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Voyage thérapeutique parmi les lichens

Voyage thérapeutique  parmi les lichens

L'utilisation des lichens, en soin comme en cuisine, a le vent en poupe. Difficiles à identifier, parfois toxiques, ils restent cependant très peu usités par rapport aux plantes médicinales classiques. Quelques spécialistes s'efforcent pourtant de mieux valoriser leur potentiel thérapeutique très élevé.

Désir d’autonomie, souci d’économies, envie de découverte… Actuellement, on observe un engouement pour les lichens cueillis en forêt. Dans les stages de cuisine sauvage comme dans les restaurants gastronomiques, on apprécie leur originalité. Cependant, les cueilleurs amateurs consommateurs de lichens sauvages ne sont pas tous avertis des précautions d’emploi à respecter, ni de l’importance de l’identification botanique, extrêmement complexe. Par ailleurs, différents herbalistes communiquent sur des remèdes maison à base de lichens qui circulent sur les réseaux sociaux. Qu’en penser au vu des connaissances dont nous disposons actuellement ?

Activités anticancéreuses

Si certains laboratoires se sont intéressés aux lichens, mettant au point plusieurs compléments alimentaires et médicaments homéopathiques, la lichénologie est considérée comme une « discipline rare » depuis 2022 par le ministère de l’Éducation nationale et celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Il faut dire que les lichens sont des organismes vivants très particuliers, car ils résultent de l’association symbiotique d’un champignon et d’une algue. Ces organismes poussent très lentement (quelques millimètres par an) et leur longévité est exceptionnelle car ils peuvent atteindre 9 000 ans. Les lichens produisent des molécules rares et spécifiques, extrêmement puissantes et présentes en grande quantité comparativement à la teneur en principes actifs des plantes médicinales classiques. Quelque mille substances originales ont été décrites à ce jour. En France, Joël Boustie, président de l’Association française de lichénologie et professeur de pharmacognosie-mycologie à l’université de Rennes 1, s’y intéresse depuis 1998. Il étudie notamment les activités anticancéreuses de l’acide usnique, un des composants que l’on retrouve dans tous les lichens, avec des teneurs variables. Ce principe actif présente en outre des propriétés antibactériennes, antivirales, antiparasitaires et antifongiques. En 2013, Joël Boustie a mis en avant l’effet « filtre anti-UV » de certains extraits de lichen, avant de découvrir un autre composant au fort pouvoir antidiabétique, l’acide salazinique. Dans sa dernière publication en 2023, il explore les nombreuses actions biologiques des tridepsides, en particulier de l’acide gyrophorique (anticancéreux, cicatrisant, antivieillissement, anti-Alzheimer…).

Un seul lichen est inscrit dans la pharmacopée française

On trouve en France plusieurs centaines d’espèces de lichens des genres Cladonia et Usnea. Ils se ressemblent fortement. « De ce fait, les mauvaises identifications sont très courantes, ce qui peut rendre leur utilisation dangereuse, car certains ont une forte teneur en acide usnique qui peut être hépatotoxique », alertent Joël Boustie et Chantal Van Haluwyn, professeure de botanique-mycologie, auteure de plusieurs livres sur les lichens. Au Canada, l’herbaliste et instructrice de survie Nicole Apelian utilise l’usnée barbue (Usnea barbata) pour réaliser une teinture antimicrobienne à base d’eau et d’alcool, dont l’efficacité est liée notamment à l’acide usnique. Or la teneur en divers composés lichéniques dans ce type d’extrait est inconnue puisque non contrôlée. Un usage régulier par voie interne peut engendrer des effets secondaires parfois graves : l’acide usnique a déjà causé des hépatites fulminantes aux États-Unis. Ce type de préparation maison est donc à utiliser principalement par voie externe, sur une courte durée.

Aujourd’hui, un seul lichen est inscrit à la pharmacopée française : le lichen d’Islande, Cetraria ­islandica, utilisé par quelques laboratoires dans des compléments alimentaires. Il contient une petite quantité d’acide usnique mais est riche en polysaccharides immunomodulateurs, les lichénanes, ce qui permet de rétablir un fonctionnement équilibré du système immunitaire, qu’il soit trop ou trop peu activé. Malgré ses propriétés intéressantes, ce lichen reste peu demandé par les consommateurs, et on ne le trouve d’ailleurs pas si facilement dans les herboristeries. Si vous souhaitez y recourir afin de soutenir vos défenses naturelles, vous pouvez le prendre en infusion. Pour cela, faites bouillir à couvert 1 cuillerée à soupe de lichen d’Islande dans 250 ml d’eau pendant 3 minutes, puis retirez du feu et laissez infuser 10 minutes supplémentaires. Filtrez et buvez deux à trois fois par jour pendant quelques jours. À savoir également, vous pouvez retrouver le lichen d’Islande dans plusieurs dispositifs médicaux pour apaiser la toux.

Usage modéré et ponctuel

Bien que porteurs de nombreuses molécules bioactives, suscitant l’espoir pour de nouveaux antibiotiques, les lichens restent à ce jour assez peu connus. La recherche doit donc encore en valider les diverses propriétés et utilisations thérapeutiques, tout en repérant les risques toxiques. En attendant, de tels végétaux sont à manier avec précaution : il convient d’utiliser les lichens sauvages – à condition d’être sûr de leur identification – de manière modérée et ponctuelle, en tenant compte également de leur très lente croissance qui impose une cueillette raisonnée.

Les usnées, des effets antibiotiques

Quelque 300 espèces différentes d’usnée (Usnea spp.) ont été identifiées. Grâce à la présence d’acide usnique, cette famille de lichen a des effets antibiotiques. Des études ont ainsi cerné leur action contre des bactéries gram-positives, (streptocoques, staphylocoques, entérocoques…). Ces vertus antibiotiques sont utilisées en Asie, mais aussi en Allemagne pour venir à bout d’infections de type cystite, car l’acide usnique a la capacité de dissoudre les biofilms qui protègent les mauvaises bactéries, les rendant imperméables à nos défenses immunitaires ou aux antibiotiques. Il est toutefois déconseillé de les utiliser en remède maison. D’ailleurs, la médecine traditionnelle, bien consciente de la puissance de l’acide usnique, utilise les usnées dans des formules dosées à 10 % maximum et avec d’autres plantes protectrices. Attention aussi à ne pas les confondre avec le lichen du loup (Letharia vulpina), qui contient un poison dangereux, l’acide vulpinique, et que l’on utilisait autrefois en Europe pour empoisonner les loups.

Le lichen d’Islande, soutien de l’immunité

On rencontre Cetraria islandica dans le nord du Canada, l’Alaska, la Grande-Bretagne, l’Irlande, la Scandinavie, les Alpes françaises et bien sûr l’Islande. C’est l’un des lichens qui constitue la nourriture hivernale des caribous. Dans les pays nordiques on le mélange avec de la farine pour en faire du pain, du porridge… D’un point de vue médicinal, ce lichen agit sur les problèmes de bronches, améliorant par exemple une toux persistante. Il soutient et stimule l’immunité. Il améliore la digestion, les problèmes de ballonnements et peut redonner de l’appétit. Des études en laboratoire et cliniques ont montré des actions antivirales, même sur la réplication du virus du sida.

Le lichen boréal ou lichen des rennes, pourvoyeur de vitamine D3

Cladonia rangiferina (L.) Weber est désormais connu, car c’est l’un des seuls organismes non animaux capables de synthétiser de la vitamine D3 en grande quantité. Une originalité, car on extrait plus facilement des végétaux ou champignons de la vitamine D2, qui est moins bien assimilée par notre organisme. Depuis quelques années, des techniques existent pour extraire la vitamine D3 du lichen boréal, qui pousse à l’état sauvage dans les régions froides et tempérées (Scandinavie, Canada, Irlande). Il est également connu sous l’appellation « lichen des rennes » ou « lichen des caribous » car il constitue une source importante de nourriture pour ces cervidés, dont le microbiote est capable de détoxifier l’acide usnique. On le trouve sur les rochers et les arbres des zones humides. Sa récolte est encadrée afin de protéger la ressource.

Des labos qui misent sur les lichens

Certains compléments alimentaires et médicaments utilisent les propriétés des lichens.

  • Le lichen d’Islande est présent dans des pastilles respiratoires pour maux de gorge (laboratoire Pierre Fabre) et des sirops (Upsa et Stilaxx).
  • Le lichen (Lobaria pulmonaria ou Sticta pulmonaria pour l’homéopathie), entre dans la composition de sirops antitussifs homéopathiques (Boiron).
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