ils moins intéressés ? Une enquête d'opinion menée par Harris Interactive en août dernier indique pourtant le contraire : 60 % des sondés déclarent avoir utilisé ­l'homéopathie au cours de l'année écoulée, et 87 % se disent confiants dans cette médecine.

L'avis des Français sur l'homéopathie

Selon une enquête de l'institut Harris Interactive réalisée en août 2022, 79 % des Français ont déjà employé l'homéopathie au cours de leur vie. Ils y ont eu recours pour soigner un enfant (35 %), dans le cadre d'une maladie chronique (32 %) ou, pour un quart d'entre eux, suite à un traitement peu efficace. Et ces adeptes des petits granules s'en montrent plus que satisfaits (86 %). Mais l'enquête montre qu'ils ne sont plus que 60 % à y avoir eu recours au cours des 12 mois précédant le sondage. Sans doute le déremboursement et les polémiques ont-ils joué… Toutefois, les deux tiers des personnes sondées se disent intéressées par le côté « naturel et sans effets secondaires » de l'homéopathie et envisagent de se soigner avec à l'avenir. Cette enquête n'est pas la seule à relayer la bonne opinion des Français sur cette médecine douce. Dans un sondage Ipsos de septembre 2022, 83 % des Français se déclarent favorables à l'utilisation de l'homéopathie.

La demande est donc toujours là, confirme Pascale Laville : « La fréquentation ne baisse pas, nous avons même de nouveaux patients en pédiatrie, en médecine générale et en oncologie. Les consultations en soins de support sont d'ailleurs bondées ». Elle reconnaît qu'après le déremboursement, certains patients économiquement fragiles ont arrêté leurs traitements homéopathiques, mais « beaucoup sont revenus parce qu'ils ne pouvaient pas s'en passer au quotidien ». Les patients continuent donc à se soigner, mais en faisant plus attention. Et si les consultations ne désemplissent pas, c'est aussi parce qu'il y a pénurie de médecins homéopathes. Là se trouve la vraie faille du secteur. « Ils sont en effet 20 % à avoir arrêté leur activité l'an dernier », relève Charles Bentz du Syndicat national des médecins homéopathes français. Ils ont raccroché en grande majorité pour partir en retraite, et certains en raison de l'obligation vaccinale des soignants. Un déclin préoccupant, surtout vu la moyenne d'âge élevée de ces praticiens (55 ans). Quant à en former de nouveaux, nombre d'universités ont suspendu leur cursus homéopathique suite à l'avis de la HAS. L'horizon semble s'éclaircir un peu avec la création, en octobre dernier, d'un diplôme interuniversitaire (DIU), une formation en deux ans dispensée en visio et accessible aux médecins, pharmaciens, sages-femmes et certaines catégories d'infirmières. À peine une vingtaine d'inscrits pour le moment, dont peu de médecins : la relève n'est pas encore assurée.

 

Elargir l'autorisation de prescription

Face à tous ces signaux négatifs, l'homéopathie va sans doute devoir encore se réinventer. Si l'on veut préserver cette médecine naturelle, Éric Myon suggère par exemple d'élargir l'autorisation de prescription, pour l'instant réservée aux seuls médecins. Il propose, avec le Syndicat national de la préparation pharmaceutique, que les pharmaciens comme d'autres professionnels de santé et des paramédicaux formés soient eux aussi autorisés à prescrire des préparations sur mesure. Il faudra également continuer de pouvoir compter sur les mutuelles. Actuellement, bon nombre d'entre elles remboursent les soins homéopathiques prescrits.

Les mutuelles prennent le relais

Malgré l'arrêt de la prise en charge des médicaments homéopathiques par la Sécurité sociale, bon nombre de mutuelles continuent de rembourser ces médicaments dès lors qu'il y a prescription. Les laboratoires Boiron, très investis dans la défense de l'homéopathie, ont en effet mené campagne dans ce sens et les adhérents d'Audiens, Alptis, Apivia, April, Cegema, Cocoon, Eca Assurances, Generali, Malakoff Humanis, SpVie et d'autres y ont aujourd'hui droit… Un vrai plus, car les tubes de granules se vendent aujourd'hui aux alentours de 3 euros l'unité, voire plus, ce qui est onéreux pour des traitements qui se prennent souvent au quotidien. Mieux vaut vous rapprocher de votre mutuelle pour savoir quel niveau de remboursement est prévu. Consultations, médicaments, forfait, plafonnement, ce qui est couvert et à quel taux, toutes ces données varient selon les établissements. Attention par exemple à bien vérifier si cette prestation nécessite une extension du contrat… On peut aussi contacter l'association de patients « Mon homéo, mon choix », un bon interlocuteur pour toutes vos questions pratiques sur l'homéopathie.

« Il va en tout cas falloir bouger les lignes, s'inquiète Éric Myon, sinon l'homéopathie, qui repose sur la personnalisation complète des soins, va s'éteindre ». Pour d'autres, cette personnalisation est de fait dépassée : « Le modèle économique va nous obliger à proposer d'autres solutions homéopathiques plus simples », estime un expert du secteur. Reste la réaction des patients face à tous ces changements en cours et peut-être encore à venir. Vont-ils continuer à plébisciter l'homéopathie ? On peut l'espérer. Selon le dernier sondage de l'institut Harris Interactive, sept Français sur dix déclarent vouloir l'utiliser dans le futur.

Des remèdes homéopathiques dans le froid de l'hiver

Contre les coups de froid hivernaux, refroidissements et petits états grippaux, on peut se tourner vers l'homéopathie. Voici les médicaments homéopathiques unitaires ou les complexes les plus souvent utilisés en automédication pour contrer ces affections saisonnières. Votre pharmacien pourra vous conseiller pour la posologie.

  • Rhus Toxicodendron et Aconit Napellus sont indiqués pour un début de rhume, l'un par temps humide, l'autre par temps sec.
  • Gelsemium Sempervirens est connu pour traiter la grippe avec frissons, sueurs et fièvre, Eupatorium Perfoliatum est plus pertinent en cas de symptômes de courbatures et douleurs du globe oculaire.
  • Belladonna agira sur les syndromes pharyngés avec début de mal de gorge (rhinopharyngites et otites).
  • Nux Vomica est conseillé pour le nez bouché avec éternuements le matin et le nez qui coule.

Des spécialités homéopathiques à souches complexes existent aussi, comme Oscillococcinum et L52 (celui-ci associe homéopathie et phytothérapie) pour lutter contre les symptômes grippaux.

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
Vous appréciez nos articles, allez plus loin en vous abonnant au magazine en cliquant ici
Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter Plantes & Santé
Recevez chaque semaine nos conseils de bien-être par les plantes, astuces et recettes à faire vous même pour retrouver Equilibre et Santé
Votre inscription a bien été prise en compte 
Politique de confidentialité