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Cannabis thérapeutique, la panacée du futur ? (5/5)

Dans plusieurs pays, le cannabis thérapeutique a été légalisé. Il est prescrit pour soulager différentes maladies chroniques mais aussi des pathologies lourdes. À l'heure où la France lance le premier essai clinique autour de ce traitement, nous avons rencontré les acteurs de la filière française afin de comprendre les bénéfices que l'on peut espérer de cette plante, et la place qu'elle pourrait prendre dans l'Hexagone.

Effets santé cannabis thérapeutique
Effets santé cannabis thérapeutique

Médecins et thérapeutes attentifs

Bien que 60 % des médecins français déclarent actuellement ne pas vouloir prescrire de cannabis thérapeutique, certains pionniers se penchent depuis longtemps déjà sur ses propriétés. Aujourd'hui en France, en dehors de l'expérimentation en cours, un médecin doit demander une autorisation temporaire d'utilisation nominative (ATU) pour prescrire du cannabis thérapeutique. Or, elle n'est délivrable que pour les patients chez qui les traitements conventionnels se sont avérés inefficaces.

Ces ATU concernant donc très peu de patients, beaucoup sont obligés de se procurer illégalement du cannabis à l'étranger ou via des circuits illégaux. Impuissants à les aider, un nombre croissant de médecins et thérapeutes réclament la légalisation du cannabis thérapeutique. Comme premier argument à cette demande, la neurologue Nadine Attal (ex-membre du comité temporaire sur l'évaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France) bat en brèche une idée reçue : « Contrairement à ce que l'on croit, le cannabis thérapeutique ne concerne pas des patients légers mais plutôt des patients en bout de course aux douleurs très lourdes, comme ces quatre millions de Français atteints de douleurs rebelles neuropathiques comme les sciatiques chroniques, liées à une sclérose en plaques, aux suites d'un AVC ou encore au diabète ».

Vu du Québec

Apaiser les douleurs névralgiques ou neuropathiques

En externe, le cannabis est l'une des meilleures plantes pour atténuer les douleurs neuropathiques (dommages aux nerfs, trauma, hernies discales ou nerfs sciatiques). On s'est rendu compte au Québec, qu'une variété de cannabis avec une forte proportion de THC, est plus efficace. Et ce, sans craindre les effets psychotropes qui ne se font pas sentir en externe. On applique l'huile directement sur les zones affectées. Pour maximiser son impact, on pourra également mélanger l'huile de cannabis à d'autres plantes anti-inflammatoires (saule et reine-des-prés). L'huile de millepertuis, aux propriétés anti-inflammatoires, peut également être ajoutée à l'huile de cannabis.

Par Caroline Gagnon, herboriste-thérapeute au Québec. Créatrice de l'école d'herboristerie en ligne FloraMedicina, elle détaille dans ce dossier les différentes indications du cannabis à usage médical.

Co-créateur du premier diplôme universitaire français sur le cannabis médical à l'université Paris-Saclay, le professeur Amine Benyamina (médecin addictologue à l'hôpital Paul-Brousse de Villejuif) a changé la vie de plusieurs de ses jeunes patients épileptiques grâce au CBD. Plutôt optimiste il estime que le débat va rapidement se dépassionner. Toutefois, il insiste : « Plutôt que copier les États-Unis et son modèle mercantile contre-productif, la France doit construire son propre modèle, hybride et faire sa révolution des plantes qui soignent. ». Une révolution qui ne se fera pas, selon la...

neurologue Nadine Attal, sans les essais actuels qui vont « permettre de démystifier les peurs autour du cannabis, notamment concernant d'éventuels abus ».

 

En effet, le statut de plante et non de médicament freine l'utilisation du cannabis thérapeutique. Il faudra peut-être penser à créer un statut hybride comme c'est le cas dans d'autres pays. Actuellement, ce sont surtout les molécules isolées de la plante (parfois de synthèse) qui sont prescrites et ­accessibles en ATU (Marinol®, Sativex®, Epidiolex). Or ces molécules n'ont pas les mêmes propriétés que la plante utilisée entière (totum). Intarissable sur le sujet, le médecin nutritionniste spécialiste en phytothérapie Franck Gigon précise que la synergie entre les différentes molécules du cannabis forme un équilibre naturel crucial car il maximise les bénéfices et limite les effets indésirables. C'est ce que l'on appelle l'effet d'entourage. Cependant, on ne retrouve pas cette synergie avec les molécules isolées de synthèse qui font l'effet d'une « claque », et que certains patients ne supportent tout simplement pas.

 

CBD et récupération musculaire

Retiré depuis 2018 de la liste des substances dopantes élaborée par l'Agence mondiale antidopage, le CBD est utilisé dans le monde par de nombreux sportifs pour favoriser la récupération musculaire, notamment dans les sports intensifs. En agissant comme relaxant pour éviter l'inflammation des muscles et tendons, il permettrait une meilleure récupération physique. De nombreux athlètes professionnels en basket-ball, boxe ou natation l'utilisent sous forme d'huile à ingérer ou à appliquer sur les articulations. Celle-ci est le résultat d'une longue cuisson des fleurs de cannabis séchées dans de l'huile de coco (six heures environ) à température modérée (120° maximum).

Se pose aussi la question de la distinction à opérer entre les molécules non psychoactives comme le CBD et la molécule aux effets psychoactifs, le THC. Pour la neurologue Nadine Attal, le CBD étant un produit « purement du bien-être », c'est sur les prescriptions de cannabis contenant du THC qu'il faut se concentrer afin que les patients qui en ont besoin puissent y accéder de façon simple, qu'ils aient la possibilité de se procurer des produits de qualité en pharmacies. Pour Franck Gigon, il faut surtout qu'on « lâche la grappe au CBD qui n'a quasiment pas de toxicité » et que l'on cesse de « tout bloquer à cause du THC ».

L'ex-généraliste craint très fortement que l'industrie pharmaceutique fasse main basse sur le marché français et que l'avenir du cannabis thérapeutique en France passe d'abord par des ­molécules isolées de synthèse, ou pire, un no man's land où l'achat de CBD se fait à l'étranger de manière détournée. Une crainte partagée par Nadia Rasamoely, naturopathe et nutrithérapeute installée à Biarritz, persuadée que le cannabis thérapeutique va « vraiment exploser dans les prochaines années ». Depuis 2018 et l'ouverture des premières boutiques de CBD en France, elle a senti un vif intérêt de ses patients : « Beaucoup me posent des questions sur son utilisation, certains veulent même des consultations spécifiques pour être conseillés sur la prise de CBD. Les médecins aussi commencent à s'y intéresser : j'ai par exemple été contactée par des médecins travaillant en service d'oncologie » poursuit celle qui a lancé avec d'autres thérapeutes en médecines naturelles le site d'information cbd-therapeutique.com.

Si le cannabis thérapeutique était légalisé, la neurologue Nadine Attal explique que le cannabis thérapeutique apporterait un grand soulagement à ses patients atteints de douleurs neuropathiques, même si elle précise qu'il est encore difficile de dégager précisément le profil des patients qui répondent le mieux à ces traitements. Franck Gigon l'utiliserait principalement pour les troubles du sommeil, les maladies inflammatoires chroniques, le sevrage tabagique mais aussi comme décontractant musculaire. Il déconseillerait toute utilisation de chanvre à THC avant 25 ans en raison de ses effets sur le cerveau encore en formation. Enfin, Nadia Rasamoely recommande le CBD pour accompagner un traitement de fond sur les terrains inflammatoires, en cas de fibromyalgies, douleurs du système nerveux, insomnies, anxiété ou nervosité. Elle trouve sa rapidité d'action « bluffante » en cas de fibromyalgie. Ainsi il est clair que les espoirs sont importants sans vouloir transformer le cannabis thérapeutique en panacée !

Décrypter les étiquettes

Alors que les produits intégrant du CBD se multiplient, Mado Gilanton de l'association de patients Apaiser S&C, nous donne quelques conseils pour l'acheter :

Se méfier des CBD annonçant un dosage à plus de 10 % En effet, certaines huiles de CBD sont même dosées à 30 %, or de telles concentrations sont naturellement impossibles, ce qui signifie que le produit contient des molécules isolées synthétiques qui ont souvent plus d'effets indésirables.

Rechercher l'indication « full spectrum » (ou FECO pour full extract cannabis oil) afin d'obtenir un produit utilisant le totum de la plante ou au moins l'indication « broad spectrum » (c'est-à-dire un « full spectrum » sans THC).

Prendre le temps de comparer les prix qui peuvent varier du simple au double. En général, les filières autrichiennes et suisses sont plus qualitatives.

 

Aller plus loin

Cannabis médical et Se soigner avec le cannabis, par Michka et al, éd. Mama

Stupéfiant ! Le chanvre va-t-il sauver le monde ? par Franck Gigon, éd. de l'Opportun

• D I U Cannabis médical, université Paris-Saclay, dir. par Pr Benyamina : www.medecine.universite-paris-saclay.fr

www.cbd-thérapeutique.com

Floramedicina.com, école d'herboristerie au Québec

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